Entretien avec Sœur Nathalie Becquart, xavière, directrice du Service national pour l’évangélisation des jeunes et pour les vocations.
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Au lendemain de la clôture d’un synode qui aura fait couler beaucoup d’encre, Sœur Nathalie Becquart, religieuse xavière, directrice du Service national pour l’évangélisation des jeunes et pour les vocations, nous livre son analyse.
Aleteia : Que retenez vous de ce synode ?
Sœur Nathalie Becquart : Ce qui m’a le plus marquée est que ce fut un synode passionnant avec beaucoup de débats ! Je n’étais pas sur place et l’ai donc suivi de manière extérieure à travers les déclarations des évêques et leurs différentes interviews dans les médias. Et, comme beaucoup, j’ai été particulièrement marquée par le discours historique du pape François sur la synodalité ainsi que par son discours de conclusion mettant des mots sur ce qui s’est passé. Ce synode est un événement en lui-même ! C’est tout un processus de trois semaines qui aboutit à un nouveau point de départ. Il s’y est passé quelque chose qui a fait bouger les évêques et l’Église.
Comment l’Église parlera-t-elle désormais aux “couples de notre temps” ?
Une des thématiques fortes a été la question de la nécessaire recherche d’un nouveau langage. Avant de parler, l’Église écoute avant tout. Avant de parler mariage, elle marche avec les couples et pose un regard bienveillant sur les familles. Le synode a creusé plus profondément ce qu’est la vocation du mariage et de la famille, à la lumière de la Bible, du Magistère des Papes précédents et des signes des temps. Au-delà du dialogue et de l’écoute, l’Église va mettre en place davantage d’accompagnement. La formule magique n’existe pas ! Chaque évêque, dans son diocèse, chaque pasteur avec sa culture, ne pourra pas dire le même message d’une manière unique et simple, il s’agit d’inculturer le langage de l’Église sur le mariage et la famille. Les maîtres-mots de ce synode sont vraiment, pour moi, le discernement et l’accompagnement..
Quels sont les points précis sur lesquels la parole de l’Église va changer ? Ou sa doctrine ? Ou son action pastorale de terrain ?
Nous avons assisté lors du synode à une prise de conscience plus forte de l’importance de l’écoute et du dialogue, du discernement commun, de la synodalité… Les familles ont été écoutées dans leurs réalités très diverses et leurs épreuves. L’Église ne fait pas fi de ces difficultés. Mais le synode a aussi redit à quel point l’aventure du mariage sacramentel est une aventure formidable !
Ainsi le changement n’est pas d’abord sur le fond, mais plutôt sur la posture pastorale, le style de parole ecclésiale, la manière de dire et de faire. Je voyage beaucoup en France à la rencontre des différents diocèses, acteurs engagés dans l’Église et groupes de croyants et je vois que ce qui a été discuté au cours du synode est vraiment en résonance avec les préoccupations, débats et questions du terrain. La mutation vécue par les évêques réunis à Rome est aussi la mutation pastorale qui est en train de se vivre localement.
Quelles sont les orientations communes qui ont été proposées à l’arbitrage du Saint-Père et qui mériteraient d’être connues du grand public ?
Un point intéressant, et qui n’était pas forcément autant mis en avant auparavant, est l’importance pour les pasteurs du discernement au cas par cas avec une plus grande prise en compte de la conscience personnelle, (ce qu’on appelle le “for interne”), La liberté de la conscience personnelle est toujours première dans l’Église ! Mais celle-ci rappelle que la conscience doit toujours être éclairée et chercher la vérité. Ce que dit l’Église sur ce point notamment pour la situation des personnes divorcées remariées est une avancée. Le document final rappelle l’importance de l’accompagnement, du discernement et de la miséricorde.
Avez vous ressenti ce climat “conciliaire” de camp retranché qu’ont dépeint les médias ?
C’est la vision accentuée par les médias. On ne peut certes pas faire fi que des positions différentes existent et que tout le monde n’est pas d’accord. Mais au dire de nombreux évêques participants ce synode n’a pas du tout été une guerre des tranchées ! Les échanges, même s’ils ont parfois été musclés, se sont tous faits dans une démarche de recherche commune de la vérité et de grande fraternité. Ce n’était pas une bataille rangée ! L’acteur principal du synode a été l’Esprit-Saint. Et la force du Pape est justement d’avoir fait totalement confiance à l’Esprit Saint en osant ouvrir la parole vraiment libre. La communion de l’Église en sort fortifiée.
L’Église en sort elle unifiée ou divisée de cette expérience synodale ?
L’Église sort indéniablement grandie et dynamisée ! Car au-delà de ce synode à Rome en amont, partout dans le monde, les membres de l’Église ont été consultés, se sont réunis pour réfléchir et échanger sur ces questions et ont contribué à sa préparation. L’Église est diverse mais montre qu’elle propose une vraie expérience de débat et de dialogue… même si ce n’est pas toujours simple de vivre l’unité dans la pluralité !
Propos recueillis par Mathilde Rambaud