L’agriculture française est-elle en danger de mort ? Quels problèmes, quelles solutions ? Le regard de Maxime Bergonso, secrétaire national à l’agriculture du MRJC, le Mouvement rural de jeunesse chrétienne.
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Combien reste-t-il d’agriculteurs en France, et surtout combien en restera-t-il bientôt ? Lait, élevage, céréales, embargo russe… Derrière les crises à répétition qui frappent le monde agricole, derrière le symbole des milliers de tracteurs et d’agriculteurs dans les rues de Paris, les maux sont profonds, et une année blanche sur les dettes des exploitants agricoles ne suffira pas à les résoudre.
Comment rendre leur dignité aux agriculteurs, leur permettre de vivre à nouveau de leur métier, de ne pas disparaître ? Retour sur les raisons profondes de la crise du modèle agricole français avec Maxime Bergonso, secrétaire national à l’agriculture du MRJC, le Mouvement rural de jeunesse chrétienne.
Aleteia : Que pensez-vous de la manifestation parisienne des agriculteurs ?
Maxime Bergonso : Je comprends ce mouvement. On entend depuis un moment cette colère qui gronde dans les campagnes. La situation était déjà critique cet été. Il faut rechercher l’union avec les citoyens. Aujourd’hui, il y a moins de paysans, une vraie méconnaissance de ce qu’est le monde agricole dans la société. Chacun ne s’occupe que de soi, regardez ce qui se passe avec les migrants…
Quel est le cœur du problème de la filière agricole française ?
Nous pensons que l’important est d’avoir des prix pour pouvoir vivre de son métier. Et pour avoir ces prix, il faut réguler les marchés. On ne peut pas être jacobin quand cela va mal, et libéral quand cela va bien. Il y a deux ans, on nous parlait de la réorientation d’un milliard d’euros de la PAC (Politique agricole commune) vers l’élevage. Mais cela n’a pas empêché la crise de venir. La principale information était en fait que l’on supprimait les quotas laitiers.
Que nous enseigne cette crise ?
Avant de répondre aux sirène de l’export, il faut s’occuper de répondre au mieux à la demande du marché intérieur, avec les circuits courts, tout ce qui relève de la relocalisation, par exemple dans le cadre de la restauration hors foyer, qui représente une part non négligeable du marché.
Malheureusement, c’est compliqué, le droit de la concurrence en France est calqué sur le droit européen. Il n’existe pas suffisamment de moyens d’action, même s’il est possible d’introduire des clauses dans les marchés publics.
Par exemple, à Lons-Le-Saunier (Franche-Comté, ndlr), a été mise en place une cantine municipale qui s’approvisionne avec des fruits et légumes locaux. Ce sont des choses qui peuvent s’imaginer. Répondre à l’export ? Qui peut prévoir une crise en Ukraine ?
Quelle est la responsabilité de la grande distribution ?
Il suffit de voir comment se partage la marge alimentaire… Sur 100 euros, 20 euros vont au commerce, 7,6 à l’agriculteur, 17,5 aux services. Un grande partie va dans le marketing et le financement de la grande distribution. C’est difficilement acceptable. Il faut travailler à mettre en place des alternatives de consommation, je pense.
En Bretagne, ont été créées des maisons de vente collective de producteurs. Sur Internet, un de nos adhérents a créé un système de vente directe, Le goût d’ici, une association réunissant producteurs, commerçants et artisans-transformateurs. Des alternatives de distribution se mettent en place petit à petit.
Mais ce qui est important pour contrôler les prix, c’est de réguler les volumes, d’avoir des quotas. Il ne faut pas sous-estimer l’impact des politiques publiques sur l’orientation du modèle agricole français. Après, il faut poser la question aux gens : si l’on essaie de réaliser des gains de compétitivité, est-ce que ce sont des fermes comme celle des “mille vaches” qu’ils veulent ?
Et vous, quelles initiatives prendre pour re-créer une agriculture durable ?
Nous pouvons avoir un rôle en tant que jeunes ruraux. Nous avons mené par exemple une réflexion pour que nos camps de vacances s’approvisionnent auprès de producteurs locaux. L’idée est de faire fonctionner le commerce local, de rémunérer le travail paysan. Cela permet aussi aux jeunes de rencontrer des agriculteurs, d’avoir un discours vrai avec eux, qu’ils voient comment cela se passe dans les fermes. Cela permet de rencontrer l’autre.
Enfin, même si c’est plus anecdotique, nos jeunes se plaignaient des repas en boîtes ! Il y a un vrai gain qualitatif. En Picardie, cet été, nous avons fait cela pour 350 jeunes. Mais au-delà, nous avons déposé un projet dans le cadre du réseau rural français pour essayer d’étendre ces bonnes pratiques.
Propos recueillis par Judikael Hirel