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Roland Hureaux souligne un point commun entre chrétiens et musulmans dont peu ont conscience. Pour l’essayiste, il est peu probable que la disparition des crèches de Noël de l’espace public favorise la paix religieuse en Europe, bien au contraire.
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Assurément la crèche s’inscrit dans l’héritage chrétien. Que l’Enfant Jésus ait été placé dans une crèche (ou une mangeoire) est mentionné à trois reprises dans l’Évangile selon saint Luc.
Pour les musulmans, Jésus (Issa) et Marie (Myriam) sont tenus pour des figures très importantes, tout comme l’ange Gabriel (Jibril). L’islam croit en la conception virginale. La sourate XIX ( verset 22) du Coran, dite sourate de Marie, raconte la naissance de Jésus qui est désigné comme un prophète “ni violent, ni malheureux” (verset 32). Même s’il est précisé un peu plus loin que Dieu ne saurait avoir un fils, il a la dignité du dernier des prophètes avant Mahomet et sa mère fait l’objet d’un grand respect, tout comme son cousin Jean le Baptiste dont le tombeau est vénéré dans la grande mosquée de Damas.
C’est dire combien s’égarent ceux qui voudraient interdire les crèches dans l’espace public pour ne pas offenser les musulmans.
Sous un palmier
Il est vrai que dans le Coran, Jésus naît sous un palmier. Mais cela ne contredit nullement la tradition chrétienne. Seuls en effet des écrits apocryphes tardifs (Évangile du Pseudo-Mattieu, Protoévangile de Jacques, Vie de Jésus en arabe) mentionnent que cette crèche se trouve dans une grotte, un élément symbolique sur lesquels les psychanalystes ont sans doute beaucoup à dire. Un autre apocryphe, la Vie de Joseph le charpentier précise que la naissance a eu lieu près du tombeau de Rachel, femme du patriarche Jacob. Mais qui dit mangeoire dit point d’eau, qui dit point d’eau dit palmier, en tous les cas au Proche-Orient. Jésus a pu naître sous un palmier et être placé ensuite dans une crèche, laquelle pouvait se trouver en plein air comme c’est généralement le cas aux lisières du désert.
Il est donc possible de faire une crèche interreligieuse en ajoutant un palmier, sans trahir le texte biblique.
Cela vaudrait assurément mieux que d’ajouter un sapin. Non seulement le sapin est absent de la Bible, et pour cause, mais c’est à tort qu’on en a fait un symbole chrétien. Il procède plutôt des cultes de la nature issus du Nord de l’Europe. Symbole de vie éternelle car son feuillage est pérenne, il évoque, bien plus que la Nativité, le culte du solstice issu du vieux fond païen indo-européen.
Il est remarquable que ceux qui, par ultra-laïcisme, promeuvent l’effacement des fêtes chrétiennes du calendrier ne trouvent à se rabattre que sur ces symboles naturistes néo-païens se référant au calendrier solaire: solstice d’hiver ; solstice d’été, équinoxes. Revenir à une symbolique païenne après 20 siècles de judéo-christianisme, il y a eu des précédents à ces tentatives dans l’Europe des années 30. Les intellectuels hostiles au christianisme de cette époque avaient mieux compris que nos laïcistes que ce n’est pas dans l’humanisme de gauche que se trouve la contradiction la plus radicale à l’héritage chrétien. Ils tentèrent d’en tirer, de la manière que l’on sait, les conséquences.
La fête de Noël rassemble de nombreux personnages: notamment les mages, dont l’Evangile selon saint Matthieu qui seul en parle, ne dit ni qu’ils étaient trois, ni qu’ils étaient rois. Là encore ce sont les apocryphes qui ont fixé cette tradition. Une légende a propagé qu’ils venaient l’un d’Asie, l’autre d’Europe (ou d’Arabie), le troisième d’Afrique, et tous les trois vinrent s’incliner devant un enfant juif. Mais l’Écriture parle de “mages venus d’Orient” et le nom de mage, sage, en grec désigne alors un prêtre zoroastrien (ou mazdéen) d’Iran.
Passons de la légende à l’Histoire: quand le roi de Perse Chosroês II, mazdéen, envahit la Palestine en 614 après sa victoire sur les Byzantins, il commence à démolir les églises, mais il épargne la basilique de Bethléem en reconnaissant sur la coupole la figure des trois mages habillés à la manière de son pays. Au passage, on rappellera que le même entreprend ensuite de réinstaller les Juifs à Jérusalem.
Même s’il ne faut pas sur-interpréter ces convergences, il est peu probable que la disparition des crèches de Noël de l’espace public, écoles comprises, favorise la paix religieuse en Europe, bien au contraire.