Coup de théâtre dans l’affaire Lambert : la démission du médecin qui avait la charge du jeune homme tétraplégique au CHU de Reims pose de nombreuses questions. Et ouvre peut-être un nouvel espoir.
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04/07/2014
Après la décision du Conseil d’État de stopper l’alimentation de Vincent Lambert, le jeune homme tétraplégique de 38 ans, décision immédiatement suspendue par la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) (cf. Aleteia), voici un nouveau rebondissement dans l’affaire Lambert ! Le Dr Eric Kariger, chef de l’unité de médecine palliative et de soins de support au CHU de Reims en charge de Vincent Lambert, vient d’annoncer qu’il quittera ses fonctions le 1erseptembre pour rejoindre le secteur privé.
Comment interpréter cette démission surprise ? Lassitude, peur devant des menaces, plan de carrière ? Lui-même semble privilégier cette dernière explication dans l’entretien qu’il a accordé à L’Union-L’Ardennais, paru ce 4 juillet :
« Mon départ s’inscrit dans un projet totalement personnel et bien sûr professionnel. Cela fait vingt-trois ans que je suis au CHU de Reims où j’ai gravi toutes les strates de la carrière médicale.
Je suis un homme de projets. J’ai toujours besoin de me projeter, de construire, de créer. Bien sûr, on ne va pas le nier, l’affaire judiciaire que l’on a dû subir à travers la situation de notre patient Vincent Lambert est un élément qui a contribué à ma réflexion et à ma décision. Mais c’est un élément parmi d’autres. »
Mais dans une enquête bien documentée, Le Figaro rappelle que le docteur Kariger lui avait confié l’an dernier ne pas être suffisamment soutenu par sa hiérarchie. Etait-ce pour avoir mis en route à deux reprises la décision d’interrompre l’hydratation et l’alimentation du jeune tétraplégique ou pour son engagement politique ? Curieusement, Eric Kariger, catholique, était délégué départemental du Parti chrétien démocrate (PCD) opposé à l’euthanasie sous quelque forme que ce soit, comme l’Eglise elle-même (voir à ce propos la réaction du Président du PCD, Jean-Frédéric Poisson, après la décision du Conseil d’Etat en faveur de l’arrêt de traitement de Vincent Lambert.) La contradiction étant flagrante, Eric Kariger s’était mis en disponibilité du PCD à cause de son rôle dans l’affaire Lambert.
Mais cette démission n’est pas une surprise pour tout le monde. Elle circulait depuis un mois dans les couloirs du CHU de Reims, relève Le Figaro. Elle aurait donc précédé le délibéré du Conseil d’Etat, le 24 juin : « Aussi, quand la décision des 17 sages est tombée et que le Dr Kariger a déclaré, «en conséquence», souhaiter «pouvoir procéder à l’arrêt de la nutrition et de l’hydratation artificielles dans les meilleurs délais», le médecin avait en fait déjà démissionné… »
Le gériatre dirigera une maison de retraite dans le privé, secteur où il est déjà présent comme directeur médical du groupe Maisons de famille, « un réseau de maisons de retraite de luxe », relève encore Le Figaro.
Ce départ impromptu pose plusieurs questions : les menaces (dont au moins une menace de mort contre laquelle il a porté plainte le 3 juillet) et sa lassitude sont-elles la première raison de sa demande de mise en disponibilité ? Il semble le suggérer dans cette explication à La Croix : « On dira que je suis lâche, que je démissionne, que j’abandonne, mais ça m’est égal. En déposant cette demande pour septembre, je m’étais calé sur l’agenda du Conseil d’État, qui devait statuer avant l’été et dont j’espérais qu’il validerait mon protocole d’arrêt des traitements. » Mais dans l’autre explication, donnée à L’Union-L’Ardennais, c’est le plan de carrière qui semble être la raison décisive. Croisée avec cette question d’ « agenda » évoquée dans La Croix pour valider, selon les propres mots du docteur Kariger, « mon protocole d’arrêt des traitements», elle laisse songeur…
Au Monde, le docteur Kariger affirme que la situation de Vincent Lambert ne changera pas avec son départ :
« L’équipe soignante la plus proche du patient et les médecins qui ont la responsabilité au quotidien de Vincent Lambert connaissent son dossier et sa situation clinique au moins aussi bien que moi. Donc, il y a continuité des soins, ce qui est l’essentiel. »
Pourtant, si par malheur la Cour européenne des droits de l’homme approuvait ou laissait s’appliquer la sentence du Conseil d’Etat à l’encontre de Vincent Lambert, la démission du docteur Kariger compliquerait ce dossier, explique Le Figaro : « En effet, si l’hôpital est procéduralement et administrativement responsable de ses médecins, seul le médecin a la charge – médicalement et éthiquement – de conduire ses actes et d’exécuter ce qui procède de sa décision et de sa réflexion, particulièrement dans un processus de fin de vie où la loi lui confère à lui seul le pouvoir de trancher au final, après la collégialité requise (article R 4127-37 du Code de santé publique). Dans ces conditions, comment envisager, pour ce geste ultime, de passer la main à un remplaçant, qui n’est juridiquement pas responsable de la mise en place du protocole? Repartir de zéro, avec une nouvelle procédure collégiale ? »
Cette nouvelle péripétie paraît donc ouvrir un autre espoir à tous ceux que révulse la perspective du « geste ultime ». A commencer par les parents de Vincent Lambert : « On veut retirer à Vincent le minimum qu’on peut donner à quelqu’un pour qu’il vive : l’alimentation et l’hydratation. Même une personne en fin de vie y a droit » constate sa mère, Viviane Lambert, dans l’interview qu’elle accorde cette semaine à Famille Chrétienne.