Le Rapport mondial de Human Rights Watch dénonce le musellement croissant des voix critiques et le durcissement d’une répression tous azimuts sous la présidence de Xi Jinping.
Étrange tout de même, cette indulgence des dirigeants occidentaux pour la dictature rouge chinoise. Les Français, notamment, si prompts à faire la leçon à Poutine, multiplient égards et courbettes envers Xi Jinping. Serait-ce que l’argent n’a pas d’odeur, même pour des dirigeants socialistes ? La perspective de juteux contrats blanchirait-elle le président chinois aux yeux des représentants du « pays des droits de l’homme », si empressé à faire la morale au monde entier ?
« La campagne la plus dure de ces dix dernières années »
On leur conseille la lecture du Rapport mondial 2015 de Human Rights Watch rendu public à New York le 29 janvier. « Sous le président Xi Jinping, le gouvernement et le Parti communiste chinois ont lancé la campagne d’enquêtes, de détentions et de condamnations à caractère politique la plus dure de ces dix dernières années, marquant un virage radical vers une intolérance à l’égard des voix critiques », lit-on dans ce volumineux rapport sur la situation des droits de l’homme dans plus de 90 pays (la version anglaise comprend 656 pages et la version abrégée en français 186 pages).
De bonnes vieilles méthodes communistes
On peut douter qu’il s’agisse d’un « virage radical » tant ces bonnes vieilles méthodes sont inscrites dans les gènes communistes : pour prendre le pouvoir puis le conserver, tous les moyens sont bons, y compris un zeste de douceur et de persuasion le peu de temps que celles-ci restent payantes. Puis retour à la norme : la pure et dure dictature du prolétariat (celle d’un cercle plus ou moins large de prédateurs qui ne reculent devant rien pour garder le pouvoir). C’est ce qui se passe sous l’ère Xi Jinping : « La répression des voix critiques est la pire depuis dix ans et il semble qu’elle ne soit pas prête de s’arrêter », a commenté Sophie Richardson, directrice pour la Chine à Human Rights Watch.
Arrestations massives et parodies de procès
L’année 2014 aura été marquée par un contrôle encore plus étroit des médias, des internautes, des journalistes, des universitaires ; par des arrestations massives de militants des droits de l’homme et d’avocats (telle l’avocate et militante chinoise des droits humains Cao Shunli, décédée le 14 mars 2014 à l’âge de 52 ans, après plusieurs mois de détention et de privation des soins médicaux) ; par des parodies de procès avec des aveux mis en scène et diffusés à la télévision ; par des arrestations de dizaines de milliers de fonctionnaires ou membres du Parti souvent incarcérés dans le cadre du système de détention extrajudiciaire du Parti, le shuanggui.
Des militants connus ont été réduits au silence, tel Pu Zhiqiang, l’un des plus célèbres avocats du pays, arrêté en juin dernier pour « troubles à l’ordre public » ou l’économiste ouïghour Ilham Tohti condamné à la prison à vie sur la base d’accusations fallacieuses. Quant à Liu Xia, l’épouse du lauréat du prix Nobel de la paix emprisonné Liu Xiaobo, elle est illégalement assignée à résidence.
La contestation assimilée au terrorisme
Sur le plan juridique, le pouvoir s’emploie à renforcer davantage encore l’appareil de sécurité de l’État pourtant déjà tout puissant. Un projet de loi antiterroriste assimile la contestation pacifique au terrorisme (notamment à l’encontre les Tibétains et les Ouighours, au Xinjiang Aleteia) et durcit le contrôle exercé sur les associations de la société civile. Ce même verrouillage affecte les communautés chrétiennes, et tout particulièrement l’Église catholique dont Pékin entend nommer les évêques pour qu’ils dépendent du Parti et non de Rome (Aleteia). On a également assisté à la répression et à l’étouffement du mouvement démocratique « Occupy Central » (appelé aussi « la révolution des parapluies ») à Hong-Kong, en violation de la constitution de ce territoire (
Aleteia). Non seulement Pékin a interdit à nombre d’étudiants de Hong-Kong de se rendre en Chine continentale, mais il a fait arrêter des Chinois qui avaient manifesté leur solidarité avec leurs compatriotes de Hong-Kong via Internet.
L’étonnante mansuétude internationale
Dans un tel contexte, Human Rights Watch manifeste son étonnement devant la grande mansuétude dont bénéficie le pouvoir de Pékin sur la scène internationale. Y compris celle du Secrétaire général des Nations Unies, Ban Ki-moon, qui a loué le gouvernement chinois pour « sa contribution à la promotion des… droits humains ». Sans rire… même jaune.