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Décryptage exclusif pour Aleteia de la situation géopolitique du Moyen-Orient et des enjeux de l’engagement militaire occidental en Syrie.
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Xavier Moreau est un homme d’affaires et un analyste politico-stratégique installé à Moscou depuis 15 ans. Saint-Cyrien et diplômé de la Sorbonne, il analyse l’actualité liée à la Russie depuis deux ans sur le site Stratpol. Il vient de publier Ukraine, pourquoi la France s’est trompée aux éditions du Rocher.
Aleteia : En quoi consiste la politique syrienne de la Russie actuellement ?
Xavier Moreau : Écraser l’État islamique, purement et simplement. En lançant des opérations militaires conjointes avec les forces d’Assad au sol, conseillées et entrainées par des instructeurs russes. Ce soutien militaire prévoit un appui aérien qui sera d’abord réalisé par des pilotes russes car les Syriens ne sont pas encore suffisamment formés pour ce type d’opération. Enfin, l’engagement de la Russie en Syrie prévoit un afflux de matériel conséquent, notamment des armes modernes qui vont apporter ce qu’il manque à l’armée arabe syrienne.
Nous avons pu observer sur les réseaux sociaux des photos de soldats russes qui se battaient avec l’armée syrienne…
Certains volontaires ont pu intégrer l’armée arabe syrienne, mais il n’y aura pas de déploiement de troupes régulières russes au sol. D’une part parce que la Russie ne veut pas reproduire l’Afghanistan, mais surtout parce que ce n’est pas nécessaire. L’armée syrienne a maintenant quatre ans d’expérience opérationnelle, ce qui lui manque seulement c’est du matériel ainsi qu’un état-major plus performant bénéficiant d’un appui aérien. Un appui de ce type fonctionne de pair avec des opérations au sol, sinon cela ne sert à rien. C’est exactement ce que l’on peut observer avec les bombardements des États-Unis ou de la France : cela ne sert à rien. Seule une offensive coordonnée avec les troupes au sol peut porter ses fruits.
Est-il possible d’imaginer une coopération de l’armée française avec l’armée syrienne ?
Pas avec le gouvernement français actuel. C’est pourtant la seule solution efficace pour récolter des résultats probants. Cela dit, si les Russes s’en chargent cela suffira. Ce qu’il faut avant tout, c’est que les Occidentaux arrêtent de soutenir les islamistes. Il serait inquiétant que les Américains ne cessent pas de le faire pour affaiblir un peu plus la Russie. Le danger est là : que l’Occident joue l’islamisme contre les États laïques ou chrétiens.
Poutine est attendu à l’ONU, comment peut-il négocier cette intervention et comment sera-t-il accueilli ?
Ce qu’il a fait est particulièrement habile, dans la mesure où il y a un consensus plus ou moins affirmé sur l’éradication de l’État islamique. Il va donc sans doute demander une résolution de l’ONU pour cette opération de lutte contre Daesh. Nous pourrons donc immédiatement observer qui soutient les islamistes et qui se bat réellement contre eux. Les Occidentaux sont pris au piège. Il ne faut pas oublier que la priorité de Washington et de Paris c’est toujours la chute de Bachar el-Assad ! Ce qui les dérange, c’est que si la Russie s’en mêle, l’État islamique est susceptible de disparaître et Assad pourrait rester au pouvoir. Après l’Ukraine, ce serait un nouvel échec pour la diplomatie occidentale.
Y a-t-il un risque que la France se retrouve isolée, que les Américains se désolidarisent ?
Oui c’est généralement comme cela que cela se termine. Les Américains sont très manœuvriers du point de vue diplomatique. Ils sont capables de faire un virage à 180°. Même si nous obéissons aux Américains, eux ne nous tiennent au courant de rien. Si demain Washington décide de laisser tranquille Assad en Syrie, ils mettront Paris devant le fait accompli, les Français seront alors abandonnés à leur triste sort.
Si l’ONU soutient l’intervention russe en Syrie, la guerre peut-elle se terminer dans les mois à venir ?
Je pense oui. Pour arriver jusqu’à Palmyre, les terroristes islamiques ont fait 300 kilomètres dans le désert. Comment est-ce que les États-Unis et leurs alliés ont pu manquer ça ? Et comment les djihadistes ont-ils pu maintenir un flux logistique sur Palmyre, sans que l’aviation américaine n’y mette un terme ? Ce n’est pourtant pas la guerre du Vietnam, l’État islamique n’est pas couvert par une jungle, il est extrêmement vulnérable en comparaison. En revanche, si les Russes prennent en main les choses, le résultat sera tout autre. Surtout que les terroristes islamistes ne sont pas attachés à la terre de Syrie comme le sont les soldats de l’armée syrienne. Les djihadistes iront ailleurs, la question c’est où iraient-ils…
Il y a deux protagonistes d’importances que sont Netanyahu et Erdogan, ils ont été récemment reçus au Kremlin, quelles relations Poutine essaie-t-il d’instaurer avec eux ?
Poutine fait de la vraie diplomatie : c’est-à-dire qu’il veut obtenir des accords. Avec le chef d’État turque, le président russe a dû aborder la question du projet de gazoducs via la Turquie qui doit contourner l’Ukraine. Récemment, un soulèvement a eu lieu en Macédoine que le pipeline devait traverser, il faut y voir l’intervention des États-Unis qui tentent d’empêcher que ce projet ne voie le jour. En ce qui concerne Israël, ce sont les états modernes qui représentent une menace. L’État islamique, lui, ne représente pas un problème face à son armée moderne. En revanche, l’islamisme est un bon moyen de déstabiliser les États laïques à fort potentiel comme l’Irak, la Lybie, et maintenant la Syrie. Mais l’armement qui est déversé par la Russie en Syrie inquiète Israël car cela pourrait en faire un des États les plus forts de la région, capable à terme de défier l’État hébreu. Netanyahu souhaitait donc avoir des garanties de Vladimir Poutine que l’armement qui sera livré à la Syrie ne se retournera pas un jour contre lui, le président russe a dû nécessairement lui donner satisfaction.
Propos recueillis par Arthur Herlin.