Quelques jours après la sixième Manif pour tous à Paris et à Bordeaux, ses organisateurs et un philosophe tirent les conclusions de cette nouvelle mobilisation historique.
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En adressant ses félicitations à ceux qui se sont dévoués pour cette réussite, Ludovine de La Rochère, présidente de la Manif pour tous, note trois points essentiels : l’affluence (500 000 à Paris, 30 000 à Bordeaux selon les organisateurs), le déroulement parfait tant dans la capitale qu’en province, et la continuité, fruit d’une tenace persévérance (« La tuile pour tous les politiques, de droite comme de gauche, écrit-elle, c’est de voir qu’on est toujours là, toujours aussi nombreux et que réellement on ne lâchera pas ! »). Elle note aussi la quantité et la qualité des retombées médiatiques (cf. Aleteia).
L’objectif semble atteint concernant la GPA, Manuel Valls s’étant engagé in extremis, dans son interview à La Croix du 3 octobre, à ce qu’elle reste interdite en France (Aleteia). « Reste à l’obliger à passer aux actes, en sachant que Taubira agit dans le sens contraire par derrière » ajoute la présidente de la Manif pour tous.
Mais c’est bien sûr l’abrogation de la loi Taubira qui demeure le but ultime et nécessaire du combat : Ludovine de la Rochère note que « les soutiens se multiplient : après Xavier Bertrand la semaine dernière, Sarkozy s’est enfin prononcé hier soir pour la "réécriture"… L’enjeu maintenant étant que la réécriture en question corresponde à une abrogation ! »
De son côté, sur le site d’Alliance Vita, Tugdual Derville, délégué général d’AV, mais aussi porte-parole de la Manif pour tous, constate que c’est l’homme qui a été remis au centre du débat politique par le mouvement de la Manif pour tous depuis octobre 2012 :
« Nous avons mis la France devant le choix anthropologique qui constitue l’enjeu de société majeur de notre temps : au-delà de la loi Taubira et de ses conséquences que nous contestons toujours, il s’agit de savoir si la procréation humaine doit obéir aux lois d’un marché ultralibéral mondialisé, ou si l’intérêt de l’enfant nécessite la préservation de la famille, écosystème de base de toute société, et de l’enfant contre toute marchandisation. » Il constate à cet égard la convergence entre le combat de la Manif pour tous contre la GPA et de voix venant « de la gauche, de mouvements féministes et même d’écologistes comme José Bové », eux aussi dénonçant la marchandisation du corps. (Aleteia)
Et Tugdual Derville de conclure : « Aucun parti, aucun syndicat, aucun autre mouvement n’a jamais réussi à organiser sur trois années civiles six immenses défilés pacifiques, chacun d’ampleur historique. L’immense mouvement social déjà foisonnant, né de la résistance à la loi Taubira, est désormais installé dans le paysage politique français. »
Après l’avis des leaders, l’analyse d’un philosophe, Henri Hude, directeur du pôle "Ethique" des Ecoles militaires de Saint-Cyr Coëtquidan, ancien élève de l’ENS. Dans une étude publiée par Liberté Politique, Henri Hude tire sept leçons de la Manif pour tous : il prend acte qu’il ne s’agit pas « d’un mouvement groupusculaire, ou catégoriel, mais d’un mouvement de masse », « d’un mouvement de résistance massif, luttant pour un intérêt profond et non négociable, déterminé, ancré dans la durée », et d’un mouvement qui ne recoupe pas les clivages catégoriels, ni « des partis, des classes sociales et des cultures ».
Cependant, il constate que ce mouvement massif n’est pas majoritaire. « Dans ces conditions, faute d’une stratégie d’alliances, toute politique isolationniste le condamne à l’échec », estime-t-il.
Mais sur quel objectif fonder une stratégie d’alliances ? La défense de la nature ? Encore faut-il, explique-t-il, que ce concept classique de « nature », au sens de « dynamisme orienté dont résulte une harmonie, inscrite dans une histoire, et faisant norme aussi pour la raison pratique » qui inspire aussi une partie du mouvement écologiste, « sache s’ajuster avec la tradition de l’humanisme. Si cet accord trouve sa juste formule, il rendra un avenir humain à notre pays et à la civilisation. »
Reste à savoir avec qui faire alliance. Le mouvement de la Manif pour tous, estime Henri Hude, est « voué à restructurer l’espace politique tout entier. » Doutant que les partis existants, tant du côté de la droite libérale que de la gauche libertaire, sachent non seulement lui faire une place mais se réformer en profondeur, il ne voit d’issue que dans la capacité de la Manif pour tous à nouer des alliances « au-delà du rationalisme de gauche ou libéral, au-delà du traditionalisme conservateur et au-delà de l’irrationalisme d’extrême droite » … « avec tous ceux qui sont opprimés par la même logique inhumaine. » Une intuition qui rejoint celle du courant Ecologie humaine.