Les avocats des parents de Vincent Lambert ont déposé un recours contre le verdict de mort des juges européens pour plusieurs motifs dont une “erreur juridique grave et manifeste” mise à jour par Grégor Puppinck.
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Grégor Puppinck, docteur en droit, directeur du Centre européen pour le droit et la justice, a révélé dans Valeurs Actuelles que "la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) a commis dans l’affaire Lambert une erreur juridique grave en se contredisant" en autorisant l’arrêt de l’hydratation et de l’alimentation artificielles de Vincent Lambert (ce qui condamne à mort ce jeune homme tétraplégique et "pauci-relationnel" à la suite d’un accident de la route).
La Cour commet un contre-sens sur sa propre jurisprudence !
L’une des références principales de la CEDH pour justifier sa décision (prise par 12 voix contre 5, cf. Aleteia) est le précédent de l’affaire Glass contre le Royaume-Uni (9 mars 2004) : la mère d’un enfant hospitalisé pour troubles respiratoires s’était opposée à l’équipe médicale qui voulait administrer à l’enfant une forte dose de morphine au risque d’entraîner son décès et, en cas de nouvelle crise respiratoire, de ne pas le réanimer. Voulant protéger la vie de son fils contre les médecins, Madame Glass avait saisi la CEDH comme l’ont fait à leur tour les parents de Vincent Lambert. Mais elle avait obtenu gain de cause : la Cour avait jugé à l’unanimité que la décision des autorités médicales "de passer outre, en l’absence d’autorisation par un tribunal, l’objection de la mère au traitement proposé a violé l’article 8 de la Convention" (La Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales). "Ce précédent, constatant la violation de la Convention, venait plutôt au soutien des parents Lambert", constate Grégor Puppinck.
Or, c’est précisément en invoquant (à cinq reprises) ce précédent que la CEDH a justifié sa décision dans l’affaire Lambert ! Elle prétend en effet que "dans son arrêt du 9 mars 2004, elle a conclu à la non-violation de l’article 8 de la Convention" alors qu’au contraire, dans cette affaire Glass, elle avait conclu qu’il s’agissait d’une violation ! Cette découverte est un "coup de théâtre", souligne Grégor Puppinck : "Il apparaît que la Cour a commis dans cet arrêt Lambert une erreur juridique grave et manifeste en se référant à contre-sens de sa propre jurisprudence. (…) Comment la juridiction européenne la plus élevée, dans une affaire aussi sensible, peut-elle méconnaître sa propre jurisprudence, introduisant une erreur importante au cœur même de son raisonnement ? Cette erreur ajoute au discrédit d’un arrêt qui n’en avait plus besoin, tant la critique portée à son encontre par les cinq juges dissidents est dévastatrice", ajoute le juriste.
La CEDH a répliqué en arguant qu’il ne s’agit que d’"une erreur rédactionnelle, purement matérielle, une erreur de plume qui est en cours de rectification", selon le cabinet du président de la Grande Chambre de la CEDH. Et dans la foulée, elle a corrigé son arrêt en dépit de la requête de révision adressée mercredi 24 juin par les parents de Vincent Lambert, ce qui est une nouvelle entorse au droit ! "Un acte ‘en douce’, qui crée l’indignation et l’incompréhension des parents de Vincent Lambert", commente Le Figaro.
Pas une erreur de plume, une erreur de droit
Pour les avocats des parents, Me Paillot et Me Triomphe, l’erreur de la Cour n’est pas "une erreur de plume, qui pouvait être rectifiée. Il s’agit d’une erreur de droit, qui conduit à une erreur de raisonnement juridique, aboutissant à la décision injuste que l’on connaît. (…) Le raisonnement de la Cour européenne du 5 juin 2015 est ainsi complètement faussé, ce qui commande la révision".
Les avocats ne manquent pas de relever qu’après réception de leur requête par la Cour, "le texte de l’arrêt a été subrepticement modifié, sans aucun respect pour la procédure de l’article 80 du Règlement de la Cour qui organise le processus de révision" (
Alliance Vita). Mais, ajoutent les avocats, "le raisonnement découlant de cette erreur n’a pas été supprimé" et "la requête en révision garde donc toute sa nécessité".
Des faits inconnus de la Cour au moment du jugement
Outre ces deux graves manquements au droit de la CEDH, la demande en révision porte à la connaissance des juges européens des faits nouveaux, qu’ils ne pouvaient connaître au moment du jugement : il s’agit d’une part de propos contradictoires du gouvernement français sur la volonté de Vincent Lambert, et d’autre part de l’amélioration de son état de santé :
"En effet, explique Gènéthique, alors que la CEDH tenait pour certaine la prétendue volonté de Vincent Lambert de ne pas continuer à être alimenté et hydraté, comme l’a soutenu le gouvernement français, il ressort d’une déclaration au Sénat de Madame la ministre Marisol Touraine que la volonté de V. Lambert "faisait l’objet d’interrogations et de débats". Par cet aveu de la Ministre elle-même, survenu quelques jours après la décision de la CEDH du 5 juin 2015, le gouvernement contredit ce qu’il avait pourtant soutenu durant le procès.
Enfin, postérieurement à l’arrêt du 5 juin, plusieurs orthophonistes ont attesté de la capacité naturelle de Vincent Lambert à déglutir. Le 12 juin 2015, la famille est même parvenue à nourrir et hydrater Vincent Lambert par la bouche. Les avocats de la famille précisent que "Vincent Lambert a également des manifestations vocales très émouvantes après la première alimentation". Un film destiné à prouver les faits accompagne la demande en révision auprès de la CEDH. Pour les avocats, "une sédation profonde et définitive, associée à un arrêt de l’alimentation et de l’hydratation artificielle ne sont donc plus envisageables".
La CEDH devra se réunir à nouveau
Autant d’"éléments nouveaux et décisifs" mis en avant par les avocats des parents de Vincent Lambert qu
i ont saisi le 24 juin la Cour européenne des droits de l’homme d’une demande en révision de son arrêt du 5 juin 2015. La CEDH devra donc réunir à nouveau les 17 juges de la Grande Chambre, à une date qui n’est pas encore connue, pour statuer sur cette demande en révision. Les avocats des parents de Vincent Lambert ont par ailleurs déposé au Conseil d’État une demande de révision de sa décision du 24 juin 2014 autorisant la fin de l’hydratation et de l’alimentation du jeune homme.