La morale laïque dont Najat Vallaud-Belkacem annonce l’enseignement à l’école aura le même effet que des antibiotiques (« c’est pas automatique ») contre la grippe ou le sida. Nul sur les virus, mauvais pour l’organisme.
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La ministre de l’Éducation nationale a proclamé 2015, année de « l’enseignement moral et laïc ». Au lendemain des attentats qui ont ensanglanté Paris, Najat Vallaud-Belkacem veut unir tous les jeunes Français et leurs professeurs dans un même effort pour renouer avec « la morale laïque et républicaine » : « Nous sommes très attachés à promouvoir la laïcité dans ce qu’on apprend aux enfants à l’école », a expliqué la ministre en annonçant que tous les élèves, à partir du primaire, suivront cet enseignement « moral et laïc » tout au long de leur parcours scolaire. Il s’agit d’« accompagner les élèves pour qu’ils se forgent un jugement citoyen, un jugement libre et éclairé, pour lutter contre le racisme, promouvoir la coexistence, le vivre ensemble », a-t-elle précisé (Metronews).
La morale réhabilitée par ceux qui la jetaient aux orties
Beaucoup auront été surpris de voir réhabilitée par des héritiers de mai 68 cette vieille notion de « morale » qui semblait frappée d’interdit jusque-là. Il n’y a pas si longtemps, prononcer ce mot vous faisait suspecter d’être « un croisé de l’ordre moral ». On préférait parler d’« éthique » (le sens est rigoureusement le même, mais l’origine grecque du second mot le rend savant et indolore, moins « moralisateur », en somme, que le premier, d’origine latine).
Une morale, c’est, au sens premier du terme, une manière habituelle d’agir. C’est d’ailleurs à cela que l’on reconnaît si vous en avez ou pas : si vous avez l’habitude de mentir ou de voler, c’est que vous manquez manifestement de sens moral. À l’école, si Kevin, Charlie (le prénom commence à faire fureur) ou Mohamed vole ses camarades, tire les cheveux des filles ou envoie son poing dans la figure de celui qui le regarde de travers (ou ose seulement lever les yeux sur lui), c’est sans doute qu’il a un problème avec la morale. Beaucoup de professeurs vous diront qu’ils passent plus de temps à obtenir le silence et la paix dans leur classe qu’à enseigner. D’autres ne vous diront rien, parce qu’il y a longtemps qu’ils ont renoncé à lutter contre la jungle dans laquelle ils ont été jetés. Eux aussi sont exposés aux coups de pieds, aux coups de poings, ou aux coups de couteaux…
« Qu’un sang impur abreuve nos sillons ! »
Les voilà donc mobilisés par leur ministre pour que ça change. Par exemple, les élèves se lèveront comme un seul homme (filles incluses, bien sûr, encore une expression à réformer…) quand leur professeur(e) entrera dans la classe. Et puis, on chantera La Marseillaise : « Qu’un sang impur abreuve nos sillons ! » (les paroles n’ayant pas subi d’aggiornamento depuis 1792, m’est avis qu’un peu d’exégèse va s’imposer…). Après ce chant guerrier, on leur enseignera la tolérance. L’actualité fournira aux professeurs des exemples d’intolérance, à commencer par celle qui a frappé et frappe encore la France (et beaucoup de chrétiens de par le monde qui n’en peuvent mais) à travers le journal Charlie Hebdo, ce modèle de tolérance et d’ouverture au dialogue serein.
« Arracher l’élève à tous les déterminismes »
Vaste programme ! Mais tout cela ne nous dit pas en quoi cette morale serait « laïque et républicaine ». Serait-elle purement française comme la baguette et le camembert ? Inaccessible même à nos voisins européens qui ont le malheur de vivre en monarchie ? Ne pourrait-on pas se contenter de la bonne vieille morale humaine, au moins pour commencer ? Poser des questions aussi naïves, c’est montrer qu’on n’a rien compris à la laïcité. Il faut donc revenir aux explications qu’en donnait Vincent Peillon, le prédécesseur et inspirateur de Najat Vallaud-Belkacem. C’est lui qui a concocté ce programme. Il l’avait très clairement exposé au
JDD en septembre 2012 : « Le but de la morale laïque est de permettre à chaque élève de s’émanciper, car le point de départ de la laïcité c’est le respect absolu de la liberté de conscience. Pour donner la liberté du choix, il faut être capable d’arracher l’élève à tous les déterminismes, familial, ethnique, social, intellectuel, pour après faire un choix ». Et s’il prenait envie à l’élève de « s’arracher au déterminisme » de l’Éducation nationale ? Ça s’annonce compliqué…
Le laïcisme agresse tout le corps social
La laïcité à la française, c’est le laïcisme : une sorte d’antibiotique contre tout ce qui relie l’homme à ses racines spirituelles et charnelles. « L’école laïque a choisi de s’exonérer des lois que Dieu avait imposé aux hommes », écrit avec lyrisme le linguiste Alain Bentolila (Le Nouvel Obs). Or on en a mis une telle dose contre « la religion » que, sur elle, ça n’a plus d’effet du tout si ça en a jamais eu : à moins d’en venir à l’extermination, toute persécution « bête et méchante » renforce la communauté persécutée. Mais en même temps, l’ensemble du corps social subit cette stérilisation massive de la vie morale et spirituelle, à commencer par la première cible : les jeunes. Le seul résultat est de détraquer l’organisme tout entier, le privant de ses défenses immunitaires. Les virus extrémistes y pénètrent sans coup férir pour y prospérer.
On suggère donc respectueusement à Madame Najat Vallaud-Belkacem qui déplore à juste titre la « perte de repères » chez les jeunes, de remiser cet arsenal d’un autre âge (le maître à penser de Vincent Peillon, c’est Ferdinand Buisson, 1841-1932) pour en venir – enfin – aux valeurs sûres : les rudiments de la politesse, le b.a.-ba de la morale, la discipline basique, l’apprentissage de la lecture, de l’écriture, du calcul. Et, dans la mesure, du moins, où leur sécurité serait assurée, ce qui est loin d’être garanti, qu’on fiche la paix aux filles qui viendraient à l’école avec un fichu sur la tête comme aux élèves qui arboreraient une croix ou une kippa. Ce serait un bel apprentissage du « vivre ensemble » et un exemple de… tolérance de la part de l’École républicaine qui prétend l’enseigner.