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Analyse. Mistral gagnant pour Le Drian

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Hadrien Desuin - publié le 25/09/15
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Al-Sissi, placé au barycentre des diplomaties mondiales, joue de son réseau pour s’armer à bon prix.

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Le mauvais feuilleton des Mistral touche à sa fin. Comme toute série B digne de ce nom, et après de nombreux rebondissements, on assiste stupéfait à un dénouement surprise en forme de happy end ; la France ne va pas payer l’addition des pressions américaines en Ukraine.

Le mérite en revient largement au président égyptien al-Sissi qui a su jouer de ses amitiés avec la Russie, Jean-Yves Le Drian mais aussi les Émirats. L’Égypte mène une politique étrangère extrêmement habile. Elle fait le pont au milieu des grandes lignes de fractures diplomatiques mondiales : Est-Ouest et sunnite-chiite. Elle se rend dès lors incontournable et empoche les bénéfices d’une marine dernier cri.

Présent à Moscou et à Pékin pour les anniversaires de la fin de la Deuxième Guerre mondiale, al-Sissi est devenu un des alliés les plus proches de la Russie dans la région. Il n’est pas surprenant d’observer que la vente des BPC a été initiée entre Hollande, Le Drian et al-Sissi à Suez (Égypte) au lendemain de l’accord d’annulation franco-russe. D’autant que le pays achète du même coup des hélicoptères russes, compatibles avec les ex-Vladivostok et Sébastopol. L’Égypte est l’amie de tous au Moyen-Orient (sauf de la Turquie et du Qatar), c’est une puissance sunnite qui défend la position russe en Syrie.

Siège de la Ligue arabe, elle fait l’intermédiaire entre Israël et les Palestiniens. Son armée est pléthorique mais désargentée. Ce qui en fait un complément naturel des petits émirats du Golfe, partenaires des pays occidentaux. L’Égypte de Sissi a été soutenue à bout de bras financier par les Émirats contre ses opposants Frères musulmans (la rivalité émirienne avec les Frères musulmans soutenus par le Qatar et la Turquie est bien connue). Comme Jean-Dominique Merchet le rapporte sur son blog Secret Défense, l’accord financier final de la vente des Mistral a été annoncé à François Hollande par Jean-Yves Le Drian depuis Abu Dhabi (Émirats arabes unis).

Le ministre de la Défense ramène la diplomatie française à la raison.

Il serait injuste de ne pas reconnaître les talents de vendeur d’arme de Jean-Yves Le Drian. Lesquels sont sans équivalent dans l’histoire récente du ministère de la Défense. Le ministre breton a très tôt compris l’opportunité de renouer avec l’Égypte du maréchal al-Sissi. Il était ministre de la Défense comme lui sous la présidence Morsi (2012-2013). Il a compris comme lui que la priorité dans dans le monde musulman est la lutte anti-Daesh. Grâce à la vente des Rafale et des BPC, le Drian et al-Sissi ont fait de la France le meilleur allié occidental de l’Égypte de l’après Printemps arabe.

Néanmoins, les acrobaties militaro-industrielles françaises laissent songeur qui voudrait comprendre le cap de notre politique extérieure en Orient. Tandis que la France se fait l’apôtre de la démocratie en Syrie en s’appuyant sur des milices djihadistes, elle s’acoquine avec celui qui est présenté comme le fossoyeur du Printemps égyptien. On ne va pas se plaindre que l’Égypte retrouve de l’ordre et une stabilité nécessaires à une reprise économique ni que les Frères musulmans soient mis hors d’état de nuire. Il n’en reste pas moins que l’écart est saisissant avec le discours essentiellement moral de la France en Syrie et sa pratique ultra réaliste en Égypte.

François Hollande tiraillé entre Fabius et Le Drian ?

Ce contraste au plus haut niveau de l’État s’explique en grande partie par les rôles joués par Jean-Yves Le Drian qui semble avoir la main sur le dossier égyptien et Laurent Fabius qui conserve son influence sur le dossier syrien. Missionaire ultra-atlantiste, ce dernier poursuit sa rhétorique binaire néo-conservatrice d’un grand Moyen-Orient démocratique. Sans voir que son combat commun avec les Turcs et les Saoudiens alimente le terrorisme djihadiste.

L’affaire des Mistral est aussi assez révélateur de la politique étrangère du Président Hollande. Ballotté d’un côté par la pression pro-otanienne et anti-russe de Laurent Fabius, le président a dû céder sur la vente à la Russie des deux navires. Mais enfermé dans une impasse financière, il s’en sort grâce à la pratique réaliste de son ministre de la Défense avec les militaires égyptiens. L’art de la synthèse…

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