En mêlant beaux-arts et histoire culturelle, l’exposition du Musée d’art et d’histoire du judaïsme à Paris révèle l’évolution de la représentation de Moïse dans la culture occidentale de l’Antiquité à nos jours et les enjeux de cette iconographie.
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“Nul prophète n’est plus grand que Moïse” (Deutéronome 34). À travers 150 œuvres, le visiteur prend conscience de l’importance de la figure du prophète qui fit l’expérience de l’Ineffable, de la diversité de ses représentations et de ses enjeux tant philosophiques, que religieux, politiques et artistiques.
Les premières représentations de Moïse
Prophète le plus représenté dès l’Antiquité, Moïse était déjà une figure emblématique de l’iconographie biblique en raison de sa relation privilégiée avec Dieu. Les fresques de la synagogue de Doura Europos en Syrie actuelle (- 300, + 256 après J.-C.) en sont un témoignage très ancien. Mille ans passent, et les épisodes de la vie du prophète se retrouvent dans les manuscrits médiévaux dont les spécificités iconographiques varient selon les religions. Les juifs représentent Moïse au Sinaï tandis que les chrétiens figurent l’adoration du veau d’or, l’épisode de la manne ou du serpent d’airain. Au XVIe siècle, l’édition des textes antiques par les chrétiens et les débuts de l’édition hébraïque permettent un dialogue entre les deux religions et développent une iconographie populaire.
Moïse, préfiguration du Christ
L’exposition présente ensuite des œuvres d’artistes du XVIIe et XVIIIe siècles tels Poussin, Patel ou Lafage, illustrant les différentes étapes de la vie de Moise et mettant en avant l’idée de préfiguration. La source textuelle majeure pour la vie du prophète est Philon d’Alexandrie qui en mêlant pensées stoïciennes et héritage biblique, fait de Moïse l’idéal absolu. Les pères de l’Église s’en sont inspirés et ont établi des correspondances entre Moïse et le Christ, faisant du prophète une préfiguration du fils de Dieu. Ainsi, l’épisode de la manne annonce l’Eucharistie…
Moïse, le libérateur
Dès l’Ancien Régime, la figure de Moïse est interprétée comme celle du “libérateur” par les protestants. En tant que chef d’une minorité persécuté, il est fréquemment représenté dans ces œuvres protestantes dont peu subsistent aujourd’hui. Au tournant du XXe siècle, Moïse devient de nouveau une figure libératrice pour les communautés juives et les Noirs américains en désir d’émancipation. En publiant son Moïse moderne, Théodore Herzl, père du sionisme, fait du prophète une figure symbolique, “icône du libérateur visionnaire”. Moïse est alors une source d’inspiration pour les artistes juifs et un exemple pour Martin Luther King qui multiplie les références au prophète et au destin des juifs.
Moïse, figure tutélaire des artistes
La dernière partie de l’exposition s’intéresse à la fascination des artistes pour la figure de Moïse et pour la sculpture de Michel-Ange présente sur l’affiche de l’évènement. Cette sculpture de Moïse réalisée pour le tombeau du pape Jules II à Rome a marqué de façon durable l’iconographie du prophète. Les artistes se projettent dans la figure de Moïse en raison de son rapport ambigu à la parole (eux aussi sont contraints de s’exprimer sans mots) et pour son lien avec la création artistique (il supervise la création du tabernacle). Ainsi, Millet réalise son autoportrait en Moise et Bourdelle donne à Rodin l’aspect prophétique d’un Moïse cornu.
L’exposition qui s’était ouverte avec un extrait du film “grand public” des Dix commandements, présentant Moïse comme un être surhumain et grandiose, se termine par le court-métrage silencieux et poétique de Michelangelo Antonioni (2004). Antithèse du premier film, il s’agit d’un face à face fécond entre la sculpture de Michel-Ange et le réalisateur. Ce parcours sur les pas du prophète bègue “à la bouche pesante” s’achève en méditation subtile.
“Moïse. Figures d’un prophète” au Musée d’art et d’histoire du judaïsme à Paris, du 14 octobre 2015 au 21 février 2016. À voir en famille grâce au livret enfant !