Mgr Petros Mouché est l’archevêque syriaque catholique de Mossoul, Qaraqosh et du Kurdistan irakien. Il témoigne du calvaire de ses diocésains et de ses craintes pour l’Europe.
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Pour nous raconter la vitalité de son diocèse, qui couvre les villes de Mossoul, Qaraqosh et le Kurdistan irakien. Mgr Petros Mouché utilise une histoire drôle. “À Bagdad, des manifestants musulmans saisissent un prêtre et lui disent : ‘Nous allons t’arracher un poil de la barbe par jour de fête’. Et les musulmans arrachent un poil pour l’aïd, pour le ramadan, etc. Ensuite, des chrétiens saisissent un imam et font de même : ‘Un pour la saint Pierre, la saint Paul… puis la fête de tous les saints !’. Et la barbe y passe”.
Chez les chrétiens orientaux, la vie de la paroisse est si dense, que Mgr Petros Mouché ne dit jamais au revoir aux fidèles à la fin d’une messe dominicale : il sait qu’il y a toujours un événement qui justifie qu’il les revoie après. C’est cette vie communautaire riche que l’archevêque craint de perdre : “J’ai peur de la dispersion, explique-t-il. Nos coutumes, issues de 2 000 ans de traditions pourraient disparaître en une génération”.
Le Kurdistan, un refuge précaire
Comme la majorité de ses diocésains, soit 8 000 familles sur 12 000, Mgr Petros Mouché vit dans la banlieue d’Erbil, ville du Kurdistan irakien, mais il souligne combien ce refuge est provisoire. “Les Kurdes nous protègent pour le moment, les chrétiens sont les bienvenus chez eux parce qu’ils savent que nous sommes non violents, honnêtes et travailleurs. Mais nos voisins en Irak pensaient la même chose de nous avant… Tout peut changer très vite !”
Et la querelle de succession qui suit la fin de mandat du président de la région autonome, Massoud Barzani, entretient les craintes de l’archevêque. Les changements politiques tournent systématiquement en défaveur des chrétiens. “Au Kurdistan, explique-t-il, il y a des extrémistes pires que ceux que nous avons côtoyés en Irak.”
Esclaves de Daesh ?
“Nous sommes partis en pensant rentrer le lendemain”, se souvient Mgr Mouché. Il n’a pratiquement rien emporté, lors de la fuite éperdue des chrétiens de Qaraqosh devant les djihadistes de l’État islamique (Daesh). Le 17 juillet 2014, un mois après la prise de Mossoul par Daesh, il était contacté par un représentant de ce pseudo califat qui lui proposait de se rendre à une réunion de responsables religieux à Mossoul. L’archevêque a refusé, mais le lendemain, un communiqué de Daesh annonçait fièrement qu’il s’était rendu à la “réunion” et avait accepté les conditions qu’on lui proposait, à savoir se convertir, payer la taxe ou mourir.
Puis dans la nuit du 6 au 7 août, les forces kurdes ont reculé et Daesh a envahi la plaine de Ninive, prenant Qaraqosh la plus grande ville chrétienne d’Irak avec environ 50 000 habitants. Tous les chrétiens ont fui, craignant d’être réduits en esclavage. Des soupçons confirmés par un coup de téléphone reçu par l’archevêque peu après sa fuite. Au bout du fil on lui dit : “C’est dommage que vous soyez partis. Vos femmes et vos filles sont jolies”.
Le problème de l’islam
Mais le mal est bien plus profond que l’intrusion ponctuelle de Daesh, selon l’évêque. “Dans l’islam, il n’y a pas de notion de péché, pas d’exercice de la conscience individuelle, il y a le permis et l’interdit. Déjà, il y a 50 ans, il est arrivé que des musulmans que nous avions accueillis, logés, nous volent le lendemain, parce qu’ils pensaient qu’il était permis de voler des chrétiens. Je me souviens de l’affaire d’une poule, volée de cette façon, par un homme qui avait partagé le pain avec une famille chrétienne. Le lendemain, l’imam Omar el Aqui m’assurait qu’il se débrouillerait pour que la poule soit rendue. J’ai répondu : ‘Peu importe la poule, gardez-la ! Ce que je voudrais c’est qu’il y ait de l’amour et du respect entre nous’.”
Parmi les musulmans, il y a des gens qui sont honnêtes, “il y a même des héros qui sont morts pour défendre les chrétiens, mais ce sont des gens qui écoutent leur conscience, pas leur religion. Elle peut être manipulé par le premier mollah venu, qui expliquera qu’il est ‘hallal’ de déposséder un chrétien de ses biens !”.
“Ne nous dispersez pas”
Conscient de l’importance du lien de ses paroissiens, il a peur que ceux qui partent et se retrouvent isolés, perdus. Si le retour en Irak se révélait impossible, il faudrait que les réfugiés puissent être reçus en groupe, et pas séparément : “Recevoir un membre de la communauté seul, c’est amputer la communauté. Nous avons besoin de nous retrouver, de vivre ensemble pour que vivent nos traditions”. Pour le moment, cette communauté demeure vivace malgré l’exil : depuis sa fuite, selon l’évêque, elle a célébré 420 mariages, 550 premières communions et 660 baptêmes !