Quatre projets de loi sur la fin de vie sont en discussion au Bundestag, l’Église catholique et l’Église protestante mettent en garde contre les risques d’une “fragilisation du tabou de l’assassinat” dans la société.
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En Allemagne, le mot "euthanasie" reste tabou – pour des raisons historiques évidentes –, on préfère parler de "mort assistée" mais le concept est bien là et, à son tour, le pays tente de légiférer sur cette question. Quatre projets de loi sur la fin de vie sont actuellement en discussion au Bundestag qui oscillent entre "un encadrement organisé de la mort assistée" et sa "stricte interdiction". "Ces propositions sont les plus exigeantes et les plus difficiles de cette législature", a reconnu le président du Bundestag Norbert Lammert (CDU). De leurs côtés, les Églises protestante et catholique ont uni leurs voix pour dire non à "toute forme organisée de suicide assisté", rappelant aux 631 députés que la manière de traiter les maladies et les décès est "une question fondamentale de notre humanité et de notre identité sociale" à ne pas fragiliser.
Ne pas fragiliser le tabou de l’assassinat
"Dans une société humaine, la préoccupation majeure doit consister à s’assurer que les gens finissent leur vie bien soignés et accompagnés pour mourir dans la dignité", écrivent le cardinal Rheinhard Marx, archevêque de Munich, et le président du conseil de l’Église évangélique, l’évêque protestant de Bavière, Heinrich Bedford-Strohm, dans une déclaration commune, parue le 1er juillet, veille de l’ouverture des débats. Insistant sur la nécessité de développer davantage les soins palliatifs, ils appellent "la société et en particulier les hommes politiques" du pays à "protéger toute vie dans sa fragilité et vulnérabilité et à créer les conditions pour que l’homme, à la fin de sa vie, ait accès à des soins médicaux".
La manière de traiter les maladies et les décès est "une question fondamentale" et, sans un support juridique clair, les responsables religieux redoutent une banalisation de "l’aide au suicide" et donc une "fragilisation du tabou de l’assassinat" au sein de la société. Il y a risque, selon eux, que les médecins offrent le "suicide assisté comme une option de traitement à la fin de la vie, dans une optique commerciale", et que les personnes âgées ou malades, qui ont déjà tendance à se sentir un fardeau pour les autres, fassent l’objet d’une "forme de pression sociale subtile". "Nous voyons cela comme une menace importante pour la dignité de la vie humaine", insistent-ils dans leur déclaration commune.
L’Allemagne coupée en deux
Après cet examen en première lecture, il devrait y en avoir une deuxième et une troisième, et l’éventuel changement de loi pourrait être décidé en novembre. Mais la législation en préparation ne pourra pas régler "tous les cas jusqu’au dernier", a prudemment prévenu la chancelière Angela Merkel qui voit les discussions se crisper et le ton monter entre les députés très départagés sur la question. Pour l’instant, la carte des droits et devoirs coupe effectivement le pays en deux, et les patients apparemment ne sont pas égaux. Selon les résultats d’une enquête menée par le quotidien Tageszeitung auprès des 17 chambres régionales des médecins, et rapportés par DNA (Dernières Nouvelles d’Alsace), celui qui souhaite, en raison d’une maladie grave, décider de sa fin de vie grâce à une assistance médicale a plus de chance de trouver une oreille favorable à Berlin, Munich ou Stuttgart. En revanche, à Brême ou Hambourg, ou par exemple en Hesse ou dans le Brandebourg, un médecin ayant aidé un patient à mourir risque une interdiction d’exercer. Autre point de friction à régler : les tensions croissantes entre l’Ordre des médecins et les praticiens directement confrontés au dilemme de la vie et de la mort.
D’après Die Welt, une proposition a été écrite par au moins un député de chaque parti représenté au Bundestag et a été pensée comme un compromis entre l’interdiction de l’euthanasie et du suicide assisté, et leur légalisation. Au contraire de la Belgique, des Pays-Bas et de la Suisse, l’assistance au suicide ne pourra pas être source de rémunération. L’autre proposition, rédigée par Renate Künast (Die Grünen) et Petra Sitte (Die Linke) va plus loin et prône le "droit à mourir" (Gènéthique).