Gaëtan Boucharlat de Chazotte, secrétaire général des Œuvres pontificales missionnaires en France, partage sa rencontre avec les chrétiens réfugiés à Erbil, pèlerin aux côtés du cardinal Philippe Barbarin.
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Pourquoi les Oeuvres pontificales missionnaires (OPM) ont-elles participé à la fête des lumières à Erbil ?
Gaëtan Boucharlat de Chazotte : L’histoire des Oeuvres pontificales missionnaires avec les chrétiens d’Irak a commencé cet été. Suite à la tribune du cardinal Barbarin en faveur des chrétiens d’Irak parue dans le Figaro le 26 juin 2014, nous avons lancé un appel aux dons et avons récolté 650 000 euros, grâce à 800 donateurs. Ces 800 000 dollars ont été confiés au nonce apostolique de Bagdad. Ils servent à assurer les premières aides aux réfugiés, notamment en permettant la construction d’algécos pour les familles et participer ainsi à mettre à l’abri les réfugiés. Notre aide s’oriente maintenant en faveur des enfants, afin de créer des écoles. Il y a de très nombreux enfants dans les camps de réfugiés.
Quelles images retenez-vous de cette rencontre avec les chrétiens réfugiés d’Irak ?
G. B. de C. : Les images que je garde de la visite des camps sont très fortes. Comme ce petit garçon qui mettait le maximum de petites bougies que nous apportions pour la procession du soir dans son pantalon : j’ai ensuite compris que, quand l’électricité est coupée et que l’on vit dans une pièce sans fenêtre, il fallait s’éclairer ! Ou de cette petite fille qui entr’ouvrait la porte de ce qui était devenu leur intimité, passait la tête, prenait quelques objets que je lui donnais et refermait la porte. Et ces adultes qui n’ont plus rien et nous prennent des mains ce que l’on apporte aux enfants. Mes gestes m’ont paru parfois dérisoires tant leur détresse est grande. Je suis un peu parti à Erbil avec des pieds de plombs, qu’allait-on faire dans ce pays en guerre ? La situation est très complexe : les chrétiens persécutés par Daesh sont aujourd’hui réfugiés, dans un univers musulman. Les Kurdes sont musulmans et ont été dans l’histoire des persécuteurs. Pourtant les Kurdes se présentent comme des musulmans modérés ; pour ce que nous avons vu d’Erbil, il y avait peu de femmes voilées.
Comment se portent les réfugiés d’Ankawa ?
G. B. de C. : Nous avons rencontré une grande détresse chez ces réfugiés. Avant l’arrivée de Daesh, ils avaient une vie normale. Ils avaient une maison, un cheptel. Ils étaient pharmaciens, entrepreneurs, professeurs. Et ils se sont retrouvés soudainement dehors, sans rien, en ayant du mal à envisager un quelconque retour, à construire un avenir. J’ai pris conscience qu’il était important que venions sur place, que nous allions à leur rencontre, que nous prions avec eux. Il faut qu’ils sachent qu’on ne les abandonne pas. Il faut aussi que l’on puisse témoigner de leur détresse afin que les autorités internationales décident de leur venir en aide.
Que pouvons nous faire, concrètement, ici, en France ?
G. B. de C. : Ils ont besoin du soutien de notre prière. Ils savent qu’on ne les abandonne pas à leur sort. Sur place, nous avons vécu des moments d’espérance, et cela était assez beau. Le chapelet, l’offrande de la statue de Notre-Dame de Fourvière à Erbil pour être un jour dans la cathédrale de Mossoul… Ce sont des signes d’espérance. L’espérance que, portés dans la prière par Marie, les chrétiens retourneront à Mossoul. Le déplacement de ces populations vers l’Europe n’est pas une réponse à cette détresse. Ils sont issus d’une autre culture et il est probable qu’en Europe, ils vivraient un véritable déracinement : vivre du RSA n’est pas une solution qui apporte de l’espérance. Le déplacement est une solution extrême et pourrait se révéler une bêtise culturelle et géopolitique. Les chrétiens sont là depuis toujours, représentent souvent une élite, ils font partie de la matrice de la Mésopotamie. Les autorités kurdes le savent. Il existe une volonté partagée par le patriarche Sako et les autorités kurdes pour que les chrétiens restent. Nous avons rencontré le gouverneur du Kurdistan : les Kurdes souhaitaient que nous venions. Ils ont besoin que le monde prenne conscience du drame qui se joue à Erbil, de la complexité de cette situation et surtout de la détresse des réfugiés chrétiens et yézidis. Quelle ville peut accueillir du jour au lendemain 50 000 réfugiés et leur offrir tout le nécessaire ? Bien sûr, ne soyons pas naïfs : les Kurdes ont aussi leur carte géopolitique à jouer. Ils souhaitent un État et ont besoin de nous pour que nous lancions ce message au monde : « Nous, les Kurdes, nous sommes seuls face à cette situation dramatique, nous faisons beaucoup mais nous n’y arriverons pas tout seuls. Nous avons besoin que la communauté internationale se mobilise ».