Les juges français chargés d’élucider le mystère de l’assassinat de sept moines en 1996 ont pu se rendre en Algérie trois ans après l’avoir demandé. Mais leur enquête s’effectue sous l’étroit contrôle des autorités.
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Qui a enlevé Christian de Chergé, Luc Dochier, Paul Favre Miville, Michel Fleury, Christophe Lebreton, Bruno Lemarchand et Célestin Ringeard, sept moines cisterciens, citoyens français, à Tibhirine, dans la région de Médéa, en Algérie, dans la nuit du 26 au 27 mars 1996 ? Le GIA (Groupe islamique armé), qui a revendiqué l’enlèvement ? Qui les a tués, quelques semaines plus tard, le 21 mai ? Pas forcément leurs ravisseurs, bien que la décapitation (et plus précisément l’égorgement) soit une pratique favorite des terroristes islamiques, comme vient de nous le rappeler à plusieurs reprises une sombre actualité.
Le doute sur les auteurs de leur mort, sinon de leur enlèvement, vient du fait que seules les têtes des malheureux moines ont été retrouvées. Pourquoi les corps ont-ils été dissimulés ? Ne serait-ce pas pour camoufler la cause de la mort qui ne serait pas la décapitation, celle-ci n’étant qu’une mise en scène macabre ?
Cette hypothèse reste ouverte depuis cinq ans. Elle été lancée en 2009 par le général François Buchwalter, ancien attaché militaire de l’ambassade de France à Alger, qui a fait état du témoignage d’un militaire algérien selon lequel les moines auraient trouvé la mort à cause d’une bavure militaire : « Des hélicoptères de l’armée ont tiré sur un bivouac d’un groupe armé… Une fois posés, ils ont découvert qu’ils avaient tiré notamment sur les moines, dont les corps étaient criblés de balles, et c’est pour dissimuler cette bavure que les corps auraient été décapités » (El Watan). Toujours selon le général Buchwalter, Mgr Pierre Claverie, l’évêque d’Oran assassiné quelques mois plus tard, le 1er août1996, « avait la conviction profonde que les services algériens étaient mêlés à l’enlèvement des moines », rapporte Jeune Afrique.
Le soupçon est renforcé par les entraves à l’enquête que multiplient les autorités algériennes, comme le constatent Le Point et El Watan. Certes, près de trois ans après en avoir fait la demande dans le cadre d’une commission rogatoire internationale, le juge Marc Trévidic et le juge antiterroriste Nathalie Poux ont enfin été autorisés à enquêter en Algérie où ils sont arrivés le 12 octobre, accompagnés d’une équipe d’experts. Certes, l’autorisation d’exhumer les têtes pour les autopsier a été accordée par Alger. Mais les juges français avaient auparavant essuyé deux refus (Aleteia), et ce seront des experts algériens qui pratiqueront ces examens, sous le contrôle d’un juge algérien. Surtout, sauf volte-face des autorités, les enquêteurs français n’auront pas le droit d’interroger eux-mêmes une vingtaine de témoins et d’acteurs de l’enlèvement, pour la plupart des terroristes repentis (Boulevard Voltaire). C’est pourtant de leurs témoignages, plus que de l’autopsie de têtes inhumées depuis plus de dix-huit ans, que pourrait jaillir la lumière.
Légende photo : Tibhirine, au premier plan, les sept tombes où seules reposent les têtes des moines assassinés.