Le père syro-catholique Jihad Youssef, de la communauté monastique Deir Mar Moussa, témoigne de son combat quotidien pour protéger et renforcer sa foi, malgré les difficultés.
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“Heureux l’homme qui supporte l’épreuve avec persévérance, car, sa valeur une fois vérifiée, il recevra la couronne de la vie promise à ceux qui aiment Dieu” (Jc 1,12).
En décidant de rester en Syrie malgré la guerre et les bombardements, le père syro-catholique Jihad Youssef se rend compte qu’il a mis sa foi à rude épreuve. Le religieux est membre de la communauté Deir Mar Moussa, fondée en 1991 par le père Paolo dall’Oglio, enlevé en juillet 2013 par le pseudo État islamique à Raqqa, et dont on ignore toujours le sort.
La communauté, toujours active sur place, aide indifféremment chrétiens et musulmans dans un grand esprit de solidarité. “Non pour jouer les martyrs à tout prix”, commente le religieux, mais pour que leur présence – “notre décision de rester”, tient-il à préciser, pour souligner une décision prise après “un long travail de discernement” – soit accueillie comme “un signe d’espérance, un vrai message de paix et de fraternité”, celui-là même qu’ils prêchent depuis plus de 20 ans, rapporte l’agence Asianews.
Au plus fort du conflit
“En principe, je savais ce que voulait dire croire ou ne pas croire, mais je ne l’avais encore vraiment vécu. Face aux souffrances des gens, celles des amis, face à toutes ces villes détruites, le doute se représentait toujours”, raconte-t-il, lors d’une rencontre organisée ces jours-ci à Rome par l’association italienne “Amici di Deir Mar Musa”, en collaboration avec le Centre Astalli pour les réfugiés et la Fondation Magis.
Le père Youssef a vécu les phases les plus terribles du conflit syrien dès 2013, après la prise d’Al-Nabek, à seulement 17 km du monastère, par les forces du président Assad. Les combats ont duré plus de 25 jours, qu’ils ont passés sous terre pour échapper aux bombardements, et dont les 90 000 habitants ont payé un lourd tribut. Après la fin des combats, le monastère s’est tout de suite activé, accueillant entre ses murs une cinquantaine de familles, pour la plupart musulmanes, et réparant en cinq ou six mois, avec le concours d’organismes européens, une soixantaine de maisons, la plupart dans le quartier chrétien d’Al-Nabek, sévèrement endommagé par les bombes.
La grande épreuve
Tout est allé très vite, reconnaît le père Youssef, car les religieux ont pensé : “Si nous ne réparons ces maisons, les paroissiens s’en iront”, mais pour eux, religieux et religieuses, à la vue de tant de destructions et massacres, de violences et pillages, la décision de rester en Syrie n’a pas été facile. “Rester, ne pas rester à Mar Moussa, nous parlions tous les jours de cela… À quoi bon rester ici ? Ils viennent nous tuer, piller… Et puis nous sommes restés. Après un long discernement, nous avons décidé de rester, non pas parce que le Seigneur nous l’a demandé mais parce qu’Il ne nous a pas dit de partir.”
Dieu les mettait à l’épreuve. “La plus difficile des épreuves, (…) plus que les bombes”, avoue-t-il. Ils voyaient leur foi “en ce Dieu qui secourt les siens” se réduire en cendres, avaient l’impression qu’Il ne les écoutait pas, de ne pas comprendre ce qu’Il attendait d’eux. Le religieux n’a pas honte d’avouer : “Il y avait toujours une petite voix qui me disait : voilà, vous les chrétiens vous n’êtes bons à rien, incapables de prendre une vraie position qui donne des fruits immédiats. Vous vous abritez derrière un Dieu que vous avez inventé (…)”. Mais, chaque jour, ils priaient et leur foi, qui se renforçait jour après jour, leur disait “de croire, d’avoir confiance (…)”, de tenir les promesses de leur baptême”. La décision était prise, encouragée par leur sentiment commun de la présence de Dieu dans leur vie : “Nous n’étions pas seuls (…)”, déclare le religieux, “encouragés par toutes les prières d’amis chrétiens et musulmans” qui n’ont cessé d’arriver à eux.
Les fruits de l’épreuve
Au plus fort de l’angoisse, le père Jihad Youssef se mettait à la place de ceux qui décidaient de prendre le chemin de l’exode, au péril de leur vie. Il comprenait leurs sentiments, leur peur… “Nous disons toujours : “Les chrétiens doivent rester au Moyen Orient, accrochés à leurs racines”. Cela est juste, mais dans ces moments-là, j’ai compris que la peur pouvait aller jusqu’à te pousser au déracinement”, reconnaît le religieux. Un chrétien qui reste en Syrie, a-t-il conclu, a une mission à remplir, parce qu’il est baptisé et qu’être baptisé est une mission : “Il doit le comprendre, en être convaincu et non se sentir condamné à rester” parce que trop pauvre ou par peur de mourir en mer.