Ils donnent de la voix à l’approche de chaque été. Mais cette année, les intermittents menacent d’orages dévastateurs tous les spectacles, petits ou grands.
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30/06/2014
Manuel Valls a eu beau ouvrir le porte-monnaie de l’Etat (c’est-à-dire nos impôts), ils ne se calment pas. Les intermittents du spectacle (encore un de ces régimes spéciaux dont la France a le secret *) ne veulent pas entendre parler d’une modification de leur cher statut (très cher collectivement quoique peu rémunérateur pour chacun individuellement). L’annonce par le Premier ministre en personne, le 16 juin, que l’Etat prendrait en charge l’allongement du délai de carence (qui s’applique à chaque chômeur inscrit à Pôle Emploi avant qu’il soit indemnisé) n’a pas fait baisser la tension : « Dès le lendemain de l’intervention du premier ministre, la CGT a lancé un mot d’ordre de « grève massive » pour le 4 juillet, date d’ouverture du Festival d’Avignon. Un mouvement reconductible au long du mois de juillet… » rapporte Valeurs Actuelles.
Les intermittents se sont déjà fait les dents aux quatre coins de l’Hexagone, perturbant la cérémonie des César puis celle des Molière, interrompant le journal télévisé de France 2, envahissant le plateau du Grand Journal à Cannes, occupant l’opéra de Saint-Étienne, retardant la représentation de la Traviata à l’Opéra-Bastille, contraignant à l’annulation la Nuit des publivores à Toulouse et plusieurs spectacles lors du Printemps des comédiens…« Si le gouvernement ne nous entend pas pour sortir un plan d’apaisement équilibré et durable qui prenne en compte nos propositions, l’été ne se passera pas normalement », menace la centrale syndicale.
En question, le régime d’assurance chômage particulièrement favorable aux intermittents du spectacle qui comme leur nom l’indique sont régulièrement demandeurs d’emploi. Bien qu’ils ne représentent que 3% des chômeurs, leur indemnisation causerait le tiers du déficit de l’Unedic ! C’est la raison pour laquelle, à l’heure des économies, le patronat et trois syndicats (CFDT, FO et CFTC) sont tombés d’accord le 22 mars pour réformer ce régime hors norme. Il est plus que temps : voilà déjà plus de deux ans (février 2012) que la Cour des comptes estimait que le déficit cumulé du régime des intermittents avoisinait l’endettement total du régime d’assurance chômage, soit la bagatelle de 9,1 milliards d’euros.
Mais le gouvernement a voulu marcher sur des œufs afin de préserver les festivals…et ce qui reste de la gauche (les intermittents étant génétiquement à gauche de la gauche). L’accord « a minima » (notoirement insuffisant face à un déficit annuel qui oscille entre 320 millions selon l’Unedic et un milliard d’euros selon la Cour des comptes) qui doit être agréé demain, 1er juillet, par le ministère du Travail entérine trois mesures : le plafonnement du salaire et des indemnités chômage à 4 381 euros net, une augmentation de 2 % des cotisations sociales des intermittents et l’allongement du délai de carence…pris en charge, comme on l’a vu par l’Etat. Sauf que concrètement, peu d’intermittents sont concernés par le plafonnement : 6% des indemnisés selon l’Unedic tandis que les deux autres mesures concernent la totalité des intermittents.
Voici la semaine de tous les dangers. « La semaine qui vient va être cruciale pour les intermittents, avec notamment l’ouverture des festivals d’Aix et d’Avignon », constate Le Figaro.
Le secrétaire général de la CGT-spectacle Denis Gravouil a expliqué dimanche que «les festivals d’été auront lieu mais de façon perturbée dans beaucoup d’endroits y compris à Avignon». On peut lui faire confiance.
Une certitude, tout ce cirque abîme un peu plus l’image de notre pays et contribue à creuser son déficit. Un seul exemple, le coût de l’annulation du festival d’Avignon, déjà à cause des intermittents du spectacle en 2003, s’est élevé selon les calculs du
Monde à 1,9 million d’euros, facture réglée à l’époque par les tutelles du festival (Etat et collectivités locales).
« Un fossé se creuse petit à petit entre les citoyens de notre pays et les artistes » déplore Jean-Luc Jeener** dans Famille Chrétienne. (…) Nos intermittents, en effet, finissent par oublier qu’être intermittent n’est pas un métier, qu’avant d’être « intermittents », ils sont des artistes ! »
Mais ajoute-t-il, cette subvention, car c’en est une, est une vieille tradition française sans laquelle la France ne serait plus ce qu’elle est : « Sans Molière, sans Racine « subventionnés » par Louis XIV que serions-nous ? »
Oui, le principe mérite d’être préservé face à une Europe libérale du tout économique. Mais il manque sûrement beaucoup de discernement dans son application : les Molière et les Racine d’aujourd’hui, on les cherche…(quant à Louis XIV… !). Et s’ils existent quelque part, gageons que ceux-là ne sont pas près d’être subventionnés.