Dans la région des Pouilles, la justice italienne accuse des scientifiques, ainsi que des responsables du gouvernement italien, d’être à l’origine de la diffusion de la bactérie Xylella.
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C’est un véritable coup de théâtre qui se joue actuellement dans l’affaire de la Xylella, la bactérie tueuse qui ravage le Sud de l’Italie. Selon le mensuel Sciences et Avenir, neuf chercheurs de l’Institut italien de protection durable des plantes de Bari ainsi que des responsables régionaux du ministère de l’Agriculture ont été mis en examen. Le 18 décembre dernier, le procureur de Lecce, Cataldo Motta a ainsi énuméré les charges qui pesaient contre eux : “Diffusion d’une maladie des végétaux, présentation de fausses informations et faux éléments matériels auprès de personnes publiques, pollution environnementale, destruction de paysages remarquables”. Des charges très lourdes qui témoignent de l’extrême gravité des accusations portées contre les scientifiques.
Ces derniers sont suspectés d’avoir inoculés volontairement ou accidentellement la bactérie à la population végétale des Pouilles. Officiellement détectée en 2013, les mesures de prophylaxie pour empêcher la maladie de proliférer auraient depuis exigé l’abattage de dizaine de milliers d’arbres multi-centenaires. Beaucoup de questions restent en suspend, notamment de savoir comment une telle chose a pu arriver.
“Il est très délicat de manipuler une bactérie, un accident est vite arrivé”
La thèse retenue par le Tribunal de Lecce suppose que l’introduction ait eu lieu en 2010, lors d’un atelier interne à l’institut en 2010. C’est à cette époque qu’une souche de bactérie issue du Costa Rica aurait été lâchée à l’air libre, contaminant l’environnement. Selon Lydia et Claude Bourguignon, couple d’agronomes, “il est très délicat de manipuler une bactérie, un accident est vite arrivé”.
Au-delà de la responsabilité des scientifiques, Lydia pointe du doigt l’agriculture intensive qui favorise la contagion d’une bactérie : “L’agriculture intensive vulnérabilise les végétaux. Nous observons dans nos analyses que la destruction des sols liée à ce type de culture, contribue fortement à l’irruption de maladies”, insiste-t-elle. Claude Bourguignon, quant à lui, évoque la responsabilité des chercheurs de l’INRA dans l’apparition d’une bactérie bien connue des cultivateurs de pommes, le Chancre : “Les paysans mettent souvent en cause la responsabilité des chercheurs de l’institut national qui l’aurait eux-aussi diffuser accidentellement”, fait-il remarquer.
Dans les Pouilles, le directeur de l’institut a lui d’abord nié toute implication, affirmant que leurs manipulations concernaient un autre type de souche de Xylella. En mars dernier, dans la revue Famiglia Christiana, le substitut du procureur de Lecce regrettait “l’immunité judiciaire absolue” dont faisait l’objet l’institut qui empêchait de faire toute la lumière sur ces allégations.
Une vaste opération financière ?
L’hypothèse suivante implique que la bactérie ait été diffusé sciemment par les chercheurs. L’institut est en effet accusé par des ONG d’avoir contaminé la région pour obtenir des financements ou pire : afin d’apporter après coup un antidote. Un scénario qualifié “d’infondé” et “d’iréel” par Thierry Candresse, chercheur en virologie à l’Inra de Bordeaux, connaissant ces confrères italiens “de longue date”. Reste tout de même que dans l’entretien donné par le substitut du procureur de Lecce à Famiglia Christiana, la bactérie est citée dans un rapport sur les agissements de la Mafia : l’abattage systématique appliqué lorsque la Xylella est détectée, libérerait de larges zones exploitables pour de juteuses opérations immobilières.
Dans le doute, et en attendant plus d’éléments dans cette enquête, les mesures de prophylaxie ont toutes été interrompues, donnant pour un temps provisoire un peu de répit aux 60 millions d’oliviers que comptent les Pouilles.