Après l’attaque terroriste contre le couvent des Sœurs missionnaires de la Charité, le Saint-Père, à l’angélus, pleure la mort de “ces martyrs d’aujourd’hui” qui versent leur sang sous le regard indifférent d’un monde pourtant surmédiatisé.Depuis l’attaque contre les missionnaires de la charité au Yémen, provoquant la mort de 16 morts – quatre religieuses et 12 laïcs – et l’enlèvement d’un père salésien, le 4 mars dernier, l’émotion et l’indignation du pape François est à son comble : “Sa Sainteté le pape François a été choquée et profondément attristée d’apprendre l’assassinat de quatre missionnaires de la Charité et de douze autres personnes dans un hospice à Aden”, fait savoir le secrétaire d’État du Saint-Siège, le cardinal Pietro Parolin, dans un premier télégramme, samedi matin. Dimanche, le Pape est revenu sur les faits, après l’angélus, déplorant “l’indifférence” du monde face à ces “martyrs d’aujourd’hui” qui ont “donné leur sang pour l’Église” mais dont on ne trouve trace dans les journaux.
Emotion et indignation
“Elles sont les martyrs d’aujourd’hui, ne font pas les couvertures des journaux, ne font pas la une (…) victimes à la fois des hommes qui les ont tuées et de l’indifférence, de la mondialisation de l’indifférence (…)”, a souligné le Pape devant les milliers de fidèles et pèlerins rassemblés place Saint-Pierre. Le Pape a confié leurs âmes à Mère Teresa pour qu’elles les “accompagne au Paradis” et “intercède pour la paix et le respect sacré de la vie humaine”, vœux accueillis par un tonnerre d’applaudissements de la part de la foule.
La veille, le Saint-Père s’est déclaré “choqué et profondément attristé” et a assuré de ses prières les victimes de cet acte qu’il a qualifié “d’insensé” et de “diabolique”. Dans son message de condoléances, il souhaite “que ce carnage inutile réveille les consciences, qu’il conduise à une conversion des cœurs et qu’il pousse les parties concernées par ce conflit à renoncer à la violence”. Pour finir, ajoute le cardinal Parolin dans son message en son nom, le Pape “appelle les parties en présence dans le conflit à renoncer à la violence et à renouveler leur engagement en faveur du peuple du Yémen, en particulier, des plus nécessiteux au service desquels se trouvaient les sœurs et leurs collaborateurs”.
Aucun groupe n’a encore revendiqué l’attaque. Samedi, Al-Qaïda, bien implanté dans le Sud du Yémen, a nié “tout lien avec l’attaque contre l’hospice”. “Ce n’est pas notre façon de combattre”, affirme l’organisation terroriste dans un communiqué aux citoyens d’Aden. Au couvent des religieuses, on est toujours sans nouvelle du prêtre salésien, Tom Uzhunnalil, d’origine indienne, enlevé par les assaillants alors qu’il se trouvait dans la chapelle au moment de l’attaque. Attaque “fermement” condamnée par les membres du Conseil de coopération du Golfe (CCG), très engagé dans la guerre au Yémen, qui voit s’affronter indirectement ses deux grandes puissances, l’Iran et l’Arabie saoudite.
Qui sont les assassins ?
Depuis vendredi, la thèse d’une attaque ciblée contre les chrétiens se renforce. Après les premières déclarations du vicaire apostolique, Mgr Paul Hinder, dont le siège est à Abu Dhabi, aux Émirats arabes unis, de plus en plus de responsables yéménites et étrangers pointent du doigt l’organisation de l’État islamique, qui gagne du terrain à Aden depuis plusieurs mois. “Ces religieuses étaient au service des plus pauvres et avaient accepté de rester pour eux dans l’enfer qu’est devenu le Yémen aujourd’hui”, explique Marc Fromager, directeur de l’AED (Aide à l’Église en détresse). Comme Mgr Hinder, il est non seulement convaincu du fond religieux de l’attaque, mais il y voit la nouvelle preuve d’une claire volonté de “faire disparaître” toute présence chrétienne au Yémen : “Elles ont été victimes d’un absurde assassinat de sang-froid, qui semble encore plus violent que les bombardements quotidiens qui auraient pu les tuer à n’importe quel instant. Clairement, on cherche à faire disparaître toute présence chrétienne dans ce pays”, dénonce le responsable.
Fiers de ces témoins de l’amour du Christ
L’AED, selon Radio Vatican, estime qu’il pourrait y avoir entre 500 et 1 000 chrétiens d’origine musulmane au Yémen. Mais comme l’apostasie est passible de la peine de mort, il est impossible d’en parler officiellement. Ces chrétiens sont obligés de vivre leur foi en secret et ne peuvent se réunir que clandestinement. “Être prudent et discret fait partie de notre comportement général dans les pays de la péninsule, surtout dans un pays en conflit comme le Yémen”, confirme Mgr Hinder.
Dans une deuxième réaction à l’AED, le vicaire, comme le Christ sur la croix, appelle : “Père, pardonne-leur, ils ne savent pas ce qu’ils font !” et ajoute : “Seigneur, tu sais que ta mort sur la croix est notre rédemption. Ajoute le sacrifice de ces missionnaires de la Charité à ta souffrance. Tu peux en faire la semence pour la paix et la justice. Protège ceux qui sont laissés sans les soins et la charité des sœurs. Protège le père Tom Uzhunnalil dont nous n’avons pas encore des nouvelles”.