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D’aussi loin que je me souvienne, les saints m’ont toujours attiré. Une telle affirmation peut paraître incongrue dans nos sociétés post-modernes et laïques, même si certains saints demeurent toujours très populaires. Je vois plusieurs explications à cet attrait des saints dans ma vie : un besoin de modèles et de dépassement, un goût pour la poésie et le merveilleux, un désir de Dieu et de prière, un amour du Christ et de l’Église, une soif d’aimer et d’être aimé. Il y a peut-être d’autres raisons, mais est-ce si important de les connaître ? La sainteté restera toujours un appel mystérieux dans nos existences.
À la suite de Thérèse de Lisieux, le concile Vatican II a mis la sainteté à l’honneur en affirmant que « tous sont appelés à la sainteté ». Cet appel a trouvé écho dans le cœur de plusieurs baptisés à travers le monde. Que faisons-nous aujourd’hui de cette invitation de l’Église? Croyons-nous à la vocation universelle à la sainteté, à l’accueil joyeux de l’amour de Dieu dans nos vies?
Ne confondons pas sainteté et canonisation. Lorsque nous regardons de quoi nos journées sont faites, personne ne pense être canonisé. Il ne s’agit pas de vouloir « monter sur les autels » à coup de volonté et de pénitences, mais de descendre dans notre humanité et de se laisser envahir par l’amour du Christ pour qu’il sanctifie tout ce que nous faisons.
La sainteté, une expérience de la miséricorde
Tous appelés à la sainteté, parce que tous appelés à la miséricorde. Certes, il y a ceux et celles qui sont officiellement reconnus par l’Église et qui servent de modèles dans notre cheminement de foi. Nous portons leurs noms, nos églises aussi. Nous nous tournons spontanément vers eux pour les prier. Nous célébrons en eux la victoire du Christ ressuscité. Il est bon de les fréquenter, en lisant ce qu’ils ont écrit, ou ce que d’autres ont pu écrire sur eux. Nous saurons alors que saint Bernard n’est pas seulement un chien, saint Émilion un bordeaux rouge corsé, saint Honoré un gâteau garni de crème Chantilly, et saint Benoît, saint Marcellin, saint Paulin des fromages. Pour les noms de villes et de villages, de rues et de stations de métro, il faudra repasser tant la liste est longue.
Les saints ne sont pas des héros qui survolent l’humanité, ni des stars qui brillent plus qu’ils n’éclairent, mais des hommes et des femmes comme nous qui nous aident à entrer dans cette ardente amitié qu’ils ont pour le Christ. Ils nous font retrouver la joie d’être aimé de Dieu. Il s’agit beaucoup plus de descendre dans nos faiblesses et pauvretés que de monter vers Dieu par nos mérites et vertus. L’échelle de la perfection est à l’envers, elle est devenue l’échelle de l’imperfection, où les derniers sont les premiers, car qui s’abaisse sera élevé. Il ne nous est pas demandé de faire beaucoup de choses, mais d’enlever en nous ce qui empêche l’Esprit de tout envahir. Ce ne sont pas nos œuvres qui importent, mais l’amour que nous mettons en les accomplissant.
Une foule immense de témoins
Le Seigneur Jésus est glorifié dans ses saints et dans ses saintes. Il est le Premier-né d’entre les morts qui entraîne à sa suite une foule innombrable de témoins. On fait mémoire d’eux en la fête de la Toussaint, célébrée depuis le IXe siècle. Il y a ceux et celles qui sont béatifiés et canonisés officiellement par l’Église, puis il y a les saints anonymes. Membres d'un même corps, nous partageons avec eux une même communion dans le Christ et un avenir commun, la vie éternelle.
Les saints connus de Dieu seul ne sont d’aucun calendrier officiel. Ces saints du réel quotidien, on les retrouve souvent dans nos propres familles : ces ancêtres qui nous ont précédés dans le Royaume; ces pères et mères de famille qui, en se donnant à leurs enfants jour et nuit, ont bâti l’Église; ces jeunes de nos villes qui n’ont souvent que leurs blessures pour y faire jaillir l’eau vive de l’Esprit. Ce sont aussi ces prêtres, religieux et religieuses, laïcs et missionnaires, qui ont enfanté les autres à la foi au Christ ressuscité. Le souvenir de leur témoignage nous inspire la route à prendre pour arriver à bon port.
Cette liste de saints anonymes, jeunes et vieux, blessés et aimés, faibles et vulnérables, heureux et malheureux, est dressée au carrefour des chemins du monde. Ce sont des icônes du Royaume qui nous révèlent la beauté du Dieu trois fois saint. Comme le disait si bien le curé d’Ars : « Les saints n’ont pas tous bien commencé, mais ils ont tous bien fini. »
Ce texte est tiré de mes livres Tous appelés à la sainteté et Les saints: ces fous admirables.