Sur les Cahiers Libres, le frère Jean-Alexandre de l’Agneau, ocd, nous propose de découvrir un grand religieux, déporté pour avoir caché des enfants juifs, et dont l’histoire inspira le film de Louis Malle “Au revoir les enfants”.
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Nous célébrons ces jours-ci le 70e anniversaire de la mort d’un grand homme, un éducateur devenu prêtre puis carme déchaux. Pendant l’occupation, le père Jacques s’engage dans la résistance et cache trois enfants juifs au petit collège d’Avon (épisode raconté dans Au revoir les enfants de Louis Malle) ; il sera déporté et exercera un apostolat étonnant dans les camps nazis avant de mourir d’épuisement le 2 juin 1945. Son procès de béatification est en cours et il a été reconnu "juste parmi les nations".
Le père Jacques a fasciné des générations d’élèves d’Avon et marqué pour toujours ses compagnons de déportation qui ont survécu. Sa vie radicale continue de nourrir et interpeller notre temps : que faisons-nous de notre liberté ? Que voulons-nous être ? À quoi formons-nous notre jeunesse ? Comment devenir saint ? Un de ses professeurs disait du jeune Lucien : "Il était bien, par nature, un révolutionnaire, mais il comprit à 16 ans qu’il devait opérer d’abord en lui-même cette révolution, pour s’amender, se convertir, devenir un saint et faire par là un monde meilleur". Voyons de plus près comment il a opéré avec la grâce cette révolution intérieure…
Une grande intelligence mais de profondes marques d’orgueil
Lucien Bunel est né le 29 janvier 1900 à Barentin, près de Rouen, dans une famille très pauvre. Sa mère est fille de berger et son père est ouvrier. Il est le quatrième d’une famille de six garçons et d’une fille. L’appel à consacrer sa vie à Dieu le visite très jeune et il l’exprime à ses parents à l’âge de 12 ans : il veut entrer au petit séminaire de Rouen. C’est là que les premières difficultés l’attendent : le jeune Lucien y manifeste une grande intelligence et une belle vivacité mais aussi une volonté raide et de profondes marques d’orgueil.
Cette anecdote à propos d’un compliment traditionnel que des élèves refusaient de donner à un professeur le souligne : "Bunel, vous ferez un compliment", demande le supérieur. "Non, Monsieur le Supérieur, les élèves ne le veulent pas", répond Lucien. "Bunel, je vous ordonne de faire un compliment", insiste le supérieur et l’élève de répondre : "Bien, Monsieur le Supérieur, je le ferai". Lucien rédige et apporte le discours qui commence par : "Monsieur le Supérieur m’ayant formellement ordonné de faire un compliment…". Ce dernier réagit aussitôt : "Bunel, vous avez une tête dure comme le mur…". Et Lucien de répliquer : "Le mur a sa grandeur…".
Il poursuit son séminaire en découvrant un attrait pour la vie cistercienne trappiste mais entre au grand séminaire en 1919. L’année suivante, pendant deux ans, il fait son service militaire au fort de Montlignon et impressionne déjà ses camarades, pourtant peu enclins à estimer les hommes en soutane. Puis il reprend le chemin du séminaire et se prépare à l’ordination sacerdotale qui aura lieu le 11 juillet 1925 dans la cathédrale de Rouen.
La profondeur de sa parole touche
L’abbé Lucien Bunel exerce son ministère dans l’Institution Saint-Joseph du Havre où il était déjà surveillant. Il y révèle ses talents d’éducateur auprès des élèves. Ses sermons dans les églises du Havre sont fort appréciés, même si l’abbé a parfois un goût pour la provocation, surtout quand le fils d’ouvrier prêche devant les familles catholiques aisées ; mais la profondeur de sa parole touche. C’est donc un début de ministère fort prometteur pour le jeune abbé. Et pourtant, son cœur reste tiraillé par un désir intérieur plus fort. L’abbé Bunel connaissait déjà la vie de Thérèse de l’Enfant-Jésus (canonisée en 1925) mais c’est grâce à l’amitié des carmélites du Havre qu’il découvre l’existence des Carmes Déchaux. Lire la suite sur les Cahiers Libres