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Son nom reste familier grâce aux établissements d’enseignement catholique et aux rues qui l’honorent à Paris et dans plusieurs villes de province. Mais qui saurait encore, même à gros traits, décrire la vie et l’œuvre du père Lacordaire ? Peut-être trouverait-on à la faveur d’un "radio trottoir" à la sortie d’une messe un paroissien se souvenant que Jean-Baptiste Henri Lacordaire fut le plus illustre prédicateur français du XIXe siècle et qu’il rétablit en France (1850) l’ordre des Prêcheurs, plus connus sous le nom de Dominicains, proscrit par la Révolution comme tous les ordres religieux réguliers (1790).
Mais cette âme de feu, qui contribua puissamment au renouveau catholique dans la France post-révolutionnaire, mérite amplement qu’on redécouvre sa personnalité frémissante, exceptionnellement riche et complexe. Plus encore, c’est sa pensée exigeante et subtile sur la place du christianisme dans la société moderne que nous invitent à revisiter les débats actuels autour de la laïcité.
Quelle place pour le christianisme dans la société moderne ?
Pour Lacordaire, c’est une même logique de vérité et de justice qui doit pousser les catholiques à s’investir dans les œuvres sociales et dans la politique, en servant "Dieu et la liberté". Derrière cette devise du journal L’Avenir, Lamennais et Lacordaire, ses fondateurs, entendaient "revendiquer pour l’Église de France tous les privilèges de la liberté sans en repousser les charges", résume Aimé Richardt, auteur de l'ouvrage Lacordaire : le prédicateur, le religieux (éd. François-Xavier de Guibert).
Il fallait affranchir l’Église de la tutelle de l’État en lui rendant en particulier la liberté de nommer les évêques et d’enseigner ; plus généralement, il s’agissait de rendre au christianisme une existence sociale : dans ses prédications, notamment à Notre-Dame de Paris, le père Lacordaire "insistait et revenait sans cesse sur l’existence sociale du christianisme, car, disait-il, toute société dépend de lui, comme le corps dépend et vit de l’âme, comme l’homme dépend et vit de Dieu", souligne Aimé Richardt.
Un combat que Lacordaire a mené avec une totale exigence, "jusqu’au sang, comme on cueille une rose à travers les épines", confie-t-il dans une de ses lettres, compromettant sa santé toujours vacillante, et assumant le risque d’être taxé de "libéral". Mais sans jamais se départir de l’obéissance au magistère de l’Église, contrairement à Félicité de Lamennais dont la rupture avec Rome crucifia Lacordaire et sépara à jamais les deux amis (1832).
Une double quête héroïque
Historien, auteur de nombreuses biographies consacrées à de grandes figures du christianisme dans les temps modernes (son Fénelon fut couronné par l’Académie française), Aimé Richardt s’efface souvent dans son ouvrage pour donner la parole à Lacordaire lui-même et aussi à plusieurs de ses interlocuteurs – amis et adversaires. On suit ainsi de façon très vivante la trajectoire de Lacordaire lancé, depuis sa conversion, dans une quête héroïque de sa propre sanctification et dans celle, semée d’embûches, de la liberté religieuse et du rôle des chrétiens dans une société confrontée au divorce de l’État et de l’Église.