separateurCreated with Sketch.

Irak : Il y a un an, Mossoul tombait

whatsappfacebooktwitter-xemailnative
Philip Jenkins - publié le 09/06/15
whatsappfacebooktwitter-xemailnative

Un an déjà depuis la chute de Mossoul. Un événement-clé, un drame, pour les chrétiens d’Orient, et les chrétiens en général.

Pour qu’Aleteia poursuive sa mission, faites un don déductible à 66% de votre impôt sur le revenu. Ainsi l’avenir d’Aleteia deviendra aussi la vôtre.


Je donne en 3 clics

*don déductible de l’impôt sur le revenu

Le 10 juin 2014, la ville de Mossoul tombait aux mains de l’organisation État islamique en Irak et au Levant (EIIL). Une catastrophe politique, historique et humanitaire.

Les plus durement et particulièrement  touchés auront été les chrétiens de la région. Un article poignant paru dans The Telegraph titrait  alors "Les chrétiens d’Irak, cernés de toutes parts, livrent une ultime bataille sur le front de Mossoul". Les médias ont abondamment relaté les faits, mais ce qu’ils n’ont pas rapporté, c’est l’importance cruciale de Mossoul dans l’histoire de toute la chrétienté depuis plus de deux millénaires. Même si la destruction de la chrétienne Mossoul se profilait à l’horizon depuis des années, c’est toujours l’état de choc qui suit l’annonce de la fin. Le mieux pour décrire ses implications serait d’imaginer l’anéantissement d’un grand centre européen de la foi, comme Assise ou Cologne.

18 siècles de présence chrétienne ininterrompue

Il fut un temps où Mossoul était au centre d’un paysage qui n’était pas moins imprégné du Christ. Mossoul elle-même était un centre assyrien fort ancien, qui continua à prospérer  durant tout le Moyen Âge.  Déjà au IIe siècle de notre ère, la ville comptait une présence chrétienne. Et elle constituait une base vitale pour l’Église d’Orient, dite nestorienne, qui y fera son siège épiscopal. Sans oublier les Monophysites, l’actuelle Église orthodoxe syrienne. Ces Églises utilisaient le syriaque, une langue proche de celle des apôtres.

Mossoul s’élevait au centre d’un réseau de monastères, dont certains comptaient parmi les premiers et les plus influents dans l’ensemble du mouvement monastique. À une quarantaine de kilomètres de la ville, on trouve ainsi Saint-Élie et Mar Mattai (Saint-Matthieu) datant du IVe siècle, Rabban Hormizd et Beth Abhé du VIe ou VIIe siècle, et bien d’autres encore : Mar (Saint) Bihnam, Mar Gewargis (Saint-Georges), Mar Mikhael (Saint-Michel). Comme dans l’Europe occidentale, ces monastères et ermitages étaient essentiels à la vaste tradition de foi et d’enseignement chrétiens, et n’avaient rien à envier à des monastères aussi célèbres que ceux du Mont-Cassin ou d’Iona. À son apogée, Mar Mattai était l’un des plus grands monastères du monde chrétien, avec ses milliers de moines.  

Le témoignage d’un monde perdu

Nous avons un témoignage précieux de ce monde perdu dans les écrits de Thomas de Marga, notamment le Livre des supérieurs (de monastère) qui dépeint la vie de moines syriaques et de saints. Thomas mentionne des douzaines de petits monastères et abbayes dans la région de Mossoul que, pour la plupart, on ne peut plus localiser. Les vestiges d’un grand nombre survivent, probablement, sous les mosquées de villages irakiens. Le Nord de l’Irak, jadis, était au moins aussi densément pourvu de monastères et d’ermitages que l’Irlande.  

L’Église d’Orient n’a jamais bénéficié d’une étroite alliance avec un pouvoir séculier ami. Depuis le IIIe siècle, la région de Mossoul est gouvernée par la Perse, tandis que les combattants musulmans ont pris le pouvoir sur la région au VIIe siècle.  Cependant, durant des siècles, ces monastères vont poursuivre leur chemin bien tracé. Dans les histoires de l’imposant XIIIe siècle de Gregory Bar Hebraeus, la région de Mossoul  se distingue encore comme l’un des centres de l’univers chrétien (Gregory lui-même a été enterré à Mar Mattai). Lorsque des émissaires chrétiens venus de la Chine mongole ont  parcouru le Moyen-Orient vers 1280, visitant les principaux centres de la foi, Mossoul était tout naturellement le clou de leur voyage.  

Les ravages de l’invasion mongole

Après le XIIIe siècle, Mossoul connaît des temps difficiles et sera dévastée dans les guerres mongoles. Même alors, la vie chrétienne a persisté dans les monastères et ermitages environnants. Nous en avons une idée grâce aux précieux manuscrits d’anciens d’écrits de chrétiens syriaques comme La Caverne des trésors, conservé aujourd’hui au British Museum. Il a été copié en 1709 par le prêtre érudit Homô, fils du prêtre Daniel qui vécut à Alqosh, près de Mossoul. Sans le travail dévoué de spécialistes comme Homô, notre connaissance de l’ancien christianisme oriental serait beaucoup plus pauvre.  

Mossoul, résidence de Tareq Aziz

Mais la chute de la Mossoul chrétienne est une affaire moderne. Au début du XXe siècle, l’épouvantable état de l’ordre public dans le Nord de la Mésopotamie avait fortement réduit la population chrétienne, tandis que les raids kurdes et les attaques incessantes de bandits frappaient les monastères et dévastaient leurs bibliothèques. La Première Guerre mondiale viendra donner un coup presque mortel, lorsque les Turcs ottomans infligent aux chrétiens locaux la même tentative de génocide que celle dirigée contre les Arméniens. Dans les années 1920, l’Église d’Orient autrefois transcontinentale, l’Église assyrienne, a été réduite à environ 40 000 survivants, dans la région de Mossoul.

Même alors, la communauté assyrienne a rebondi, coexistant avec d’autres communautés chrétiennes, avec les Chaldéens catholiques, avec les orthodoxes syriens, et avec les Arabes orthodoxes. Les chrétiens espéraient, en effet, bénéficier de la laïcité d’État promise par le régime baasiste de Saddam Hussein. Mossoul était la résidence du célèbre ministre des Affaires étrangères de Saddam Hussein, qui a changé son nom chrétien Michael Yohanna pour celui  à consonance plus musulmane : Tareq Aziz.  

Mais en vain. La violence islamiste déferlé après l’invasion américaine de 2003, et l’occupation par Daesh pourrait bien s’avérer la dernière. Atrocement, pour qui connaît l’histoire de la région. C’est en quelque sorte la fin du monde, pour toutes celles et tous ceux qui se sentent concernés par l’histoire des chrétiens, d’Orient et du monde entier.

Adaptation de l’anglais par Élisabeth de Lavigne

Vous avez aimé cet article et souhaitez en savoir plus ?

Recevez Aleteia chaque jour dans votre boite e−mail, c’est gratuit !

Aleteia vit grâce à vos dons

Permettez-nous de poursuivre notre mission de partage chrétien de l'information et de belles histoires en nous soutenant. 

Profitez de cette fin d'année pour bénéficier d'une déduction de 66% du montant de votre don sur l'impôt sur le revenu en 2024.

Newsletter
Vous avez aimé cet article et souhaitez en savoir plus ?

Recevez Aleteia chaque jour dans votre boite e−mail, c’est gratuit !