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“Je rentre en Irak pour vivre parmi les chrétiens persécutés”

ERBIL, IRAQ - DECEMBER 08: A cross erected inside the entrance hall of the unfinished Ankawa Shopping Mall which is now home to hundreds of displaced Iraqi Christians is seen on December 8, 2014 in Erbil, Iraq. Although the autonomous Kurdistan region in northern Iraq was already a refuge for an estimated 250,000 Syrian refugees, since the Islamic State began its onslaught on Iraq in June, Kurdistan has also taken in a more than one and a half million displaced people. Many have been placed in purpose-built refugee camps but the huge numbers mean thousands of others are forced to live in un-finished buildings or inadequate, makeshift shelters and as winter in the region closes in, there are growing concerns for the welfare of the refugees who, while their homes are still in ISIL controlled territory, have no realistic prospect of returning to them. (Photo by Matt Cardy/Getty Images)

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Isabelle Cousturié ✝ - publié le 12/01/16
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Après dix ans d’absence, le père Georges Jahola, syro-catholique originaire de Qaraqosh, a décidé de rentrer chez lui, dans l’espoir que d’autres le suivront dans ce contre-exode.

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Qui, après avoir quitté l’Irak depuis dix ans, retournerait dans le pays pour vivre au milieu des chrétiens persécutés juste à côté de territoires sous contrôle des djihadistes de Daech ? Georges Jahola, prêtre syro-catholique, originaire de Qaraqosh, dans la plaine de Ninive, aujourd’hui occupée par Daesh, a passé de longues années à Rome pour finir ses études en sciences bibliques à l’Université pontificale du Latran. Il a pris sa décision, lui, dans quelques jours de rentrer en Irak. Et : “J’ai hâte !”, confie-t-il dans un entretien au site Tempi.it.

Depuis un an et demi, ce sont 120 000 chrétiens qui ont été chassés de la région à cause de leur foi en Jésus-Christ. Un tiers d’entre eux se sont réfugiés en Jordanie, au Liban, en Turquie, et en Europe, les autres dans des camps à Dohuk et Erbil, dans le Kurdistan irakien, déjà submergé de réfugiés depuis la prise de Mossoul en juin 2014. Georges Jahola ne sait pas encore où il sera envoyé. Il pense parmi les réfugiés d’Erbil qui disposent, depuis le 5 novembre dernier, d’une église – Notre-Dame de l’Annonciation – pouvant accueillir près de 700 fidèles assis et plus d’une centaine debout. La construction de l’édifice a été financée par les dons mobilisés par l’association française Fraternité en Irak (Famille Chrétienne).

Des motivations plus fortes que la peur

Pourquoi le père Jahola a-t-il hâte de rentrer malgré l’exode des chrétiens ? Tout simplement, répond-t-il, “pour aider mon peuple et aider les refugiés qui ont tout perdu” ou encore plus simplement “parce qu’on n’arrête pas de me le demander”. Il affirme ne pas avoir peur tant sa motivation est grande : “Qu’autant de chrétiens aient quitté le territoire – ils étaient un million et demi en 2003, ils ne sont plus que 250 000 aujourd’hui dans tout le pays – est un vrai fléau”, il faudrait que d’autres personnes puissent revenir mais il sait que “sans un plan irakien et international cela n’arrivera jamais”. Il veut être un de ceux-là.

Il regrette que les chrétiens soient si peu considérés : “Nous sommes complètement ignorés. Cela arrange beaucoup d’irakiens que les chrétiens s’en aillent, ils peuvent s’approprier de leurs biens, de leurs terres, c’est avantageux pour les kurdes, pour les sunnites, pour les chiites… Et c’est pourquoi rien n’est fait pour défendre les minorités”. À dire la vérité, père Jahola est déçu mais également presque surpris  du tour que prennent les événements: il pensait qu’après la chute de Mossoul la ville aurait été reprise d’un moment à l’autre. Il confie : “Je le pensais parce que d’abord les américains, puis le gouvernement central irakien et le gouvernement du Kurdistan, l’avaient promis. Ils disaient qu’il leur aurait fallu un an et demi  pour reprendre le contrôle de la situation. Or, rien n’a changé. Les chrétiens voient que personne ne se préoccupent de reconquérir leurs maisons, alors ils se démoralisent et partent”. Le père Jahola prend avec des pincettes les rumeurs selon lesquelles Daech se retireraient de plus en plus de villages. “Trop d’informations discordantes pour être sûrs de la vérité”, estime-t-il.

Contre le terrorisme, l’Europe trop timide

Sur l’expansion du terrorisme jusqu’en occident, le prêtre syrien se dit loin d’être surpris : “Comment pouvait-il en être autrement ? Vous avez abattu tous les régimes qui freinait son avancée : Irak, Syrie, Libye. C’est logique que cela arrive aussi chez vous. Ce sont les Occidentaux, avec les guerres, qui ont permis tout cela. Et la réponse de l’Europe au terrorisme ?”. Il la juge vraiment timide : “Je crois que l’Europe n’a pas compris qu’elle est vraiment en danger. Les gouvernements sont très tolérants mais il faut plus de conviction. Je le répète depuis des années : la cohabitation doit être réglée par des lois, les étrangers qui n’acceptent pas le système européen doivent rentrer chez eux”. Pour lui, sur ce point, les faits survenus à Cologne parlent d’eux-mêmes. Les Occidentaux devraient chercher à comprendre les logiques des autres et se mettre à leur place. L’Europe, ajoute-t-il, a des schémas humanitaires et de tolérance pas toujours adaptés, beaucoup d’immigrés musulmans radicaux voient les choses autrement et en profitent.

Qu’espérer pour 2016?

Georges Jahola espère d’autres défaites de Daesh et une reconquête des territoires, mais le conflit en Irak est si compliqué – sunnites, chiites et kurdes ne sont jamais d’accord, affirme-t-il – qu’il ne voit pas comment ces trois forces pourraient gouverner. Et les chrétiens, tient-il à préciser, sont aussi victimes de ce conflit politique. Pour l’heure, il ne lui reste plus qu’à espérer que Rome renforce les communautés et diocèses menacées d’extinction ; et que la communauté internationale ne ménage pas ses efforts pour protéger les minorités en Irak.

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