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Émile : « L’expression “artiste chrétien” ne devrait pas exister »

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Mathilde Rambaud - publié le 16/12/14
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À l’occasion de la sortie de son nouvel album, intitulé Émile, le chanteur de 34 ans se confie sur sa musique, sa foi et sa vision du monde actuel.

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Dans quel contexte avez-vous composé cet album ? 
Émile : Je l’ai principalement écrit dans un moment difficile. Je sortais d’une rupture amoureuse qui m’a fait prendre conscience que je devais me débarrasser de mes masques. Pour la première fois, je ne me sentais pas obligé de faire un album pour les autres mais pour moi-même. J’ai alors décidé de « subir mon inspiration ». C’est un terme très fort : il s’agit de lâcher prise, se laisser vivre. Un vrai artiste doit accepter de puiser l’inspiration plus profondément et pas seulement en surface « épidermique ». 

Où puisez-vous votre inspiration ?
Mes chansons sont intimes, mon inspiration vient de l’intérieur. J’exprime des souffrances face à ce que je n’arrive pas à réaliser. En ce sens, cela reste très spirituel. L’inspiration s’impose à elle-même, et à l’artiste – si tant est qu’il y accorde un peu d’attention.

Certaines chansons étaient déjà proposées à l’écoute depuis quelques semaines. Quels retours avez-vous de ces premiers auditeurs ? 
C’est un buzz de qualité. Je n’ai pas déclenché 100 000 vues sur mes clips, mais en revanche énormément de commentaires. Les auditeurs ne sont jamais insensibles à ce qu’ils entendent, à l’image de l’album : dense, pas forcément commercial, avec des chansons qui restent dans la tête. Il y a une vraie intimité dans cet album.

Dans « Ground keeper », vous abordez la relation de l’homme à la terre. Quel regard portez-vous sur la manière dont l’humanité interagit avec le monde qui l’entoure ?
Cette chanson est l’histoire d’un homme qui part en exil, ne sachant plus où il se trouve et qui a besoin de retrouver ses racines. Je suis partie sur un registre road-blues, qui rappelle l’univers de Baschung. J’ai beau être Parisien et vivre dans le béton, je suis originaire de la campagne où j’ai passé toute mon enfance. Je me rends bien compte que les citadins possèdent le pouvoir alors que près de 70% de la population mondiale est paysanne. Il me semble qu’il y a un oubli d’une réalité simple. C’est cette partie du monde qui nourrit les citadins. La nourriture est tellement transformée par les industriels de l’agro-alimentaire, que nous oublions même que derrière il y a du blé ou des tomates…

Quel message y a-t-il dans ce texte ?
J’ai écrit cette chanson dans un aéroport à New York, en revenant des JMJ de Rio. Nous avions eu le sentiment que le monde était un village, l’Église universelle, une communauté internationale peuplée de frères. Je trouvais cela très beau mais, en même temps, je me réalisais que ce monde est gouverné par des personnes très haut-placées qui veulent en faire un village et déraciner les gens pour mieux les contrôler. Le sol est aussi le lieu de la mémoire, de l’histoire, où nous prenons conscience que nous recevons la vie. L’alliance se fait entre Dieu et l’homme, l’homme et sa femme, la terre et l’homme. Un respect naturel doit s’instaurer. Je ne veux pas tomber dans le cliché « écolo », c’est plus profond que cela. Je défends une « mystique du sol ». 

Avec « Devise sur la crise », vous attaquez durement le monde de la finance. Trouvez-vous que l‘homme est à ce point oublié des financiers ?
Je regrette que l’argent ne symbolise plus rien, qu’il ne soit plus associé à des biens, à des valeurs. Le système financier se nourrit de la consommation. Cette dernière est une bonne chose, mais la surconsommation non. Il y aurait une question à se poser là-dessus. Ce qui me préoccupe c’est que l’on fait croire aux gens que l’on peut encore tout avoir, alors que tout est généré par des emprunts et une bulle spéculative. Je suis certain que ce système va s’écrouler, ce qui est finalement une bonne chose car cela va nous réveiller. L’argent doit servir l’homme et non pas une petite élite. Et le pire est que cet argent est utilisé pour prendre des décisions contraires à ce dont l’homme a besoin, et cela me gêne. 

Vos propos rappellent ceux du pape François… 
Complètement ! C’est aussi l’histoire qui nous amène à réaliser cela. Je le déplore, mais peut-être que le temps des catholiques sociaux est revenu. Je ne suis ni de gauche, ni de droite, je pense que nous sommes prisonniers entre la liberté d’entreprendre – qui est complètement annihilée en France – et le fait que l’on nous fasse croire que nous sommes libres alors que l’on nous fait seulement consommer sans pour autant créer de vraies richesses. Nous faisons face à un réel décalage, nous ne touchons plus le sol.

Vous soutenez dans « La leçon de Saul » l’importance de vivre l’instant présent. Trouvez-vous que l’homme moderne passe à côté de sa vie ?
C’est vraiment une leçon que je m’adresse à moi. C’est presqu’une sorte de prière quand je dis : « Ris avec ceux qui rient et pleure avec ceux qui pleurent ». Nous ne sommes pas présent à l’instant présent et avons toujours mille choses en tête. Nous n’avons pas cette liberté totale de l’homme qui sait abandonner quelque chose en un mouvement pour accomplir ce que l’instant lui demande.

Vous faites de nombreuses références à des thèmes chrétiens, avec des expressions provenant de la Bible. Comment vivez-vous votre foi dans le monde dans lequel vous évoluez ?
Je pense que la foi s’incarne dans le réel et dans nos cœurs. Je n’ai pas d’un seul coup ma casquette de chrétien parce que je prends une guitare pour la ranger ensuite au vestiaire. C’est plus profond. Les artistes chrétiens… Cette expression ne devrait pas exister ! Un artiste est un artiste. Et d’ailleurs, à mon sens, tout artiste est chrétien, car tout artiste recherche la vérité. Un chrétien est quelqu’un qui se met à l’école de la vérité et qui la cherche. 

Vous ne voulez pas de cette casquette ?
Non, pas du tout ! Déjà le catalogue n’est pas énorme… Un bon artiste est quelqu’un qui réussit à réconcilier tout le monde. À partir du moment où je reste au sein d’une communauté, la résonance de ce que je vis est tout de même assez faible. Pourquoi des artistes de toute confession se réclament de Brassens ou Nougaro ? Ce qui est intéressant chez ces chanteurs est leur côté universel. Et plusieurs ont une tension vers la vérité tellement forte qu’elle dépasse celle de nombreux chrétiens. M’afficher comme chrétien ne m’intéresse pas. J’essaie de rejoindre tant bien que mal l’assemblée des hommes qui cherchent la vérité avec sincérité. Sinon mon travail n’a aucun poids. À t
ravers cet album, je veux aussi combattre mes préjugés. Nous sommes tous des hommes qui mettons nos maladresses en commun pour créer une solidarité. Ensuite seulement nous pouvons discuter. Si c’est « Les bien portants parlent aux malades », rien ne marchera. Je ne critique pas du tout les artistes chrétiens qui font de la louange, mais pour moi c’est plus de la « para-liturgie » que de l’art. 

Propos recueillis par Mathilde Rambaud

Retrouvez Émile sur son site : www.emile-lesite.com.
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