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Bac de philo : nos experts ont planché sur les sujets

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La rédaction d'Aleteia - publié le 17/06/15
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Aujourd’hui, les lycéens ont planché sur l’épreuve de philosophie. Nos experts aussi, et à chacun son sujet préféré.

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Tout le monde a son propre souvenir, bon ou mauvais, de cette épreuve redoutable et redoutée qui marque chaque année le début du baccalauréat. Que l’on ait ou non des enfants en âge de le passer, nul ne peut s’empêcher de jeter un œil aux sujets de l’année. Et moi, j’aurais pris quoi ? Et écrit quoi ? C’est la question que nous avons posée à trois de nos experts, calés en raisonnement et en argumentation : le frère Tarel, dominicain de la province de Toulouse, le père Cédric Burgun, enseignant et doctorant à la Faculté de droit canonique de l’Institut catholique de Paris, et l’abbé Antoine Roland-Gosselin, du Padreblog. Voilà, à chaud, ce qu’ils auraient pris et écrit…

Frère Tarel, op : Respecter tout vivant est-ce un devoir moral ?

"Spontanément, c’est le sujet qui m’intéresse le plus. Déformation professionnelle ? Il faut dire que je suis moraliste de formation. Il y a beaucoup à dire sur le sujet. Je serais parti de Kant, en reprenant la définition de l’acte moral, le fameux impératif catégorique, en montrant que ce qui fixe la morale est le rapport à la loi, le principe de respect de la loi qui rend bon l’acte. J’aurais quand même distingué différents niveaux de lois, en particuliers les lois humaines et les lois naturelles. Mais il ne faut pas pour autant faire abstraction de l’objet de l’acte. Je reviens sur l’expression "vivant". C’est typiquement dominicain de tout distinguer ! Je distinguerais ce qui concerne la nutrition, les végétaux, le sensible, le monde animal. Puis, en ajoutant l’intelligence et la volonté, on arrive à l’homme.

Le fait de respecter le vivant, c’est reconnaître une valeur et une finalité à chacun de ces objets. Il existe une valeur du végétal, on peut parler d’écologie. Le fait que tout cela existe a une valeur en soi. La chaîne alimentaire, aussi, remonte jusqu’à l’homme, et c’est donc un bien pour l’homme. On pourrait également aborder la vertu du travail des animaux, pour construire, pour cultiver un champ… Reste l’homme qui ne doit jamais être considéré comme un moyen pour l’autre mais une finalité en soi. C’est un devoir moral, et pas seulement du point de vue des lois humaines, qui peuvent être contradictoires. Or ce qui justifie la moralité c’est aussi la bonté et la dignité de l’objet. Oui, il faut respecter tout être vivant, au regard des lois humaines, de la loi naturelle… et de la Loi éternelle !"

Père Burgun : Suis-je ce que mon passé a fait de moi ?

"J’aurais pris ce sujet car je trouve qu’il a des accents très actuels. On peut distinguer deux grands sujets en son sein. D’abord qu’est-ce qu’on entend par "passé" ? Juste une vision comportementale ou bien aussi l’aspect éducatif ? Notre passé est un héritage reçu de nos parents, et aussi que j’ai reçu de ma nature. Suis-je ce que ma nature a fait de moi quand je suis né ? Je suis né garçon, j’ai été élevé comme un garçon, puis-je changer cela ? Il y a là des questionnements très actuels en termes d’anthropologie. Autre question : qu’en est-il de la liberté ? Nous sommes tenus par tant de déterminismes. Aujourd’hui, nous sommes dans une conception comportementale de la liberté. Mon passé me rappelle qu’il y a des choses qui me limitent. Ma nature, mon âge, mon époque, mon lieu de naissance me déterminent.

Comme croyant, je n’aurais pas pu m’empêcher de faire un détour par la miséricorde : le fait de savoir pardonner ouvre un avenir à quelqu’un qui peut s’être trompé de voie. Dans un billet de blog sur l’affaire Cahuzac, j’avais écrit : "Le monde permet tout et ne pardonne rien. Dans l’Église, tout n’est pas permis, mais elle pardonne tout". Le monde dans lequel on vit est plutôt enclin à enfermer les personnes non seulement dans leur passé, mais dans leurs actes. On oublie la personne qui est derrière, capable de changement, de repentance. Pour conclure, j’aurais ouvert sur : "qu’est ce que les autres font de notre passé ?". Est ce que les autres me ramènent à moi-même ? 
Il existe aussi actuellement la tentation de récrire son passé, comme on demande d’effacer son baptême, par exemple. Cela renvoie à ce que nos parents nous ont donné. C’est pour cela que je parle de notion d’héritage. Je ne peux pas refuser ce dont j’hérite. Je peux transformer, transfigurer mon passé, mais c’est à partir de lui que je crée mon présent."

Père Roland-Gosselin : La conscience de l’individu n’est-elle que le reflet de la société à laquelle il appartient ?

"Ce sujet contient le mot de conscience, mot délicat mais magnifique. La formulation du sujet joue sur le parallèle entre conscience et reflet, de même que individu et société sont liés. Ces deux groupes de mots sont à analyser ensemble, pour essayer de trouver quel peut être l’arrière-plan du sujet.

Cet arrière-plan est en fait assez négatif, : on y voit la conscience prisonnière de la société, l’individu aux prises avec la société de consommation, nouveau Léviathan. La forme négative de la problématique accentue cet élan. Effectivement, la conscience est reflet, au sens où elle est un recueil des perceptions des sensations. Il faudrait citer ici Husserl et son étude phénoménologique. En fait, il est difficile pour toute une branche de la philosophie contemporaine (philosophie della mente, philosophie américaine) d’arriver à justifier l’existence de l’esprit humain, en tant que plus que simple reprise des faits physiques, que simple lieu d’enregistrement des évènements. Comment parler d’esprit dans un monde scientifique ?

Sur le couple, individu-société, il devient nécessaire de s’interroger sur le degré d’appartenance à cette société. Est-ce que cette appartenance est automatique ? Peut-on penser que l’individu ait le choix d’appartenir ou non à la société ? Et de quelle société parle-t-on ? De tous ces questionnements, peut jaillir un magnifique appel à la liberté.

La conscience n’est pas que reflet, elle est aussi le lieu de l’intime, de ma propre perception de moi-même, de ce que je suis. Ce lieu de l’intime est à éduquer, il peut se déployer. La conscience est le lieu de mémoire du moi : je peux trier mes perceptions, leur donner de l’importance ou au contraire les penser illusoires. Saint Augustin viendra éclairer l’aspect de la mémoire, pour voir que la conscience est liée à notre identité propre. La mémoire est la trace de notre action, elle dessine ce que nous sommes. La mémoire me donne accès à qui je suis. De là, émergent mes idéaux, mes valeurs… Saint Augustin pousse ce travail de mémoire jusqu’au plus intime de lui-même, jusqu’à voir que quelqu’un d’autre que lui-même le connaît mieux que lui. La conscience se révèle une porte vers mon identité, et peut-&ecir
c;tre vers Dieu.

Un autre chemin pourrait être employé avec Levinas, un penseur qui donne un autre regard à ce sujet, faisant ressortir cet énoncé de sa vision individualiste. Comme si l’individu et la conscience étaient liés à la société, comme s’ils étaient un. Comme si un individu pouvait se poser comme représentant de la société. Ce renversement vient mettre en doute un autre sujet en arrière-fond de cette problématique : la perspective individualiste. Au coeur du même (de moi), je tombe sur l’autre (ce qui n’est pas moi). Ma conscience ne peut être pur reflet de la société, car l’évidence de l’autre vient transcender ma conscience. Je découvre alors la force de l’altérité. Ce regard peut aussi permettre une vision beaucoup plus positive de la société, en tant que choix des individus. C’est enfin l’accueil de l’autre qui me fait prendre conscience que ma conscience n’est justement pas omnicompréhensive !"

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