Bien qu’elle ait officiellement rejoint les pays s’opposant à l’État Islamique, la Turquie n’a pas les mêmes intérêts que la coalition.
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Jeudi 11 septembre, date anniversaire plus que symbolique pour les USA, dix pays de langue arabe se sont engagés à Djeddah (Arabie Saoudite) aux côtés des Etats-Unis à « éradiquer » l’État Islamique. La Turquie brillait par son absence, et ce n’est que l’un des signes de sa réticence à affronter l’Etat Islamique. Elle détient pourtant la clé de la guerre contre l’État Islamique, à savoir sa frontière avec la Turquie et l’Irak, qui permet aux djihadistes de pénétrer dans les zones de guerre et au pétrole d’être revendu en contrebande. Et si la guerre contre l’EI se gagnait d’abord en Turquie ?
Tous les Syriens vous le diront : la Turquie soutient la rebellion contre Bachar al Assad, y compris les branches complices de l’État Islamique. C’est un pays privilégié pour faire transiter les djihadistes vers la Syrie et l’Irak. Selon un reportage diffusé par la chaîne publique allemande ARD, un camp d’entraînement appartenant à l’État islamique, fonctionnait à Gaziantep, au sud de la Turquie, il y a quelques semaines encore.
Si elle tient à conserver son image d’alliée du monde occidental en politique extérieure, sur un plan régional et intérieur, en revanche, sa position est beaucoup plus ambiguë. Comme les pays occidentaux, elle souhaite la victoire des opposants à Bachar Al Assad en Syrie, d’où son soutien plus ou moins actif à toutes les formes d’opposition armée. Elle a notamment permis aux opposants de l’Armée Syrienne Libre d’opérer à partir de son territoire. Or « l’Armée Syrienne Libre », n’est qu’un nom, ses militants se sont massivement fondus dans Al Nosra, voire dans l’État Islamique.
Samim Akgonul, spécialiste de la Turquie, explique sur Radio Vatican que le pays doit aussi faire façe à des problèmes de politique intérieure. Depuis la deuxième guerre d’Irak, la population turque développe un vif ressentiment contre la politique des Etats-Unis. Par ailleurs, le pays craint les représailles de l’État Islamique en cas d’attaque du camp Atlantique. Enfin sur un plan géopolitique, la Turquie est historiquement hostile aux Kurdes, qui souhaitent obtenir leur indépendance ; elle ne peut donc pas approuver la politique de soutien au Kurdistan de la coalition menée par les États-Unis.
Plus prosaïquement, la Turquie étant engagée sur le terrain, elle a beaucoup moins de facilité que les pays occidentaux à retourner ses alliances. Sciemment ou non, les pays occidentaux ont soutenu les djihadistes, y compris ceux qui appartiennent à l’État Islamique. La Turquie a fait de même, mais elle risque gros à vouloir changer de camp, d’où ses hésitations manifestes. Ainsi le 10 septembre dernier, Ankara autorisait les avions militaires américains à utiliser sa base aérienne d’Incirlik, mais en restreignait l’emploi aux convois humanitaires et logistiques.