Le “pays des hommes intègres” retrouve un calme précaire après le coup d’État du général Diendéré, déjoué le 23 septembre.
Pour qu’Aleteia poursuive sa mission, faites un don déductible à 66% de votre impôt sur le revenu. Ainsi l’avenir d’Aleteia deviendra aussi la vôtre.
*don déductible de l’impôt sur le revenu
La transition politique en cours au Burkina Faso depuis la chute du président Blaise Compaoré intervenue les 30 et 31 octobre de l’année dernière, a connu un coup d’arrêt brusque le mercredi 16 septembre 2015. Tout a commencé lorsque des soldats du Régiment de sécurité présidentielle (RSP) ont fait irruption au conseil des ministres qu’ils ont interrompu avant de séquestrer le président de la transition Michel Kafando et le Premier ministre Isaac Zida. C’est le début d’une crise tout aussi inattendue que rocambolesque qui aura duré une semaine, entraînant stupeur, interrogations et colère tant à l’intérieur qu’à l’extérieur du “pays des hommes intègres”.
Condamnations tous azimuts
Aussitôt furent entreprises des tractations avec la plus haute hiérarchie de l’armée nationale, les chefs du RSP et d’autres autorités dont le cardinal Philippe Ouédraogo, archevêque de Ouagadougou. Des négociations qui n’aboutiront pas, ce d’autant que les auteurs les refuseront catégoriquement. Ce fut dans la matinée du jeudi 17 septembre que l’on apprendra avec stupeur qu’il s’agit d’un coup d’État perpétré par le Conseil national de la Démocratie (CND), constitué par les éléments du RSP. Ceux-ci placeront à leur tête le Général Gilbert Diendéré, ex-chef d’état-major personnel du président déchu Blaise Compaoré.
De partout fusèrent des condamnations tous azimuts : Union africaine, France, États-Unis, Union européenne, etc. Bref, la communauté internationale condamne fermement le coup de force, enjoignant aux putschistes de déposer les armes et d’réintégrer les casernes. Ce sera peine perdue. La rue ne tardera pas à gronder, puisque les populations, à l’appel des organisations de la société civile, des chefs des partis politique et du président du Conseil national de la transition (CNT), Shérif Sy, sont descendues dans la rue, érigeant des barricades sur les principales artères de la capitale Ouagadougou. Pour étouffer la mobilisation populaire dans l’œuf, les éléments du RSP, à l’aide de véhicules de type pick-up 4X4, sillonnent les rues, dispersant les manifestants par des tirs à balles réelles. Des dizaines de morts et plusieurs blessés transférés dans des centres médicaux débordés, c’est la folie meurtrière des RSP visiblement décidés à ne pas lâcher prise leur morceau. Ouagadougou se transforme en une ville abandonnée. Mais la résistance populaire s’organise doucement dans les quartiers où les jeunes se rassemblent pour refuser la forfaiture.
Les évêques burkinabés appellent au dialogue
Des motivations de ce coup de force ? L’on en saura quelque chose lorsque la médiation de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cédéao), conduite par les présidents sénégalais Macky Sall et béninois Thomas Y. Boni, foulera le sol burkinabé. En effet, des propositions faites par les facilitateurs. Il en ressortira que pour sortir de l’impasse, les putschistes exigent comme conditions l’amnistie et l’inclusion des proches de l’ancien président Compaoré, écartés des élections présidentielle et législative du 11 octobre, par le Conseil constitutionnel.
“Même dans la lutte contre l’exclusion, la violence ne peut pas être privilégiée au dialogue”, disent les évêques du Burkina Faso, dans un communiqué lu par son excellence Mgr Joachim Ouédraogo, évêque de Koudougou et vice-président de la Conférence épiscopale Burkina-Niger. “Que toutes les parties prenantes entrent dans un dialogue vrai, clair, franc et respectueux des valeurs pour lesquelles le peuple s’est insurgé”, diront-ils à la fin de leur message
La colère gronde au sein de la population
La colère des populations ne tombe pas d’un cran. Partout, à l’intérieur du pays, les manifestations contre les putschistes se multiplient. Le pays s’enlise et se paralyse en réponse à l’appel à la grève générale décrétée par les syndicats. Les tractations se poursuivent à Abuja, au Nigeria et à Ouagadougou entre putschistes et chefs de l’armée régulière.
De fait, suite à l’appel du président du CNT, l’armée fait converger ses unités des provinces vers la capitale pour désarmer les putschistes. L’objectif, selon le général Diendéré et le général Zagré, chef d’état-major de l’armée nationale, est “d’éviter les affrontements entre les éléments restés fidèles aux autorités de la transition et ceux du RSP”. Engagements pris par les représentants des deux factions dans la nuit du mardi 22 au mercredi 23 septembre 2015.
Libération du président et du Premier ministre
Entre temps, pour montrer leur bonne volonté d’aller à la paix, les putschistes libèreront le président Kafando et son Premier ministre Zida dans la foulée des négociations. Le général Diendéré surprend en présentant ses excuses aux populations burkinabées et à la communauté internationale dans l’après-midi du mardi 22 septembre, mais dit s’en remettre aux décisions de la Cédéao.
Le président Kafando, dans la matinée du mercredi 23 septembre, s’adresse à la nation dans un message aussi solennel que ferme. “Libre de mes mouvements, je reprends du service et par là-même, je m’affirme en la légitimité nationale. La transition est ainsi de retour et reprend, à la minute même, l’exercice du pouvoir d’État.” S’adressant aux médiateurs de la Cédéao, alors en route vers Ouagadougou ce mercredi 23 septembre, il dira de tenir compte de la nouvelle situation et surtout de la volonté du peuple burkinabé.
Michel Kafando réinstallé à la présidence du pays
Un appel qui n’est pas tombé dans l’oreille d’un sourd, ce d’autant que les médiateurs dépêchés par la Cédéao sont venus purement et simplement réinstaller Michel Kafando dans ses fonctions de chef de la transition, dont il est chargé de mener la barque jusqu’aux prochaines élections. La cérémonie s’est déroulée dans l’après-midi de ce mercredi 23 septembre, sous l’égide des présidents mandatés tout exprès par la Cédéao, à savoir le Nigérien Mahamadou Issoufou, le Ghanéen John Dramani Mahama et enfin le Béninois Thomas Y. Boni. Pour ce dernier, il revient désormais aux Burkinabés de “résoudre les problèmes des Burkinabés”, dans “un dialogue politique inclusif”.
La crise socio-politique consécutive au putsch du 16 septembre est ainsi résolue. “Le plus gros tort a été de faire ce putsch, je regrette le temps perdu et les morts”, a déclaré le général Diendéré à l’issue d’un entretien avec les présidents béninois et nigérien. “Le putsch est terminé, on n’en parle plus”, a-t-il poursuivi.
Un coup de frein indéniable à la transition
Mais quid des nombreuses questions qui demeurent en suspens, pourrait-on se demander quand on sait que toutes les propositions adoptées par la Cédéao ne font pas l’unanimité au Burkina Faso. À commencer d’abord par le président Kafando lui-même, qui a déclaré que “les propositions de la Cédéao ne nous engageront que si elles prennent en compte la volonté du peuple burkinabé”. Malgré ce dénouement heureux de la crise, force est de reconnaître que ce brusque coup de frein infligé à la transition constitue une rude épreuve pour le Burkina Faso, en passe de finir définitivement avec l’immixtion injuste des militaires dans les affaires politiques.