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De l’éducation aux écrans comme remède au djihadisme

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Mgr Pascal Wintzer - publié le 06/01/16
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“Daesh compte dans ses rangs des hommes et des femmes versés dans les techniques les plus modernes de la communication, ils connaissent leur public”, souligne Mgr Pascal Wintzer, archevêque de Poitiers.

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On peine à trouver des motifs rationnels aux terroristes, qu’ils se disent mus par l’islam ou par quelque autre cause. Sans verser dans ce penchant qui imputerait à l’Occident la responsabilité d’engendrer ces artisans de la terreur, je remarque que Daesh compte dans ses rangs des hommes, et des femmes, versés dans les techniques les plus modernes de la communication. Ils les connaissent, comme ils connaissent les jeux vidéo et les films gore. Utilisant ces ressorts, ils produisent des clips de propagande qui parlent immédiatement au public bercé par ces codes visuels.

Même s’ils revendiquent la mise en pratique d’un islam “des origines”, leurs outils sont très modernes. Bref, les djihadistes ont été élevés devant les écrans de télévision, dont ils continuent à raffoler, à voir non seulement leur propagande mais leur soif de faire la une des chaînes infos.

Le problème, c’est que les écrans ne donnent pas à voir la réalité, que ce soit dans les émissions d’actualité et surtout dans les fictions. Les “héros” de maintes d’entre elles vivent dans des villas de luxe et conduisent des voitures qui le sont aussi, les jeux télévisés montrent des “gens de peu” hurler leur joie de gagner quelques centaines de billets de banque ou de l’électro-ménager, et les émissions de télé-réalité jouent sur les frustrations de leurs personnages.

Face à ces “gagnants” pourtant irréels, combien ne sont-ils pas renvoyés à leur statut de “perdants” ? Le système capitaliste mondialisé met chaque chose en concurrence, tout devient “produit”, y compris soi-même. On a érigé comme unique ambition d’avoir “un peu plus” que son voisin : un peu plus de terrain dans son jardin, un peu plus de fleurs, une femme un peu plus belle, un peu plus de temps libre, un peu plus de reconnaissance… Mais un peu seulement : il faut ne pas trop en demander, acheter, consommer et rester à sa place !

Car, quand c’est le voisin qui donne l’impression d’avoir non pas un peu, mais beaucoup plus, que ce voisin ait nom Durand, Dupont, ou encore USA ou France, à un moment cela devient intolérable : trop c’est trop. Le ressentiment accumulé, l’humiliation ressentie exacerbent le désir de ne plus subir, et certains le font en passant aux armes.

Face à cela, il suffira de bien plus que de répondre à la dernière injonction à la mode, par exemple celle qui intime de se mettre sous la bannière “Je suis Charlie”. Ce n’est pas tant la liberté de la presse, la laïcité, même agressive et intolérante, qui sont insupportables aux terroristes – c’est cela aussi bien sûr –, mais c’est avant tout ce système plus général, qui nourrit les frustrations d’une majorité de la population du globe, sachant que les injustices les plus criantes sont certes mises en scène sur les écrans, mais sont surtout présentes aux portes des plus pauvres, car c’est dans les pays du Sud que les inégalités, sociales et économiques sont les plus flagrantes, sous des régimes corrompus et attentatoires à toutes les libertés. Et si encore ces derniers n’étaient pas soutenus par nos pays, qui se flattent d’être démocratiques…

Mon propos ne veut aucunement conduire à censurer des images, même pas celles des émissions de télé-réalité ! C’est plutôt l’éducation qui doit prévaloir. Non celle exprimée par un nouveau catéchisme, pas plus bénéfique que l’ancien, qui aujourd’hui inculquerait la bien-pensance de nos beaux-esprits, mais l’éducation aux images et à leurs lectures. Ceci est tout autant décisif sous nos latitudes (les tueurs de 2015 avaient tous été élevés en France) que dans les pays du Sud où, grâce au téléphone portable, on a accès aux mêmes images que nous.

Lutter contre le terrorisme appelle bien entendu la mobilisation des forces de l’ordre et des forces armées, mais sans prise en compte des désordres humains et spirituels qui minent les sociétés, l’œuf qui engendre le serpent restera fécond.

+ Pascal Wintzer
Archevêque de Poitiers

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