Et si la Démocratie-chrétienne n’était qu’une belle idée appartenant au passé ? La question est délicate et elle nous questionne sur le mode d’action des chrétiens en politique.
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La Démocratie-chrétienne n’est pas la seule famille concernée : le Gaullisme est aussi touché, et dans son cas, la question se pose depuis la mort du Général. Il est difficile d’envisager l’avenir de la Démocratie-chrétienne, tout au moins en France. Dans d’autres Etats elle existe, elle est même au pouvoir. Mais ces autres mouvements démocrates-chrétiens ont une autre histoire et leurs pays connaissent des contextes sociologiques différents.
Actuellement, un seul parti se revendique de la Démocratie-chrétienne : le Parti chrétien-démocrate, fondé par Christine Boutin. Il s’agit d’un parti pesant très peu, avec une visibilité moyenne.
La Démocratie-chrétienne a pourtant beaucoup d’héritiers à travers les mouvements qui se sont formés sur les ruines du MRP. Les centristes du Centre des démocrates sociaux, puis de Force démocrate, de l’UDF, du Modem et de l’UDI sont pour beaucoup des «post-démocrates-chrétiens» qui ont gardé l’essentiel du MRP. L’Europe, la décentralisation, l’action sociale sans l’étatisme sont des idées que nous retrouvons chez des hommes comme François Bayrou, Robert Rochefort, Sylvie Goulard, Nicole Fontaine ou Jean-Christophe Fromentin. Certains d’entre eux sont clairement dans la suite de la Démocratie-chrétienne sauf qu’ils souhaitent laïciser leur démarche en supprimant la référence chrétienne. François Bayrou, pourtant catholique pratiquant et engagé, est de ceux là. Faut-il le regretter ? Non, parce que le contexte a changé.
La France connaît malheureusement une période de déchristianisation, et donner une étiquette confessionnelle à un parti revient à prendre le risque que seuls des catholiques pratiquants ne votent pour lui… ce qui n’est même pas garanti, loin de là. La Démocratie-chrétienne ne peut donc plus exister en tant qu’étiquette. Mais cela signifie-t-il qu’elle est morte et enterrée ? Non, parce qu’elle garde sa pertinence.
Le message démocrate-chrétien est plus que jamais d’actualité. Notre époque est de plus en plus celle de la «post-démocratie» où les décisions sont prises loin des peuples, dans un contexte de mondialisation. Se revendiquer démocrate n’est pas un anachronisme : nous avons besoin d’une démocratie revitalisée.
Et pas n’importe quelle démocratie, pas un démocratisme où tout serait possible si 50% + 1 des Français est d’accord. Notre démocratie a besoin de repères, et ces repères sont des principes humanistes solides, stables. La Démocratie-chrétienne conçoit la démocratie reposant sur un socle de valeurs issues de la foi chrétienne, d’où son nom.
Mais comment donner des principes chrétiens à notre démocratie ? Cela peut sembler impossible dans un contexte aussi déchristianisé et dans un Etat laïc.
La mission est difficile mais pas impossible car ces principes peuvent être reconnus par tous. La Démocratie-chrétienne ne repose pas sur une religion d’état ni sur un Etat confessionnel. La Démocratie-chrétienne est avant tout une adhésion populaire à des principes faisant appel à notre bon sens, le sens commun. Ainsi, le personnalisme, pilier de la pensée démocrate-chrétienne, est parfaitement aconfessionnel et des non-chrétiens ont été parmi ses promoteurs.
L’avenir de la Démocratie-chrétienne dans une société déchristianisée passera donc par une promotion de ses principes en renonçant à son étiquette confessionnelle. Du moins, en ce qui concerne l’action purement politique.
Aujourd’hui, la Démocratie-chrétienne a des héritiers, qu’ils soient à l’UDI, à l’UMP ou au PCD. Mais il y a aussi des mouvements organisés par des chrétiens, qui reprennent le flambeau de la Démocratie-chrétienne. Ces mouvements ne sont pas démocrates-chrétiens mais il y a parmi eux certaines personnes qui sont issues de cette famille. Nous pouvons citer Sens commun qui oeuvre au sein de l’UMP et qui rassemble notamment des gens de la Manif pour tous. Sens commun entend mettre en oeuvre une action politique au sein des partis dans le but d’un renouvellement idéologique. Il n’est pas un parti à proprement parler et donc cette méthode d’action est originale.
Peut-on en faire un héritier du MRP ? Officiellement non, il n’y a pas de filiation entre ces mouvements. Et pourtant, en connaissant ce mouvement et l’histoire de la Démocratie-chrétienne, on peut trouver de nombreuses affinités, que ce soit au niveau du personnalisme très présent chez ses membres, des convictions ou du profil de ses cadres.
La situation de Sens commun est importante : il est le premier mouvement, en nombre d’adhérents, au sein de l’UMP. Sens commun a réussi son pari : rassembler un maximum de personnes, pour beaucoup issues des manifestants des Manifs pour tous. L’enjeu est de taille : l’UMP est en crise, elle se cherche un leader, elle se cherche aussi des idées nouvelles. Pas loin de l’explosion, touchée par les scandales, hantée par un revenant et poursuivi par le FN, l’UMP ne sait où donner de la tête. Vers le centre comme le voudrait le triumvirat, vers la droite de la droite comme le voudrait la droite populaire, vers le libéralisme économique à tout crin comme le souhaiteraient certains, vers le Gaullisme comme le demande Henri Guaino ? L’UMP semble perdue, et Sens commun pourrait bien contribuer à lui donner du sens…
Mais vers quelle direction doit tendre Sens commun ? C’est la question la plus importante.
Sens commun est à la croisée des chemins, tout comme le MRP a son commencement quand il hésitait entre un travaillisme et un conservatisme social. Sens commun se construit et il a récemment réalisé une belle opération intitulée «la Droite que nous voulons» : une consultation du public sur la définition de la Droite qu’il désire.
Quelle est la «Droite que nous voulons» ?
Certains voudraient que Sens commun soit un mouvement libéral conservateur, d’autres verraient un conservatisme social. La réponse est entre les mains des militants de Sens commun, mais je pense, personnellement, que Sens commun devrait s’arrimer au Gaullisme et à la Démocratie-chrétienne : un conservatisme social comme celui que proposait le Général à Pierre-Henri Teitgen en 1944.
Conservateur dans le sens où nous devons tenir compte du passé pour construire l’avenir. Le conservatisme n’est pas une idolâtrie du passé, c’est une marche en avant sans faire table rase du passé. On avance dans le temps, en prenant en compte l’Histoire : c’est un réformisme qui a de la mémoire. C’est le conservatisme que de Gaulle qualifiait «d’intelligent» et c’est celui qu’avait défini Chateaubriant. Il est essentiel pour un mouvement de droite.