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La prise d’otages de Bamako illustre la progression d’un islam radical au Mali

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Thomas Flichy de la Neuville - publié le 20/11/15
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Un islam radical “d’importation” dispute son territoire à l’islam confrérique enraciné.

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La prise d’otages de Bamako opérée non par des Touaregs, mais par des combattants du Sud liés à Al-Qaïda au Maghreb islamique, illustre le recul d’un islam confrérique et enraciné au profit d’un islam radical et importé. Malgré l’action très efficace de l’armée française, les conséquences en seront une déstabilisation accrue du Sahel. 

La prise d’otages de ce matin doit être replacée dans son contexte culturel. L’Afrique sahélienne est traversée par deux courants religieux musulmans. Il s’agit d’une part d’un courant tolérant représenté par l’islam confrérique ou soufi qui est soutenu par les autorités politiques. Les pratiques de l’islam confrérique unissent les fidèles au-delà des différences nationales,  créent de véritables réseaux de solidarité urbains et participent au développement des réseaux commerciaux. Ces confréries ont des pratiques religieuses particulières, comme les chants religieux, les pèlerinages aux édifices religieux de la confrérie afin de consulter un marabout ou bien aux mausolées des saints en vue d’obtenir leur intercession. Cet islam soufi se caractérise par une réflexion ésotérique. Cet islam demeure néanmoins imprégné de pratiques animistes, comme en témoigne l’importance des talismans et des amulettes. Au Mali, cette tendance est représentée par l’islam malikite.

L’islam fondamentaliste sous l’influence des Frères musulmans et du wahhabisme

Il existe également en Afrique sahélienne un courant fondamentaliste, qui s’est développé sous l’influence du mouvement des Frères musulmans égyptiens, du wahhabisme d’Arabie saoudite ou de groupes islamistes venus du Pakistan, comme le Jamat al-Tabligh. Cet islamisme fondamentaliste est d’ailleurs souvent financé par les États du Golfe et se manifeste par la construction de mosquées, d’écoles coraniques, ainsi que par l’envoi ou la formation d’imams. Ce mouvement, hostile à l’État, s’implante depuis les années 1970 en Afrique sahélienne et profite du désenchantement lié à l’échec des États africains (Niger, Burkina Faso, Mali, Nigeria) et à la crise économique. Cet islam fondamentaliste lutte contre l’occidentalisation des mœurs (blanchiment de la peau, femme non voilée) et veut “purifier” l’islam des coutumes locales (influence des marabouts, culte des saints, talismans). Cet islam fondamentaliste est très sensible au contexte international (conflit au Proche-Orient, intervention américaine en Afghanistan) et développe l’enseignement de arabe afin que la population puisse avoir directement accès au Coran. Ce courant a une vision littérale des textes. Il est intransigeant à l’égard de toute autre pratique religieuse et exalte le Jihâd et le martyr. Les Arabes et les Touaregs au nord du Mali ainsi que les Noirs africains du Sud du Mali sont touchés par cet islamisme wahhabite.

Entre ces deux tendances, c’est bien la seconde qui gagne du terrain au détriment de la première. À Bamako, capitale du Mali, le Haut Conseil islamique du Mali, dominé par un wahhabite M. Hicko, n’a jamais voulu condamner les pratiques religieuses des islamistes du Nord-Mali après leur prise de pouvoir. Afin de renforcer leur légitimité, ceux-ci multiplient aujourd’hui les actions violentes. La prise d’otages de ce matin en est le dernier exemple.

Pour aller plus loin : Thomas Flichy de La Neuville (dir.), Opération Serval au Mali, l’intervention française décryptée, Lavauzelle 2013.

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