La bibliothèque ecclésiastique de l’église, fraîchement rénovée, propose un tour d’horizon des préoccupations françaises depuis le XVIIème siècle.
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Touristes et pèlerins s’y pressent pour admirer son décor baroque et les trois célèbres tableaux du Caravage consacrés à la vie de saint Matthieu. Mais cette église romaine, située en plein cœur de la Rome historique abrite sous ses toits un autre type de trésor, qui aura de quoi réjouir tout bibliophile qui se respecte.
Nous devons la conception de l’édifice, qui remonte à la fin du XVIème, au pape Clément VII, alors désireux d’attirer les prêtres français dans la ville de Rome. Il s’agira la plupart du temps de prêtres vivant en communauté et d’intellectuels de tendance plutôt gallicane, favorables à une autonomie de l’Eglise française par rapport à Rome. C’est dans cet esprit que ces oratoriens fonderont par la suite la bibliothèque patrimoniale, qui compte à ce jour 32000 ouvrages, dont 18000 anciens.
La volonté de savoir universel, caractéristique de l’époque, est très palpable lorsque l’on parcourt les allées de livres, aussi précieux qu’étonnants, recoupant des disciplines de toute sorte. On retrouve ainsi parmi eux des pièces historiques se rapportant aux polémiques liées au jansénisme mais surtout au quiétisme, courant porté en France par Fénelon et combattu par Bossuet au XVIIème siècle, donnant un aperçu de l’ampleur de la crise religieuse vécue jusque dans l’Hexagone, avant d’être définitivement condamné par le pape Innocent XI dans sa bulle Coelestis Pastor en 1687 (le document ci-dessous se rapporte justement au "procès" fait à Fénelon par les intellectuels et religieux alors farouchement opposés à sa doctrine).
Plus surprenant, la pièce abrite même des volumes du Nouveau Mercure Galant, sorte de Paris Match du XVIIème, qui relatait chaque mois toutes les curiosités s’étant déroulées en France, des cancans de cour aux récits de bataille, en passant par les suppliques au roi.
Et la liste est encore longue. La densité des thèmes étudiés nous conduit jusqu’à des herbiers finement décorés à la main, rapportant toutes les plantes françaises et leurs vertus médicinales, de même qu’au tout premier livre en papier gaufré à destination des aveugles (voir ci-dessous à gauche) remontant au XIXème siècle- bien avant la naissance du braille- ou encore à la Description de l’Egypte, de 1822 après l’expédition des troupes de Napoléon Ier sur le Nil, qui retrace très fidèlement toutes leurs découvertes (ci-dessous à droite).
Autant de petits joyaux qui nous offrent un voyage à travers le temps, mais que les années, l’humidité et les intempéries auraient pu emporter si la bibliothèque n’avait pas été restaurée, après être tombée dans l’oubli des décennies durant.
C’est Marie-Elisabeth Boutroue, de l’Institut de Recherche en Histoire des Textes (IRHT) au CNRS, et Pierre-Jean Riamond, conservateur au ministère de la Culture, qui ont entrepris de sauver les précieux manuscrits – souvent très endommagés -, et dont les conditions de conservation sont désormais conformes aux normes internationales.
Inaugurée le 20 octobre dernier, jour de la Saint-Louis, après plus d’un an de travaux, la bibliothèque est désormais ouverte aux chercheurs, tandis que les travaux d’inventaire se poursuivent. Bien à l’abri dans leurs toutes nouvelles armoires de châtaignier, ces vibrants témoignages de la présence française au sein de la papauté romaine se sont offerts une seconde vie.