Le 9 décembre prochain, la Grande Chambre de la Cour européenne des droits de l’homme examinera “en appel” l’affaire Paradiso et Campanelli opposé à l’Italie en matière de gestation pour autrui (GPA).
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Dans un premier jugement rendu le 27 janvier 2015, la CEDH avait condamné l’Italie pour avoir retiré un enfant à un couple qui l’avait acheté 49 000 euros en Russie, estimant que ce retrait portait une atteinte disproportionnée à leur droit à la vie privée et familiale. Elle avait ainsi admis que l’achat d’un enfant peut constituer le fondement d’une famille.
À l’origine de cette affaire, se trouve l’achat d’un enfant en mars 2011 à Moscou, par un couple trop âgé pour concevoir, auprès d’une société spécialisée en GPA. L’acte de naissance de l’enfant indiquait qu’il était le fils du couple italien. De retour en Italie, la transcription de l’acte de naissance russe dans l’état civil italien fut refusée. Une enquête fut ouverte et un test ADN prouva que l’enfant n’avait aucun lien génétique avec le couple. La société explique avoir acheté des gamètes humains puis loué une mère porteuse, ce qui ne serait pas illégal en Russie. Une telle pratique consiste à produire sur commande un orphelin pour le vendre. Les juges italiens, constatant la violation des normes sur l’adoption internationale et de l’ordre public italien, décidèrent – dans l’intérêt de l’enfant – de le retirer de la garde de ses acquéreurs pour le confier à l’adoption. L’enfant vécu moins de six mois avec ses commanditaires.
Une telle transaction est effectivement contraire aux normes internationales, en particulier à celles relatives à l’adoption internationale et à la lutte contre le trafic d’êtres humains.
Saisie par le couple, une chambre de la Cour de Strasbourg a jugé – par cinq voix contre deux – que l’Italie pouvait refuser de reconnaître la filiation établie en Russie, mais que le retrait de l’enfant a porté atteinte à la vie privée et familiale du couple. Les autorités italiennes auraient dû leur laisser l’enfant, au nom de l’intérêt supérieur de celui-ci. Pour conclure ainsi, la Cour a estimé que la relation créée par les acquéreurs à l’égard de l’enfant constitue une “vie familiale” protégée par les droits de l’homme, car ils se sont comportés “comme des parents” pendant six mois. La Cour a ensuite jugé que l’interdiction d’ordre public de la GPA et de la vente d’enfant n’étaient pas des motifs suffisants pour leur avoir retiré l’enfant au regard de l’intérêt de celui-ci de rester avec ses acquéreurs. Elle décida néanmoins que l’Italie n’avait pas à leur restituer l’enfant, celui-ci ayant noué des liens avec sa nouvelle famille d’accueil.
Ce premier arrêt avait choqué, car il entérine la production sur commande et la vente d’un enfant. À aucun moment la Cour ne s’était interrogée sur la moralité de la GPA, sur l’origine de l’enfant, sur l’exploitation des vendeurs de gamètes et de la mère porteuse à l’origine de son existence. Elle ne s’était pas davantage interrogée sur la violence irrémédiable infligée aux enfants nés de GPA : condamnés “pour leur bien”, selon sa logique, à vivre avec ceux-là même qui les ont privés de leurs vrais parents et les ont achetés.
Comme l’avait souligné les deux juges dissidents, cet arrêt réduit à néant la liberté des États de ne pas reconnaître d’effets juridiques à la gestation pour autrui, et même la légitimité du choix de l’État en ce sens. Plus encore, cet arrêt était une incitation au trafic international d’enfant ; il retirait aux États les motifs et les moyens de s’y opposer.
A la demande du Gouvernement italien, la Cour a accepté de renvoyer cette affaire “en appel” pour être rejugée par la Grande Chambre. A la différence des “chambres” qui ne comptent que 7 juges et dont les jugements sont susceptibles d’appel, la Grande Chambre compte 17 juges, ses arrêts sont définitifs et posent les grands principes de la jurisprudence de la Cour.
On peut raisonnablement espérer que la Grande Chambre renverse le premier jugement et reconnaisse le bien fondé des décisions des autorités italiennes.