La dernière pièce du dramaturge et metteur en scène inaugure la nouvelle saison du Théâtre du Nord-Ouest, autour du thème “Mensonge et trahison”.
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Il est 3 h du matin, et demain a lieu la première de L’École des femmes. Marianne (Audrey Sourdive), metteur en scène de cette pièce ô combien délicate à monter, ne peut aller se coucher sans s’être expliquée avec Jean, qui interprète le capricieux Arnolphe (Pierre Sourdive). Après un dernier filage catastrophique, elle lui reproche froidement d’en faire trop, de chercher systématiquement le rire du public, et de ne pas respecter le travail effectué lors des répétitions. Le comédien lui rétorque que ces erreurs sont liées au manque de précision de ses indications, et critique sans scrupules sa mise en scène.
En cette veille de première, la tension monte au fur et à mesure de la discussion. Les mots et les égos prennent fatalement le dessus, et bientôt, les deux personnages se rendent compte qu’ils ont détruit quelque chose de beau, mais fragile : leur amitié.
Un théâtre qui dit quelque chose de l’âme humaine
L’intrigue est simple et claire. Elle permet d’aborder avec finesse plusieurs réalités théâtrales et humaines. D’abord, celle des rôles respectifs du metteur en scène et du comédien. Si seules les instructions du metteur en scène doivent être écoutées, celui-ci peut-il ne pas prendre en compte les conseils et ressentis de ses acteurs ? L’autorité du metteur en scène est primordiale, puisque l’acteur, lorsqu’il devient un autre personnage, “perd son intelligence”, comme l’explique Jean.
Au-delà de ces réflexions autour de l’univers du théâtre, Jean-Luc Jeener nous invite à considérer la fragilité de l’amitié humaine. En choisissant de faire évoluer une jeune femme et un homme plus âgé, l’auteur parvient à transmettre des sentiments humains universels, sans pour autant oublier la particularité des réactions plus féminines d’une Marianne profondément blessée, et celles de Jean, dont l’honneur viril est atteint.
La gravité de la situation tient à son caractère profondément humain. Le spectateur se reconnaît dans ces deux amis que la fatigue et la force de la discussion emportent. Dépouillée de tout décor, la pièce s’appuie sur la complicité admirable des deux comédiens, et sur une véritable communion entre les acteurs, le public et le texte. C’est précisément l’effet recherché par Jean-Luc Jeener, auteur de Pour un Théâtre chrétien en 1997, dans lequel il expliquait combien les rapports entre le théâtre, qui est “l’art de l’incarnation”, et le christianisme, la “religion de l’Incarnation”, sont étroits.
Le Nord-Ouest, une incroyable aventure depuis 1997
Cette création de Jean-Luc Jeener ouvre le nouveau cycle annuel du Théâtre du Nord-Ouest, dont il est le directeur depuis 1997. Après une intégrale Racine détonante en 2015, le théâtre se tourne vers un programme thématique, intitulé “Mensonge et trahison”. Comme chaque année depuis sa création, le Nord-Ouest propose plus d’une centaine de pièces, classiques et contemporaines, et 200 lectures. Dans les deux salles de ce lieu atypique chargé d’histoire (où Édith Piaf a chanté de nombreuses fois), les compagnies se succèdent à une allure folle.
L’atmosphère quasi-spartiate de ce théâtre bien différent des grandes salles parisiennes est propice au dialogue entre le public, les acteurs et les metteurs en scène. Chacun “communie” à cette expérience théâtrale, où l’âme humaine, libérée de tout superflu, peut se dévoiler en vérité.
Pour retrouver les prochaines représentations de L’Amitié, et l’intégralité du programme du Nord-Ouest, c’est ici : http://theatredunordouest.com/dow-programme-Mensonge1.pdf