Après la mort de sa femme, il passait ses journées et ses nuits sur le banc devant la paroisse romaine de Saint-Pie V. Avec une bénédiction pour chacun sur les lèvres.
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M. Gimmi nous a quittés début octobre. Il s’appelait en fait Jaime Ernesto Alvaro Martinez, et il venait du Pérou. Tout le monde le connaissait dans le quartier et beaucoup s’arrêtaient volontiers pour le saluer et échanger deux mots avec lui. “Dios te bendiga” (“Dieu te bénisse”), répétait-il toujours. Depuis quelques années, il passait ses journées sur le banc situé devant l’église Saint-Pie V à Rome, à quelques kilomètres du Vatican, suite à la mort de sa femme.
Il est arrivé un jour mais il semblait avoir toujours été là, sur ce banc, comme une colonne de cette église dont il ne voulait jamais s’éloigner, même la nuit pour dormir au chaud. Seul l’hiver dernier, Don Donato avait réussi à le faire dormir dans une des pièces de la paroisse, mais dès les premières lueurs du jour, il retournait là-devant. Il avait décidé que dorénavant sa maison était l’église et il y pénétrait chaque matin à l’ouverture pour prier devant le Saint Sacrement et faire le signe de croix.
Gimmi était ce que l’on a l’habitude d’appeler un mendiant, un clochard, un sans-abri. Mais sa vie n’a pas été toujours dans la rue. Il avait une famille, un travail à Milan, un avenir prometteur, il faisait du sport, il aimait faire de la voile. Le décès de sa femme l’a jeté dans le désespoir et la rébellion. C’est ainsi qu’il est arrivé à Rome et qu’il a rapidement conquis le banc devant l’église et la sympathie des paroissiens. Sa famille est au Pérou mais il n’a jamais voulu y retourner, peut-être avait-il honte de se montrer ainsi devant sa mère. Il aimait l’orangeade, c’était ce qu’il demandait. Il fumait des cigarettes, pas le cigare, parce que cela sent mauvais et que ce n’est pas bon pour la santé. Il avait mauvais caractère cet homme et il était têtu, ce qui lui a valu quelques représailles de la part de bandes de jeunes.
Et quelques disputes avec ses compagnons sur le banc. Mais c’était lui qui attirait cette bande hétéroclite, c’était autour de lui qu’ils s’étaient réunis. Comme Christoff, supporter de la Lazio, alors que Gimmi était pour la Roma. Ils étaient toujours prêts à parler de foot, quand ils avaient un peu trop levé le coude aussi. Il avait été soigné durant l’été 2014 : une hospitalisation, puis retour devant l’église, cette fois-ci avec une béquille. Il avait ensuite commencé à se laisser aller. D’abord un fauteuil roulant en été, puis il commença à refuser de se nourrir, jusqu’à la dernière hospitalisation.
Voici les mots du prêtre aux funérailles :
“Les chemins mystérieux de la vie l’ont amené à Rome, ici chez nous, sur le seuil de l’église. Aujourd’hui il est aux portes du Paradis et attend son tour pour entrer, car Dieu, c’est certain, l’a embrassé après les souffrances de cette vie, Lui qui est venu pour les pauvres et les vaincus. À la fin des temps, c’est Gimmi qui nous attendra mais les choses auront changé : ce sera lui, selon la révélation de Jésus, à décider de qui entre, celui qui a réussi à voir sur son visage la personne du Christ affamé et assoiffé. Gimmi ne se croyait pas digne de la miséricorde de Dieu mais il la cherchait toujours dans son cœur. Et il l’a certainement trouvée, plus forte que les erreurs et que le mal.“