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Une des grandes particularités de ce jubilé est l’envoi dans tous les diocèses du monde de "800 missionnaires de la Miséricorde" auxquels le Pape a donné la faculté de pardonner les péchés d’ordinaire réservés au Siège apostolique. Mais François a fait beaucoup plus en donnant la faculté à des prêtres du monde entier d’accorder l’absolution même en cas de péchés graves punis d’excommunication — qui ne peut donc être levée que par l’évêque – dont le recours à l’avortement fait partie. Un geste pour inviter au repentir et à demander pardon, autre élément-clé du jubilé.
"J’ai avorté il y a 20 ans et dans la Miséricorde de François je me sens accueillie et pardonnée", confie Beatrice Fazi, une Italienne de 43 ans. "J’étais tombée enceinte d’un homme qui m’a laissé tomber, j’étais désorientée. Je ne voulais pas prendre cette responsabilité d’élever cet enfant. Et puis j’étais arrivée depuis peu à Rome, je venais d’une famille du Sud où il est difficile d’avouer ce genre de chose : accoucher avant le mariage était perçue comme un acte honteux, source d’infamie et d’exclusion sociale." Un vrai traumatisme.
La honte
"J’étais restée seule, j’avais honte. Et personne pour me guider et m’indiquer une alternative à l’avortement, ajoute-t-elle. Du coup, j’ai avorté et aujourd’hui cette décision est comme une blessure déchirante, impossible à cicatriser." Mais, après 15 années de calvaire, alors qu’elle pense avoir touché le fond, Beatrice se convertit et, grâce à sa foi, reprend sa vie en main, raconte-t-elle dans son livre-confession Un cuore nuovo. Dal male di vivere alla gioia della fede (Un cœur tout neuf. Du mal de vivre à la joie de la foi).
La conversion
"Un jour, j’ai décidé d’aller me confesser par superstition et de crainte qu’un Dieu vengeur me juge et me punisse ou prétende quelque chose de moi, explique Beatrice. Je déversai tous mes péchés et le prêtre ne me donna pas l’absolution, mais il me dit que même excommuniée et en situation irrégulière j’étais appelée à la sainteté." Cette erreur de jeunesse était un poids vraiment lourd à porter ! Cet avortement comme "un secret caché pendant des années au fond d’un tiroir parce que je n’arrivais pas à en parler". L’angoisse de ne pas se sentir pardonnée "pour l’enfant que j’ai empêché de naître et qui n’a pas pu se défendre".
Aujourd’hui, Béatrice pense à cet enfant sous les traits d’un ange – "mon ange au Paradis", dit-elle (elle l’appelle Matteo). Grâce à sa foi, "le mépris qu’elle éprouvait pour elle-même s’est transformé en miséricorde. Du reste, explique-t-elle, "j’avais agi dans des conditions de non liberté totale". Un cheminement douloureux pour "retrouver la dignité et regarder mon erreur en face et accepter le pardon pour une chose qui, je l’ai compris plus tard, était abominable". Un fardeau insupportable que Beatrice a essayé "d’enfouir en elle" mais qui lui faisaitt sentir comme "un grand vide en elle" avec des conséquences désastreuses sur sa santé psychique : troubles alimentaires et affectifs.
Beatrice se sentait coupable d’avoir "refusé à un enfant le droit de naître", et aucune justification n’arrivera jamais à combler ce vide. Entendre que le pape François prend dans ses bras toutes celles qui, comme elle, "se sentent repoussés", remplit son cœur de joie. La miséricorde vient avant le jugement. "Je suis chez moi, l’Église est là", conclut Beatrice.