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La messe arménienne, glorifier Dieu par le beau

L'église arménienne Ejmiatsin de Tbilisi © Wikimedia commons

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Aliénor Gamerdinger - publié le 26/01/16
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Voyage à la découverte d’une fabuleuse Église ni latine ni byzantine : l’Église apostolique arménienne.

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Histoire, rite, musique liturgique, voici quelques lignes sur l’église d’Arménie : la première à avoir reconnu le christianisme comme religion d’État. C’était en 301, soit 80 ans avant Rome.

Tout est beau dans cette église, à commencer par son titre : apostolique. Cela vient du fait que selon la tradition, l’Arménie a été évangélisée par les apôtres du Christ eux-mêmes, Jude Thaddée et Barthélémy. Église orthodoxe de rite oriental, ayant pour sœur les églises Copte et Syriaque, appelées toutes trois Églises des Trois Conciles, ces églises n’ont reconnu que les trois premiers conciles œcuméniques : Nicée en 325, Constantinople en 381, et Éphèse en 431.

Une complication d’ordre christologique a surgi lors du concile de Chalcédoine en 451, concernant la cohabitation des natures divine et humaine en la personne du Christ. Ces trois églises se sont séparées des églises romano-byzantines, pour aujourd’hui nourrir un dialogue fécond et de fréquentes rencontres avec l’Église catholique comme avec les Églises orthodoxes. Les arméniens adhèrent à la formule du Père et Docteur de l’église catholique, Cyrille d’Alexandrie : « L’unique nature du Verbe de Dieu s’est faite homme, en prenant une chair corruptible et mortelle, comparable à celle d’Adam après la chute ; mais, par le feu de sa divinité, le Verbe a rendu cette chair immortelle et incorruptible, comme celle du premier homme au paradis. En conséquence, le Christ est naturellement impassible. S’il est mort sur la croix, après avoir souffert, ce n’est pas l’effet de sa nature, mais la décision de sa volonté, en vue de notre salut » (actes du synode de Manazkert en 726).

La messe arménienne, extrêmement respectueuse de la Tradition, est pratiquement inchangée depuis le Vème siècle :

  • Introduction avec le Psaume 43 « Rends-moi justice, ô Dieu, défends ma cause contre une nation infidèle ! Délivre-moi des hommes de fraude et d’iniquité ! Toi, mon Dieu protecteur, pourquoi me repousses-tu ? Pourquoi dois-je marcher dans la tristesse, sous l’oppression de l’ennemi ?Envoie ta lumière et ta fidélité ! Qu’elles me guident, qu’elles me conduisent à ta montagne sainte et à tes demeures ! J’irai vers l’autel de Dieu, de Dieu qui réjouit ma jeunesse, et je te célébrerai sur la harpe, ô Dieu, mon Dieu !Pourquoi t’abats-tu, mon âme, et gémis-tu au dedans de moi ? Espère en Dieu, car je le louerai encore ; il est mon salut et mon Dieu. ».
  • Plus tard vient le Credo (Havadamk en arménien) semblable au catholique, mais auquel s’ajoute une précision d’une intransigeance très orientale tout à fait étonnante : « Quand à ceux qui disent : Il y eut un temps où le Fils n’existait pas, ou : Il y eut un temps ou le Saint Esprit n’existait pas, ou bien s’ils disent que le Fils de Dieu et le Saint Esprit sont venus à l’existence à partir du néant, ou qu’ils sont d’une autre essence et qu’ils sont sujet au changement ou à l’altération, ceux là, la Sainte Église catholique et apostolique les anathématise. » On ne plaisante pas avec la doctrine héritée des Saints-Apôtres !
  • Le Notre Père est récité à deux reprises, avec les bras ouverts. La consécration des espèces est faite derrière un épais rideau brodé d’une croix en son centre (une référence au rideau du Temple de Jérusalem). La Communion est proposée à chaque messe… uniquement sur les lèvres, et les femmes en mantille s’il vous plait.
  • La Sainte Vierge, « Sainte Mère de Dieu » est évoquée plusieurs fois et son intercession régulièrement demandée. Les icônes la représentant sont très importantes dans les églises arméniennes. Qu’est ce que j’aime les chrétiens qui aiment Notre Dame !
  • La messe s’achève sur la Préface de Saint Jean… comme à la maison (une maison tridentine, Ndlr).

La messe arménienne est envoutante, et un bonheur pour les sens :

  • La vue : habits très colorés et beaucoup de dorure, avec une haute couronne assortie sur le chef du prêtre. Les églises sont généralement très décorées, avec de grands lustres symbolisant le Paradis, des icônes, des peintures. La peinture représentant Dieu le Père au dessus de l’autel de la cathédrale Saint Jean-Baptiste à Paris, est particulièrement impressionnante.
  • Le toucher : au début de la messe le prêtre passe au milieu des fidèles pour que chacun d’entre eux puisse embrasser la Sainte Croix. Toujours très belle et sertie de pierres précieuses.
  • L’odorat : les églises arméniennes sentent l’orient. L’odeur chaude des huiles de myrrhe et de nard. L’encens est brûlé tout au long de la messe.
  • Le goût : à la différence de la communion catholique, l’Ostie chez les arméniens est légèrement trempée dans le Vin par intinction.
  • L’ouïe : le rite arménien étant influencé par le rite byzantin, un éventail de cérémonie est utilisé au cours de la liturgie. C’est une sorte de grand éventail, frangé de clochettes, qui est secoué par celui qui le porte au moment de la consécration, pour symboliser la descente du Saint Esprit et la voix des anges.

En parlant de l’ouïe, il me semble essentiel de terminer sur ce qui est le plus touchant dans la messe arménienne : la musique du père Komitas. Alors que l’héritage multi-millénaire de la musique liturgique arménienne se perdait, le père Komitas (1869-1935) a décidé de lui donner un nouveau souffle. Les chants de cette liturgie sont époustouflants, et chantés avec une extrême puissance de voix. Isabel Bayrakdarian, Maria Callas arménienne, explique que cette « musique multi-millénaire laisse une très grande souplesse à la voix », ce qui la rend absolument envoutante. L’hymne qui est certainement le plus célèbre est Ter Voghormia, Seigneur ayez pitié. Il est raconté qu’arrêté par la police turque pendant le génocide arménien, le Père Komitas s’est mis à chanter cet hymne. N’ayant jamais rien entendu d’aussi beau, les turcs auraient retardé son exécution, jusqu’à commuer sa peine. Sauvé de ses persécuteurs, c’est en France qu’il est mort des années plus tard.

Voici les paroles de cet hymne, qui comme toute la liturgie est en Grabar, l’arménien ancien :

« Ter Voghormia (x4), Aménassourp yérrortoutioun, Dour Achkharhis khaghaghoutioun, Yèv hivantats pejechgoutioun, Nndchétsélots arkayoutioun, Ari asolouatz harsten mérots, Hissous Perguitch miz voghormia. »

« Seigneur ayez pitié (x4), Trinité très sainte, Donnez la paix au monde, Et la guérison aux malades, Le royaume céleste aux défunts, Levez-vous Dieu de nos pères, Jésus Sauveur ayez pitié. »

Le rite en vigueur dans les Églises arméniennes catholiques est à la lettre et à la note près le même que celui des églises apostoliques. Pour assister à une messe arménienne, rendez-vous à la cathédrale Saint Jean-Baptiste, 15 rue Jean Goujon, 75008 Paris, le dimanche à 10h30. Pour les autres adresses, c’est ici.

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