“Ce qui nous est arrivé, à nous tous, à moi, à ma congrégation, à tous les chrétiens de Mossoul, peut se résumer en un seul mot : un génocide”, a expliqué Mgr Nikodimos Daoud.
Pour qu’Aleteia poursuive sa mission, faites un don déductible à 66% de votre impôt sur le revenu. Ainsi l’avenir d’Aleteia deviendra aussi la vôtre.
*don déductible de l’impôt sur le revenu
Silencieux tant qu’il restait des chrétiens dans la ville, l’archevêque de Mossoul, Nikodimos Daoud, s’est exprimé le 23 juillet dernier, après la chute de Mossoul. Il le réaffirme avec force dans cett interview télévisée : l’Etat Islamique a perpétré un génocide contre les chrétiens d’Irak. Aleteia a retranscrit son témoignage, et sa colère, en français.
L’archevêque de Mossoul est d’abord revenu sur les raisons de son intervention : " J’ai décidé de rester silencieux, de ne faire aucun commentaire auprès de qui que ce soit de peur que les chrétiens qui restaient à Mossoul en souffrent. Mais maintenant, il n’y a plus de chrétien à Mossoul ; ils ont été expulsés de leur maison, forcés, de manière arbitraire, brutale, terroriste à quitter la ville.Il n’y a donc plus de raison de garder le silence. Et j’ai décidé qu’il était nécessaire que je m’exprime en public. Ce qui arrive, ou ce qui nous est arrivé, à nous tous, à moi, à ma congrégation, à tous les chrétiens de Mossoul, peut se résumer en un seul mot : un génocide. Je tiens à insister sur cela, génocide ou nettoyage ethnique, appelez-le comme vous voulez."
Comme l’a expliqué l’archevêque, les chrétiens d’Irak se trouvent pris au piège dans un conflit qui ne les concerne en rien : " Nous, chrétiens, ne sommes ni d’un côté ni de l’autre. Nous nous retrouvons pris au milieu d’un conflit entre chiites et sunnites, dont tout le pays souffre. Mais nous n’avons rien à faire ni avec l’un ni avec l’autre. Nous sommes des citoyens natifs de ce pays, nous sommes ceux qui les ont reçus chez nous. Nous avons fait entrer l’islam en Irak, nous avons éduqué les musulmans d’Irak. Nous sommes ceux qui ont traduit les livres pour que les musulmans puissent être éduqués. Aujourd’hui, nous regrettons d’avoir traduit ces livres pour eux. Mais notre problème n’est ni avec les musulmans ni avec l’islam. Nous avons vécu pendant plus de 1500 ans avec les musulmans et avec l’Islam. Notre problème est avec ceux qui veulent mettre fin à la présence chrétienne dans le Moyen Orient en général. en Irak et plus particulièrement à Mossoul. "
Mgr Nikodimos Daoud est notamment revenu sur les circonstances dans lesquelles les terroristes islamistes ont annoncé leur ultimatum donnant aux chrétiens le choix entre le départ ou la mort : "Après que la ville soit tombée, les chrétiens ont commencé à quitter les lieux, terrorisés par la réputation de l’EI. Mais beaucoup sont restés. L’EI a commencé par les rassurer en disant qu’ils étaient venus pour leur sauvegarde, pour les protéger, de l’armée irakienne et autres slogans du même genre. D’abord, ils ont réduit les rations de nourriture des habitants, puis ils ont commencé à marquer les maisons alors que les gens s’y trouvent encore. Ils y ont inscrit un N (de la lettre nûn) pour chrétien et R pour Rafidites sur les maisons des Chiites. Ils ont aussi écrit que tous ces biens appartenaient désormais à l’Etat Islamique d’Irak. Alors que vous êtes assis chez vous, on vous prend votre propriété au beau milieu de la journée, afin que le monde le voit bien, et vous ne pouvez rien dire. Est-ce que ce n’est pas du meurtre ? Ensuite, ils ont exilé les chrétiens. J’ai honte que quelque sheikh que ce soit monte à un minaret et déclare que les chrétiens doivent se convertir à l’islam, payer le jizya, l’impôt ou être tués. Cela va sans dire que que nous ne pouvons pas renoncer à notre foi. nous sommes fiers de notre christianisme. Alors nous avons été chassés de nos maisons, les gens se sont enfuis avec très peu de choses, leur argent, leur or. Ceux qui avaient une voiture l’ont prise. Mais ils ont été arrêtés au coin de la rue, sortis de leurs voiture et rançonnés de tout ce qu’ils possédaient encore : leur argent, leur or, leurs vêtements et même les couches pour bébé. Ils sont tombés si bas qu’ils ont même pris la boucle d’oreille d’une petite fille de six mois! Il ne devait même pas y avoir un demi gramme d’or dans cette boucle d’oreille. Cela ne valait rien, mais ils l’ont pris quand même. Ils ont battu nombre de chrétiens, pris leurs cartes d’identité et leurs passeports. Ils ont pris leur voiture et les ont faits marcher. Puis ils ont dit "ne revenez pas dans ce pays. Ce pays nous appartient. Si jamais vous revenez, nous vous tuerons par le sabre."
On sent enfin la douleur personnelle de l’archevêque de Mossoul quand il parle du sort réservé aux églises de la ville et à sa cathédrale : "Ils ont enlevé les croix des églises. La première à avoir été enlevée était celle de ma cathédrale. La cathédrale Mar Afram est célèbre à Mossoul et dans tout l’Irak. Ils ont enlevé la croix de ma cathédrale, la plus grande de Mossoul. Tout a été incendié à l’intérieur. On m’a informé qu’ils y avaient placé des haut-parleurs, afin de s’en servir en tant que mosquée et de prier à l’intérieur. N’avez-vous pas assez de mosquée à Mossoul ? Il suffit de faire deux pas pour voir une mosquée. Mais il faut encore qu’ils prennent les églises pour les transformer en mosquées !"
Traduction/adaptation depuis l’anglais par Judikael Hirel