La polémique autour de la dernière vidéo de Vincent Lambert et, au-delà, sur son sort, rebondit. C’est plutôt bon signe : ni l’avis du Conseil d’État, ni l’arrêt de la CEDH avalisant sa mort ne font taire les consciences.
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Les familiers de Vincent Lambert qui ont publié une vidéo de lui pour tenter de le protéger d’une euthanasie, ont été violemment pris à partie par Chantal Delsol, philosophe et historienne des idées, membre de l’Institut, dans une tribune du Figaro (14-15 juin). Celle-ci y renvoie dos à dos partisans et adversaires de son “maintien en vie” en reprochant aux premiers d’utiliser les mêmes méthodes que leurs adversaires. Elle juge le procédé “obscène”, c’est-à-dire montrant ce “qui ne doit pas être mis en scène”. Cette vidéo de Vincent Lambert, écrit-elle, “est faite pour solliciter les émotions et pour soulever les prises de positions grâce aux images d’un mourant servant pour ainsi dire d’appât. Ce qui est délétère, et même honteux”.
“Le visage qu’on ne veut pas voir”
On a déjà eu l’occasion de dire et redire ici que Vincent Lambert n’est pas un “mourant” mais un homme gravement blessé. Serait-il d’ailleurs à l’agonie que cela n’autoriserait pas à l’achever mais à soulager ses souffrances par des soins palliatifs, ce qui est tout différent. Quant au droit à l’image, pour important et respectable qu’il soit, il est moins fondamental que le droit à la vie (Aleteia). Que des parents tentent de sauver leur fils en autorisant la diffusion d’une vidéo le montrant tel qu’il est, mérite pour le moins, respect et compassion.
Telle est aussi en substance la réponse adressée ce mardi 16 juin à Chantal Delsol par Jean Clair, membre de l’Académie française, historien de l’art français, conservateur général du patrimoine et écrivain, également dans une tribune du Figaro. Vincent Lambert, écrit-il, c’est “le visage qu’on ne veut pas voir”. Celui d’un homme vivant, qu’on ne peut contempler sans être bouleversé : “(…) Un visage qui regarde, qui se tourne, qui baisse les yeux quand il entend la voix de sa mère (…). Une vision en effet peu supportable : la vie est là. L’homme n’est pas en fin de vie, il est bien vivant”.
Est-ce dont cela qui serait “obscène” ? poursuit Jean Clair : “On peut aujourd’hui, au nom de ‘l’Art’, (…) exposer place Vendôme un phallus géant ou dans les jardins de Versailles un vagin dit de la Reine, sans provoquer grande émotion. Mais diffuser le visage d’un malheureux est devenu chose obscène…”. C’est pourquoi le visage de Vincent Lambert a été systématiquement flouté par les chaînes de télévision, remarque ensuite Jean Clair : “On retire au vivant son visage, pour le faire d’emblée entrer au royaume des ombres”, celui des “pauci-relationnel” (rappelons qu’ils seraient sur le territoire français entre 1 500 et 1 700).
“Le Christ en croix était-il pauci-relationnel ?”
Ce visage en évoque un autre à Jean Clair : celui du Christ en croix. Lui “qui était lui en fin de vie et ne pouvait plus s’adresser qu’à son Dieu, était-il un ‘pauci-relationnel’ ?”, interroge l’académicien. “Aucune image pourtant, dans notre culture, n’a été aussi répandue, regardée, examinée, reproduite, interrogée, priée, vénérée, que l’image de ce visage, incliné au sommet d’un corps crucifié, et dont on ignore s’il est encore vivant ou s’il est déjà mort.” Or, ce condamné à mort par asphyxie, et lui aussi “privé d’hydratation et de nutrition”, a tout de même été “l’objet de ce geste inouï que rapportent les évangélistes : un simple soldat, un centurion, vient apporter un réconfort en lui tendant, au bout d’une lance, une éponge imbibée de vinaigre pour apaiser la brûlure de la soif…”.
Combien ça coûte ? La question qui tue…
Un autre débat a surgi à propos du coût de personnes dans l’état de Vincent Lambert : “La survie artificielle sans aucun espoir d’amélioration d’un patient pendant des années a un coût dont personne ne parle”, écrit Monique Pelletier, ancienne ministre et ancienne membre du Conseil constitutionnel, dans les pages débats du
Monde (14-15 juin) : “Tirons enfin les leçons de l’affaire Lambert”.
Sauf que si Vincent Lambert est bel et bien “sans espoir d’amélioration”, il n’est pas en “survie artificielle”, lui rétorque Jean-Yves Nau, journaliste et docteur en médecine, sur son blog. Il conclut : “On relit Mme Pelletier. On voit, déjà, l’économiste hospitalier… Il a compté… il guide… à distance… la parole du médecin… le geste de l’infirmière… puis celui de l’aide-soignante…. On ne connaît pas précisément les frontières de Mme Pelletier… mais on perçoit comme une ombre…”.
Devant cette menace d’euthanasie “économico-compassionnelle”, on comprend l’angoisse croissante des familles des polytraumatisés et cérébro-lésés réunies au sein de l’Union nationale des associations de familles de traumatisés crâniens et de cérébro-lésés (UNAFTC – www.traumacranien.org). Alors que le Sénat entame aujourd’hui, mardi 16 juin, l’examen de la proposition de loi dite “Claeys-Leonetti”, elles viennent d’écrire au président du Sénat, Gérard Larcher, pour lui expliquer que leurs proches ne sont pas “en fin de vie”.