Le débat autour de la mesure antiterroriste de déchéance de nationalité proposée par François Hollande n’en finit pas de rebondir. Diviser pour régner, n’était-ce pas l’effet recherché ?
Pour qu’Aleteia poursuive sa mission, faites un don déductible à 66% de votre impôt sur le revenu. Ainsi l’avenir d’Aleteia deviendra aussi la vôtre.
*don déductible de l’impôt sur le revenu
Jusqu’à présent, on peut dire que François Hollande a réussi son coup : l’annonce de déchéance de la nationalité française pour les “condamnés définitivement pour crimes terroristes” occupe depuis trois semaines toute la classe politique et les médias, sans trêve des confiseurs. Le président de la République avait lancé l’idée de cette déchéance de nationalité pour les binationaux nés Français (les binationaux naturalisés peuvent déjà être déchus de leur nationalité s’ils sont Français depuis moins de dix ans) au Congrès de Versailles le 16 novembre, dans un climat d’unité nationale au lendemain des attentats, mais il l’a confirmée lors de ses vœux aux Français le 31 décembre. Entre temps, l’ensemble de la classe politique s’était réveillée en sursaut, la droite découvrant le piège et la gauche prenant conscience de la fin d’un tabou.
Crise de nerfs à gauche, embarras à droite
La mesure, qui nécessite une modification de la Constitution, donne en effet une crise de nerfs à la gauche, la divise en affaiblissant les opposants à une nouvelle candidature de Hollande, embarrasse la droite qu’elle prend à contre-pied, fait la une des médias, plait à 85% des Français (Le Figaro)… et leur fait oublier la courbe du chômage. Qu’elle soit inopérante dans la lutte contre le terrorisme n’a pas d’importance : c’est le symbole qui compte et aussi (surtout ?) son efficacité pour la réélection de Hollande à la présidentielle de 2017.
A gauche, la confusion est à son comble depuis que le président de la République a confirmé son intention en s’adressant aux Français. Aux dernières nouvelles, c’est dans la fuite en avant que plusieurs “éléphants” du PS croient trouver comment “sortir du bourbier” : “Empêtrés dans le débat sur le projet d’élargissement de la déchéance de nationalité aux binationaux condamnés pour terrorisme, les socialistes tentent de trouver un compromis qui aille à tous” (Le Parisien). “Plusieurs voix s’élèvent pour que la mesure de déchéance de nationalité soit ouverte à l’ensemble des Français et pas seulement aux binationaux” (Le Point). À commencer par celle du premier secrétaire Jean-Christophe Cambadélis, relayé par le président du groupe PS à l’Assemblée, Bruno Le Roux.
Il s’agit d’amadouer ceux qui, tel l’ancien ministre Benoît Hamon, sont vent debout contre la mesure parce qu’ils estiment que “rien” ne “justifie” une “forme de distinction entre citoyens français dans la Constitution”. “On va regarder les propositions” avec l’objectif de “rassembler une majorité large”, a simplement commenté Stéphane Le Foll, le porte-parole du gouvernement à l’issue du premier conseil des ministres de l’année (Le Monde).
“François Hollande devra convaincre la gauche mais aussi la droite, prise au piège de ses propres propositions. Le président des Républicains Nicolas Sarkozy se retrouve ainsi contraint de soutenir la déchéance de nationalité. D’autres ne jugent pas la réforme “utile” et son efficacité “faible voire nulle”, ainsi que l’ancien premier ministre Alain Juppé l’a affirmé. Le candidat à la primaire à droite la voterait toutefois, s’il était député” (La Croix).
Rallier une majorité de parlementaires avant le 3 février
S’il s’agit de ne pas créer de rupture d’égalité entre les Français en faisant des apatrides, la chose n’est pas aussi compliquée que certains le disent, souligne Hakim el Karoui (normalien, ancien conseiller de Matignon, fondateur du club XXIe siècle) dans L’Opinion : “C’est en vertu d’une loi de 1998 (…) que le droit français prévoit que la déchéance de nationalité ne pourra être prononcée si elle a pour conséquence l’apatridie. Il suffit donc de changer cette loi pour ne plus faire du cas des binationaux une exception. Et éviter la discorde nationale. C’est, comme le dit le président, “la responsabilité du Parlement””.
Le temps presse pour faire rentrer dans le rang les opposants : le projet de réforme constitutionnelle sera examiné à l’Assemblée à compter du 3 février. Pour être adoptée, la réforme constitutionnelle doit être votée par les trois cinquièmes du Parlement, soit 555 députés et sénateurs. Sous l’œil des Français.