L’Islande et la Grèce étudient chacune à leur manière comment résoudre la question de leur dette nationale. Deux modèles qui pourraient bien inspirer la finance de demain… et remettre en cause l’euro.
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L’Islande et la Grèce s’apprêtent-elles à amorcer une révolution monétaire ? La première est sortie de la crise et n’appartient pas à la zone euro. La seconde en fait partie et n’est pas totalement sortie d’affaire. Deux États dans une situation, en apparence, incomparable. Et pourtant, chacun d’eux étudie la même question : reprendre aux Banques centrales la prérogative régalienne de battre monnaie.
L’Islande, qui avait fait le choix du « tout financier », était jusqu’en 2008 l’un des pays les plus prospères du monde. Mais la crise a forcé l’île à changé de paradigme. En 2010, la très silencieuse
« révolution des casseroles » bouleverse la donne : les Islandais refusent catégoriquement de payer les dettes de leurs banques. Depuis le pays a même dépassé son niveau d’avant-crise : les dettes sont en partie effacées, le tourisme est en plein essor et son chômage ne dépasse pas les 3%. Pour certains économistes dont le prix Nobel d’économie Paul Krugman, c’est en restant à l’écart de l’euro, que l’Islande a réussi à sortir de la crise. Grâce notamment au contrôle de sa monnaie, qui aurait été impossible avec la monnaie unique, l’île a pu dévaluer sa couronne et relancer ses exportations.
Confier la création monétaire au parlement
Aujourd’hui, le gouvernement islandais veut encore aller plus loin : à la demande du Premier ministre, un parlementaire du Parti du progrès (centriste, au pouvoir), Frosti Sugurjonsson, a remis un rapport proposant de confier la création d’argent à la Banque centrale puis au parlement. En Islande, comme dans toutes les économies de marché modernes, la création de monnaie n’est possible que par l’intermédiaire des banques privées qui accordent ou non un crédit, et génère une dette ainsi que les intérêts qui l’accompagnent. La Banque centrale d’un État, ne peut que tenter de l’influencer par ses outils de politique monétaire.
Cette proposition, si elle était appliquée, mettrait un terme à ce système. Selon le rapport de Frosti Sugujonsson, désormais « le parlement débattrait sur la proposition du gouvernement concernant la répartition de la monnaie nouvellement créée ». L’État islandais déposséderait les banques privées d’un énorme pouvoir, un changement radical dans l’histoire de la finance moderne.
La Grèce misera-t-elle sur le bitcoin ?
Déposséder les banques de leur pouvoir et reprendre le contrôle de sa monnaie : un vrai casse-tête pour les pays membres de l’Union européenne. En effet, cette prérogative, pourtant régalienne, leur a été confisquée par l’article 123 du traité de Lisbonne : « Il est interdit à la Banque centrale européenne et aux Banques centrales des États membres d’accorder des découverts ou tout autre type de crédits aux institutions, organes ou organismes de l’Union ».
La Grèce tente malgré tout de faire avec les moyens mis à sa disposition. Il y a un an, le ministre grec des Finances, Yánis Varoufákis, proposait sur son blog de créer une devise numérique parallèle à l’euro, en utilisant la sécurité et la transparence numérique de bitcoin. Une idée qui pourrait permettre à la Grèce de retarder le défaut de paiement qui guette le pays en raison de sa forte dette, selon le journaliste économique Paul Mason. En effet, la Grèce récupérerait une partie de sa souveraineté monétaire et pourrait mener une politique de relance en créant de la monnaie. Mais cette solution semble bien moins audacieuse que le modèle islandais. Car pour Wences Casares, PDG de Xapo (start-up qui propose des portefeuilles de bitcoins sécurisés), il faut à un État une monnaie inflationniste, alors que le bitcoin, en nombre limité, est intrinsèquement déflationniste.
La monnaie virtuelle ne semble donc pas être l’outil qui permettra à un pays comme la Grèce de reprendre le contrôle de sa monnaie tout en restant dans l’Union européenne. L’Islande serait-elle la seule capable de donner une leçon de souveraineté monétaire à ses voisins occidentaux ?