Fêté le 19 août, ce grand prédicateur et éducateur se voua à « établir la vie et le royaume de Jésus dans les âmes chrétiennes » en répandant le culte du cœur de Jésus et de Marie.
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Du blogue de Jacques Gauthier
On a dit de saint Jean Eudes qu’il avait été le saint Vincent de Paul de la Normandie. Prédicateur fervent, son attachement aux cœurs de Jésus et de Marie le rend solidaire des exclus à une époque caractérisée par le jansénisme. Il a rendu compte de son espérance chrétienne au milieu des joies et des épreuves. La liturgie du jour de sa fête, le 19 août, le présente comme celui qui « annonce l’incomparable richesse du Christ ».
Un enfant de Marie
Jean est né en 1601 dans le petit village de Ri en Normandie. Ses parents, Isaac Eudes et Marthe Corbin, de condition modeste, n’ont pas encore d’enfants après trois ans de mariage. Ils font le vœu d’aller en pèlerinage à Notre-Dame-de-la-Recouvrance s’ils ont un enfant. C’est ainsi que Marthe devient enceinte et que le futur enfant est offert à Jésus et à Marie. Cela leur réussira, car Jean sera l’aîné de deux frères et de quatre sœurs.
L’enfant vit dans une paroisse où il y a peu d’instruction et où l’on communie rarement. Vers l’âge de douze ans, il s’intéresse à Dieu, désirant le connaître. À quatorze ans, il commence ses études chez les jésuites à Caen. Bon élève et apôtre de Marie, il semble fait pour être jésuite. Il lui faut un certain temps afin de trouver son chemin vers le sacerdoce, d’autant plus que la vie souvent médiocre du clergé diocésain de son temps ne l’attire pas.
Il découvre un institut nouveau, l’Oratoire de Jésus, qui ouvre une maison à Caen en 1622. L’Oratoire, fondée par Pierre de Bérulle en 1611, n’est pas un ordre religieux, mais une société de prêtres qui vivent en communauté et qui veulent contribuer au renouveau spirituel du clergé. Jean Eudes est séduit par cette société qui ne fait pas de vœux de religion mais qui insiste sur le ministère du prêtre en se référant à Dieu par Jésus et par Marie. Il se rend à Paris et entre dans cette congrégation sacerdotale de l’Oratoire. Il est accueilli par le fondateur, le cardinal de Bérulle, qui sera son maître spirituel.
Les missions et les séminaires
Ordonné prêtre en 1625, Jean Eudes participe à la ferveur de cette communauté naissante. Il revient souvent en Normandie pour y prêcher des retraites populaires qui connaissent un grand succès. Il s’occupe aussi des pestiférés. Ces retraites populaires, qu’il appelle des missions, peuvent durer plusieurs mois. Plus qu’une simple prédication, il s’agit d’une véritable tournée d’évangélisation : conférences, visite des malades, catéchèse avec les enfants, sacrements, conversion.
Mais qui entretiendra la flamme allumée par les missionnaires? Les prêtres dévoués et compétents se font rare. Il leur faut une formation pastorale et spirituelle, d’où le désir de Jean de fonder un séminaire qui serait en lien avec les missions. Ses supérieurs ne sont pas pressés. Mais son idée fait son chemin, celle d’unir l’œuvre des Missions (prédication, prière, communion, confession) à celle des Séminaires (conférences, retraites, manière de prêcher, préparations à l’ordination). Il me semble que cette intuition est encore valable aujourd’hui.
Vincent de Paul et Olier le persuadent de s’occuper de la formation du clergé dans l’esprit du concile de Trente. Pour cela, Jean quitte l’Oratoire en 1643 et fonde un séminaire à Caen. Certains ne lui pardonneront pas ce départ de l’Oratoire, d’autant plus qu’il crée la Congrégation de Jésus et de Marie, dite des Eudistes, présente encore aujourd’hui dans plusieurs pays. La Congrégation est créée selon les mêmes principes que ceux de l’Oratoire; ainsi, on ne fait pas de vœux, mais on mène la vie communautaire comme chemin de perfection. Il établit avec ses prêtres plusieurs séminaires en Normandie et en Bretagne. Il fonde aussi la congrégation Notre-Dame de Charité, destinée à recevoir les prostitués, ce qui en scandalise plus d’un. De cet institut naîtra plus tard la congrégation du Bon Pasteur d’Angers.
Homme d’action admiré par les uns et jalousé par les autres, Jean Eudes est accusé d’ambition et d’hypocrisie. Comme bien d’autres saints avant lui, c’est sur la croix que s’établira son apostolat. Son zèle pour Jésus, ses vertus et sa grande charité sauront mieux que quiconque établir la vérité. Il écrit au volume X de ses Œuvres complètes : « Nous n’avons qu’une chose à craindre, qui est de craindre trop et de n’avoir pas assez de confiance. »
La dévotion aux cœurs de Jésus et de Marie
Ce prêtre entièrement donné à Jésus est surtout connu pour être l’initiateur du culte liturgique des cœurs de Jésus et de Marie. Il a composé la messe et l’office avant même qu’il y ait une fête en l’honneur du Cœur de Marie et une autre au Cœur de Jésus. Son charisme interpellera l’institution qui prend toujours un certain temps pour accepter les nouveautés. Des jansénistes crieront au scandale. On le traitera d’hérétique et de « mariolâtre ». Mais la tempête s’apaisera avec le temps. La dévotion au Sacré-Cœur se répandra à une vitesse telle qu’on en oubliera l’initiateur. En effet, avant sainte Marguerite-Marie et Paray-le-Monial, il y a eu Jean Eudes et ses Eudistes. Pie X le reconnaîtra en 1909 lorsqu’il le proclamera « père, apôtre et docteur du culte liturgique des Saints Cœurs de Jésus et de Marie ».
Jean Eudes demeure une figure marquante du catholicisme en France au XVIIe siècle et l’un des grands maîtres de ce qu’on a appelé « l’École française de spiritualité ». Ses ouvrages de spiritualité et de piété sont sans cesse réédités. Douze volumes sont publiés sous le titre Œuvres complètes, dont son ouvrage Vie et Royaume de Jésus, qui nourrira plusieurs générations de chrétiens. Pour lui, les cœurs de Jésus et de Marie ne forment qu’un seul cœur.
Jean insiste dans ses écrits sur l’appartenance à Jésus. Il invite les chrétiens, surtout les prêtres de sa congrégation, « à former Jésus en eux » et à être « les missionnaires de la Divine Miséricorde ». Il écrit : « Ce doit être notre désir, notre soin et notre occupation principale, que de former Jésus en nous, c’est-à-dire de le faire vivre et régner en nous. » Son regard de baptisé ne s’éloigne jamais du mystère de l’Incarnation, ce Dieu fait homme qui nous donne son cœur. Aussi sa prière est comme une symphonie en quatre mouvements qui se résume par quatre verbes : adorer en contemplant le mystère de Dieu, rendre grâce en reconnaissant les dons de Dieu, se laisser envahir par la miséricorde divine en lui offrant notre misère, se donner à Jésus en étant son témoin pour la mission à vivre.
Dans un excès d’amour, il écrit à Jésus : « Ô l’objet de tous mes désirs, accroissez en moi ce désir que vous m’avez donné de vous aimer; mais accroissez-le tellement, que désormais je languisse incessamment du désir de votre amour » (Exercice d’amour divin IV).
Jean Eudes meurt à Caen en 1680, à l’âge de soixante-dix-neuf ans, après avoir quitté sa charge de premier supérieur général de sa congrégation. Il est canonisé en 1925, en même temps qu’une jeune normande de Lisieux, missionnaire elle aussi de la miséricorde : Thérèse de l’Enfant-Jésus.