L’implication de l’Occident, de la Russie et du pape François dans la guerre en Syrie vus par une étudiante damascène.
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Dana, Syrienne de 26 ans, étudie le français à l’université de Damas. Elle a accepté de partager son regard sur le conflit qui ravage son pays. Son témoignage, qui vient de nous parvenir, est une source précieuse pour quiconque souhaite mieux comprendre le quotidien des jeunes Syriens restés au pays.
Aleteia : De quelle manière votre vie a-t-elle changé depuis le début de la guerre ?
Dana : La vie quotidienne à Damas n’a pas beaucoup changé pour la population en général, mais pour moi, la guerre a bouleversé ma vie. J’ai perdu des amis, des membres de ma famille, mon cousin en particulier. J’ai par ailleurs dû faire une croix sur certains de mes rêves… Je souhaitais plus que tout finir mes études en France mais il m’est maintenant presque impossible de partir à l’étranger. C’est devenu tout aussi difficile de trouver un travail décent à cause des sanctions appliquées contre mon pays. Je pense malgré tout que je suis bénie d’être restée dans ma maison alors que que des foules entières ont été obligées de fuir leur foyer.
Êtes-vous inquiète pour l’avenir de la Syrie ?
Bien sûr que je m’inquiète pour l’avenir de la Syrie, car je ne sais pas combien de temps encore il nous faudra pour résoudre la crise et reconstruire ce pays. Nous ne sommes pas en guerre avec un ennemi classique : les terroristes viennent de partout pour combattre en Syrie soutenus par plusieurs pays. Ils ont littéralement dévasté des régions entières, massacré le peuple et commis les pires crimes imaginables. Je pense cependant que la Syrie a connu beaucoup de douleurs tout au long de son histoire, et qu’à chaque fois elle a su en sortir plus renforcée que jamais.
Que pensez-vous de l’intervention de la Russie en Syrie, en comparaison de celle des Occidentaux ?
J’apprécie le rôle des Russes dans la région. Je crois que les frappes russes peuvent aider notre armée à liquider les terroristes et à rétablir enfin la paix et la sécurité en Syrie. C’est un pas positif qui nous rapproche un peu plus d’une sortie de crise. Évidemment je suis contre toute sorte d’ingérence étrangère dans les affaires intérieures de mon pays, mais il y a une grande différence entre les frappes russes et celles des Américains : la Russie apportait dès le début de la guerre des solutions pacifiques et encourageait le dialogue et des réformes en Syrie. Les Américains et leurs alliés, eux, au contraire, ont toujours défendu et soutenu les terroristes sous le prétexte fallacieux de “démocratie”.
Vous êtes chrétienne, n’est-il pas difficile de vivre sa foi dans une société à majorité musulmane ?
En Syrie, les chrétiens vivent dans la même situation que les musulmans, il n’y a pas deux communautés séparées… J’ai de nombreux amis que je connais depuis toujours et dont je ne connais même pas la religion. Nous vivons ensemble en tant que Syriens sans tenir compte de la religion de chacun, parce que la relation avec Dieu est une question personnelle. Nous célébrons donc toujours les messes et les fêtes religieuses et ce malgré toutes les menaces que la guerre fait peser sur nous : obus de mortiers ou attentats terroristes.
Le gouvernement limite-t-il la liberté de culte des chrétiens ?
Non au contraire ! Le gouvernement n’a jamais empêché quiconque de se rendre à l’église, nous voyons même de nombreux check-points s’ériger autour des quartiers chrétiens chaque fois qu’il y a une fête religieuse pour sécuriser la zone et la population.
Croyez-vous qu’un pays soit plus à même de prendre la défense des chrétiens d’Orient?
Je ne crois pas qu’il y ait un véritable défenseur des chrétiens en Syrie, chaque pays défend et protège ses propres intérêts. Je crois cependant que la politique russe et la politique syrienne convergent, c’est la raison pour laquelle je crois que la Russie est le pays le plus apte à défendre les Syriens. Je salue également la position du pape François à l’égard de la situation en Syrie et ses efforts en faveur de la paix. En revanche, je dois admettre que les Syriens n’attendent absolument plus rien du gouvernement français, surtout après le rôle négatif qu’il a joué dans la guerre, mais nous espérons que le peuple français est capable de discerner la réalité du terrain, loin de toute désinformation médiatique.
Propos recueillis par Arthur Herlin