IHS News a interrogé le P. Michael Walsh, OSA, au sujet de la situation au Nigeria qui ne cesse de se dégrader tant sur le plan sanitaire que face à l’avancée de Boko Haram.
Pour qu’Aleteia poursuive sa mission, faites un don déductible à 66% de votre impôt sur le revenu. Ainsi l’avenir d’Aleteia deviendra aussi la vôtre.
*don déductible de l’impôt sur le revenu
Pouvez-vous nous parler de votre parcours et de votre mission actuelle ?
P. M. Walsh : De nationalité irlandaise, je suis un missionnaire augustinien (OSA). J’ai été ordonné en 1980, et suis donc prêtre depuis 34 ans. J’ai passé 4 ans à Cork, Ireland (de 1983 à 1986) ; 5 ans à Rome, Italie (de 1991 à 1996) et le reste au Nigeria. Mes deux premières années ont été dans la paroisse de Mubi dans le diocèse de Maiduguri. J’ai ensuite passé un an à Iwaro Oka, dans le diocèse d’Ondo et le reste dans les paroisses de Jalingo, Kona et Zing qui faisaient partie du diocèse de Yola, mais qui ont, entre-temps, été rattachées au diocèse de Jalingo.
Quelle crainte inspire le virus Ebola au Nigeria ?
P. M. W. : Dans ma paroisse à Zing, on sait qu’il y a des cas de contaminations par le virus Ebola à Lagos, Enugu et Port Harcourt. Ces villes sont encore loin de Zing, mais beaucoup de gens voyagent encore à travers le pays. Le transport se fait essentiellement par la route dans des véhiculés bondés, ce qui explique aisément comment le virus peut se propager. La maladie a suscité une inquiétude généralisée. Il y a quelques semaines, un SMS qui semble avoir circulé dans l’ensemble du pays expliquait : pour éloigner le virus il faut prendre un bain d’eau chaude salé tôt le matin et boire de l’eau salé. La plupart des gens n’ont pas l’eau courante et se baignent donc dans un « sceau ». Très souvent, le seul moyen de chauffer l’eau est le feu de bois. Dès lors, autour de trois heures du matin les gens se lèvent pour faire chauffer de l’eau. Dans la région de Zing, j’ai entendu dire qu’une femme avait fait une overdose de sel. Elle a fini à l’hôpital incapable de manger, de boire ou de parler. Je peux tout à fait croire à cette histoire, sachant que des gens sont déjà morts d’overdoses de sel dans le pays. Mais par dessus tout, cela illustre le fait que la peur d’Ebola est ici bien réelle et omniprésente.
Pouvez-vous nous en dire un peu plus sur la situation à l’égard de Boko Haram en général, mais aussi par rapport aux chrétiens ?
P. M. W. : Il semble qu’ils aient à présent le contrôle des villes de Bama, Pulka, Madigali, Shuwa, Michika et Bazza, et peut-être de la ville de Mishara, plus au sud. Ce sont des villes dans lesquelles il y a des paroisses catholiques appartenant au diocèse de Maiduguri. Les gens ont fui, soit dans les montagnes de Mandara, soit à Yola ou quand ils le pouvaient dans les villes plus au sud. Mubi serait à présent une ville fantôme. Apparemment ce serait la peur, plus encore que Boko Haram lui-même, qui serait responsable de ces départs. Pourtant, Mubi était une cité très vivante, puisque c’était un marché important et un centre administratif de premier ordre situé à 18 kilomètres de la frontière camerounaise.
Personne ici en revanche n’a suggéré que Boko Haram ciblerait les catholiques plus que les autres. Je ne peux donner de chiffres, mais je pense qu’ils ont tué plus de musulmans que de chrétiens. Plusieurs fois ils ont attaqué les villes de Damaturu, Potiskul, Maiduguri et d’autres plus au nord. Dans chacun de ces endroits, les chrétiens représentent une minorité. Dès lors une bombe dans un marché tuera et blessera davantage de musulmans que de chrétiens. Ils ciblent sans distinction réelle.
Cependant, à mesure qu’ils font route vers le sud de Bama dans le Michika en direction de Mubi, il y a de plus en plus de chrétiens, et de fait, le nombre de chrétiens touchés aura tendance à augmenter. Mais il ne faut pas se tromper, nous ne sommes pas les premières cibles. Boko Haram vise tout ce qui ne rentre pas dans sa conception de la société.
Sur le terrain Boko Haram se déplace de plus en plus au sud. Cela pousse les gens à partir se cacher soit dans les montagnes voisines, soit dans les villes du sud. Aujourd’hui, j’ai entendu dire que certaines familles étaient arrivées à Zing. Zing est situé à deux heures de Yola et espérons les plus en sûreté.
Et comment s’organisent les populations ?
P. M. W. : Il faut savoir que Yola constitue une étape importante et un centre névralgique. Il s’agit de la capitale de l’Etat d’Adamawa, c’est également un important évêché. Avant d’arriver à Yola tout le monde doit traverser la rivière Benue, pour ce faire, il faut emprunter un pont pour arriver à la ville. Le suivant se trouve à Numan, à environ une heure de route de la ville. Ensuite, le troisième et dernier se trouve à Wukari, soit à environ sept heures de toute de Numan. Le pont de Yola mesure près d’un kilomètre, même si la rivière n’est plus aussi large que dans le passé en raison d’un barrage au Cameroun, et cela peut servir de défense naturelle en cas d’avancée de Boko Haram et du fait de l’éloignement des suivants. Faute de stopper Boko Haram cela pourra laisser le temps aux populations de partir et c’est bien pour cette raison que les gens se regroupent ici.
En ce qui concerne les chiffres, je peux vous dire avec certitude que samedi dernier il y avait environ 3 750 hommes, femmes et enfants réfugiés dans l’enceinte de la cathédrale de Yola. Je suis en contact permanent avec l’évêque de Yola, Mgr Stephen D. Manza. Ce dernier est un natif de Bazza et ainsi bien placé pour avoir aussi des informations sur ce qui se passe là-bas. La semaine dernière, j’ai pu lui envoyer 700 € pour prendre soin des nécessiteux. Cela peut vous sembler une somme dérisoire en Europe, mais ici c’est à l’heure actuelle et dans le contexte que nous connaissons, presque un trésor. Son secrétariat a ainsi pu acheter du maïs, du riz, et de l’huile de cuisson, ainsi que du savon et du détergent pour subvenir aux besoins de l’ensemble des réfugiés de la cathédrale et même un peu plus. Mais la situation ne va pas en s’améliorant et d’ici peu les conditions sanitaires vont certainement devenir un problème.
Retrouvez cet article sur www.ihsnews.net