Le Fr Laurent Tarel, dominicain, participera au synode sur la famille en tant qu’assistant. Il a accepté de donner à Aleteia son expertise sur ce grand évènement que s’apprête à vivre l’Eglise à partir du 4 octobre.
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J’aurai la joie insigne de participer à ce Synode en tant qu’assistant, c’est-à-dire en étant au service de l’assemblée synodale composée de cardinaux, d’évêques et d’experts venus du monde entier et réunis autour du Saint Père. La joie de ce service me pousse au plus grand respect dans les lignes qui vont suivre. Respect pour le travail à venir, respect de la discrétion qui nous est demandée… Respect et confiance aussi. Confiance dans l’œuvre de l’Esprit-Saint qui ne cesse de diriger le cœur et la vie des fidèles et des pasteurs. L’Esprit de Dieu continue d’opérer au cœur de l’Église, et c’est le premier point qu’il me semble essentiel d’avoir à l’esprit au long des prochaines semaines.
En effet, les médias se font l’écho des discussions qui animent la Curie et, au-delà, de nombreuses personnes. Le Synode n’est pas d’abord le lieu où s’expriment, s’affrontent et se listent les diverses opinions rencontrées sur les thèmes qui seront abordés. Certes, chacun peut exprimer une opinion théologique ou pastorale sur ces diverses situations ; mais chacun est avant tout au service de la communion et du bien commun de la communauté ecclésiale. Nous vivons un temps de communications filant à la vitesse de la lumière (ou presque) ; souvent nous relevons les informations et les diffusons sans vraiment les assimiler, les analyser et essayer de prendre du recul par rapport à leur portée. Or c’est cela que nous devrons faire durant les prochains mois.
La famille, un peu partout dans le monde connaît de nombreuses joies. Mais elle est aussi confrontée à des situations concrètes difficiles et douloureuses. Notre première mission, en tant que chrétiens, en tant que membres de l’Église du Christ, n’est-elle pas alors de prier pour cette assemblée ? N’est-elle pas de confier à Dieu l’ensemble du travail qui sera réalisé près du tombeau du Prince des Apôtres ? Prions aussi pour les familles qui traversent ces épreuves et rendons grâces pour celles qui parviennent, malgré les difficultés du quotidien, à vivre pleinement leur vocation.
La Famille est le terreau dans lequel chacun de nous a pris ou devrait pouvoir prendre racines. Elle n’est pas une "génération spontanée", mais le fruit de la volonté de Dieu. Dieu aime sa créature humaine ; et il a voulu pour elle ce qu’il y a de meilleur. Former un couple, fonder une famille est en soi, déjà, un défi quotidien. Mais en même temps cette réalité porte une promesse. Dieu est présent au cœur de cette réalité. Présent par l’amour.
Mais l’amour n’est pas le seul sentiment qui fait chavirer les cœurs pour un instant ou pour la vie. L’amour est un engagement qui se déploie entre autre dans le mariage. Cet amour-là, est un amour qui se donne… comme le Christ s’est livré tout entier sur la Croix pour célébrer les Noces éternelles avec l’Église son Épouse.
L’amour conjugal fut blessé par le péché. La relation entre l’homme et la femme fut blessée. La famille fut blessée. Cette blessure reste vive, et nous le constatons quotidiennement. Et s’il s’agissait de l’ultime parole de l’histoire de l’humanité cela serait terriblement désespérant.
Mais en son Fils, Dieu nous a sauvé… Il a sauvé l’humanité rachetée au prix de la Croix de son Fils ; il a sauvé l’amour conjugal ; il a sauvé la famille. Voilà la cause de notre espérance… Dieu est dès lors présent dans le pardon vécu en couple et en famille.
Voilà le point de départ de toute réflexion théologique ou pastorale sur la famille. C’est l’annonce de l’Évangile de la Famille qui doit servir de point de référence à toutes les discussions sur le sujet. Manquer cette ‘étape’ fondamentale serait de la précipitation, et peut-être même ferait courir le risque de voir se répandre des interprétations maladroites ou fausses des réalités conjugales et familiales. Dès lors, n’ayons pas crainte de nous former, de revenir avec confiance et courage aux textes de l’Écriture Sainte et du Magistère qui traitent de la question. Comme le recommandait le Pape François, n’ayons pas peur de solliciter nos pasteurs afin d’éclairer les points qui demeurent obscurs. Investissons-nous davantage dans un travail commun entre couples et prêtres pour la pastorale de la Famille. Dès maintenant réinvestissons dans l’éducation de nos enfants. Nous ne sommes pas toujours exemplaires, il est vrai, mais nous cherchons tous à devenir meilleurs avec le secours de la grâce de Dieu. Alors transmettons cette Bonne Nouvelle de la Famille dont le cœur est l’amour et le don de soi. N’ayons pas peur de ceux qui montrent du doigt nos contradictions si nous cherchons sans cesse davantage la cohérence entre notre parole et notre manière de vivre.
Pour mener, à partir de là, une réflexion fructueuse, il nous faut tout à la fois rechercher comment accompagner les diverses situations que mentionne le document préparatoire au Synode, et faire connaître le dessein éternel de Dieu sur le mariage et la famille. L’invocation de la Miséricorde de Dieu ne peut pas être une manière de se dispenser de rappeler la vérité contenue dans les paroles du Christ sur le mariage, et celles de l’Église sur la famille. Il me semble irrespectueux de centrer le débat exclusivement sur les questions les plus sensibles telles que la question de l’accès à la communion pour les personnes divorcées-remariées. De plus, le faire publiquement en alimentant la polémique et les querelles n’est pas une manière juste de mener le dialogue et la recherche d’une pastorale "vraie" et "bonne". D’un autre côté, ne faire que rappeler le droit canonique serait une attitude qui ne chercherait pas à témoigner de ce qui est du devoir de chacun envers les personnes qui traversent des épreuves parfois non choisies.
Il semble évident que face à ces situations, chaque chrétien est responsable. Chacun devrait spontanément être prêt à écouter les personnes ; prêt à leur donner du temps pour les laisser exprimer leur souffrance afin de bien comprendre les situations. C’est alors que peut commencer un véritable accompagnement et une annonce renouvelée de l’Évangile de la Famille. En parallèle à cette préoccupation pastorale, il devient urgent de repenser la préparation au mariage – directe et lointaine, dans la préparation des enfants et des jeunes à l’engagement, à l’apprentissage de l’amour oblatif. Nous disposons, dans nos communautés, d’un formidable réseau de compétences et d’expériences sur lesquelles nous devons nous appuyer. Faisons-le fonctionner dans la collaboration active entre prêtres et personnes formées à l’accompagnement. Rappelons à temps et à contre-temps la beauté du mariage et de la famille.
Pour terminer nous laissons résonner ces mots conclusifs de l’Instrumentum laboris. Que la prière de Saint Père puisse être dite par chacun, seul ou en famille, durant les jours du Synode.
Nous concluons cet itinéraire, où nous avons saisi beaucoup de joies et d’espérances, mais aussi des incertitudes et des souffrances, dans les réponses et dans les observations qui nous sont parvenues, en revenant aux sources de la foi, de l’espérance et de la charité : nous nous confions à la Sainte Trinité, mystère d’amour absolu, qui s’est révélé dans le Christ et dont l’Esprit Saint nous a fait part. L’amour de Dieu resplendit en particulier dans la famille de Nazareth, point de référence sûr et de réconfort pour chaque famille. En elle brille le véritable amour vers lequel toutes nos situations familiales doivent se tourner, pour puiser lumière, force et consolation. Et c’est à la Sainte Famille de Nazareth que nous voulons confier la IIIème Assemblée Générale Extraordinaire du Synode des Évêques, en reprenant les mots du Pape François :
Prière à la Sainte Famille
en vous nous contemplons la splendeur de l’amour véritable,
à vous nous nous adressons avec confiance.
Sainte Famille de Nazareth,
fais aussi de nos familles des lieux de communion et des cénacles de prière,
des écoles authentiques de l’Évangile et des petites Églises domestiques.
Sainte Famille de Nazareth,
que jamais plus dans les familles on fasse l’expérience de la violence,
de la fermeture et de la division: que quiconque a été blessé ou scandalisé connaisse rapidement consolation et guérison.
Sainte Famille de Nazareth,
que le prochain Synode des Évêques puisse réveiller en tous la conscience du caractère sacré et inviolable de la famille, sa beauté dans le projet de Dieu.
Jésus, Marie et Joseph écoutez-nous, exaucez notre prière.
Amen ».
(
Instrumentum Laboris, 159)