L’aviation russe, alliée aux chasseurs syriens, frappe depuis près de deux mois en Syrie, concurremment aux sorties aériennes de la coalition américano-saoudienne.
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Après une multitude d’incidents entre avions russes, israéliens, américains et turcs, un partage de l’espace syrien a été tacitement accepté : les États-Unis frappent Raqqa et Deir al-Zor, au cœur de l’organisation État islamique, tandis que les Russes ciblent à 90% les espaces informels tenus par les “rebelles”, c’est-à-dire des milices, des mercenaires de tout poil, des islamistes non-daeshistes et des djihadistes d’al-Nosra. Moscou suit une stratégie active : réduire la rébellion anti-Bachar pour sauver le régime ; et Washington une stratégie passive : empêcher Daesh d’étendre ses zones de contrôle. À l’aune de ces objectifs, les résultats des bombardements des deux coalitions paraissent contestables.
Après 14 mois de frappes aériennes, les États-Unis ont tué 3 628 djihadistes, dont 3 276 appartenant à Daesh (source contestable : OSDH), sans compter 206 civils. En deux mois, la Russie a tué 280 rebelles, 131 membres de l’État islamique et 185 civils. Au bilan, donc, les Russes ont une force de frappe plus brutale, mais guère plus efficiente si l’on rapporte le nombre d’ennemis tués par mois (205,5 pour les Russes ; 259,1 pour les États-Unis).
Les bombardements russes ont-ils au moins une efficacité stratégique plus grande ? C’est ce qui semblerait, puisque les États-Unis ont été incapables de ralentir les succès de l’État islamique en Syrie depuis août 2014, sauf à Kobané. Leur objectif initial n’a donc pas été rempli.
En revanche, la Russie a permis aux troupes de Bachar el-Assad de se redéployer dans la banlieue de Damas et à Alep. La situation de Jabhat al-Nosra paraît compromise sur le long terme. L’objectif russe est donc atteint. Pourtant, au même moment, Daesh bloquait l’autoroute entre Damas et Homs, et s’enfonçait de 20 km près de Safira au Sud-Est d’Alep. Les frappes russes ont donc bénéficié à Daesh qui en a profité pour s’étendre aux dépens des rebelles. Les Russes nettoient donc le terrain le plus aisé et le plus profitable pour le régime, sans s’attaquer à Daesh. Sur le terrain, les échos sont mitigés.
Passé le premier soulagement à la vue de l’arrivée des Russes, les populations civiles commencent à s’inquiéter de ces frappes qui ajoutent du chaos au chaos. Les images de popes bénissant les missiles russes ont été très mal reçues en Syrie, même par les chrétiens, qui craignent de faire les frais de cette atmosphère de croisade, après avoir subi celle du djihad.
L’état du terrain impose donc une conclusion : pour les chrétiens, et pour une grande partie des Syriens, il n’y a certainement rien à attendre sur le long terme des frappes aériennes, d’où qu’elles viennent…