Jacques Toubon, Défenseur des droits, juge que l’interdiction de détenir une banderole et d’arborer un logo « n’est pas admissible ». Et demande au ministre de l’Intérieur de s’expliquer.
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Il y a longtemps que ceux qui participent aux Manif pour tous constatent des anomalies (usons d’un euphémisme) dans le comportement des forces de l’ordre chargées d’assurer leur sécurité (Aleteia). Mais leurs plaintes étaient systématiquement classées sans suite, comme celle de cette femme qui s’était vu imposer un contrôle d’identité et confisquer un fanion de la Manif pour tous alors qu’il était rangé dans une poussette où se trouvait son bébé, aux abords des Champs-Elysées, lors du défilé militaire du 14 juillet 2013. Mais son recours au Défenseur des droits n’aura finalement pas été vain : dans une lettre adressée le 24 décembre au ministre de l’Intérieur, Jacques Toubon, demande à Bernard Cazeneuve de s’expliquer, et attend de « connaître les suites… dans un délai de deux mois » à ses recommandations (Le Figaro).
Tian’anmen ou les Champs-Élysées ?
C’est bien la liberté d’expression qui est en cause, comme le clame depuis le début de son action la Manif pour tous. Dans sa lettre au ministre de l’Intérieur, le Défenseur des droits dénonce en effet une note de la Direction de l’ordre public et de la circulation (DOPC) de la Préfecture de police de Paris dans laquelle figurent parmi les objets interdits aux abords du défilé du 14 juillet 2013, « les banderoles, affiches et tout autre support portant une revendication ». On croirait des consignes destinées aux policiers postés à Pékin aux abords de la place Tian’anmen, plutôt qu’à ceux qui surveillent les Champs-Élysées…
« La liberté d’expression est de rang constitutionnel »
Inadmissible, écrit Jacques Toubon : le Défenseur des droits « ne remet absolument pas en cause la nécessité impérative pour les forces de l’ordre de prélever tout objet dangereux » mais affirme que « l’interdiction générale faite au public de détenir tout autre support portant une revendication qui ne représente pas une menace avérée et sérieuse pour la sécurité du public n’est pas admissible ». Il n’était donc « pas opportun » de confisquer ce fanion à la plaignante, ni « pleinement justifié » de lui faire subir un contrôle d’identité.
En France, souligne le Défenseur des droits, « la liberté d’expression est de rang constitutionnel » ; il rappelle que l’article 10 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen précise que « nul ne doit être inquiété pour ses opinions, mêmes religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble par l’ordre public établie par la loi »... « L’interdiction de détenir des banderoles » et la consigne donnée aux forces de l’ordre de « détecter et évincer toute personne paraissant suspecte ou semblant ne pas jouir de toutes ses facultés mentales » ne sont « pas conformes au droit ». Il recommande donc au ministère de l’Intérieur de « faire supprimer » ces mesures et de « clarifier les modalités de la fouille des sacs ».
« Une avancée pour la démocratie »
Tout en regrettant par la voix de son avocat qu’il ait « fallu dix-huit mois au Défenseur des droits pour constater que cette répression disproportionnée résultait bien de consignes générales illégales », la Manif pour tous se réjouit d’une « décision très importante, qui va évidemment créer une forme de jurisprudence ». Dans un communiqué, Ludovine de la Rochère, présidente de la Manif pour tous, estime que « cette décision du Défenseur des droits est une avancée pour la démocratie : elle fait avancer le respect des libertés fondamentales, enjeu essentiel que le mouvement a été amené à défendre très vite après sa fondation compte-tenu des difficultés qu’il a rencontrées dans ce domaine. En effet, le pouvoir refusait tellement le débat qu’il a tenté par tous les moyens de nous faire taire : en empêchant les militants de porter leurs vêtements et fanions affichant notre logo, mais aussi en minimisant de manière grotesque l’importance évidente de nos manifestations ou encore en cherchant à nous décrédibiliser par des amalgames répétés ».