Une première en France : le rapporteur public du Conseil d’Etat préconise qu’on fasse mourir d’inanition ce jeune homme tétraplégique depuis 2008.
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20/06/2014
Alors que se déroule à Pau le procès du docteur Nicolas Bonnemaison (cf. Aleteia), notre société risque de franchir un nouveau pas dans la mise à disposition de la vie d’autrui.
Le sort de Vincent Lambert, 38 ans, victime d’un accident de moto il y a six ans, et dont le maintien en vie divise la famille, est désormais entre les mains du Conseil d’Etat réuni en « assemblée du contentieux ». Ce vendredi 20 juin, le rapporteur public du Conseil d’Etat s’est prononcé pour la mort…On cesserait d’alimenter et d’hydrater ce jeune homme sans même son consentement (Vincent Lambert n’avait pas rédigé de «directives anticipées» ni désigné de «tiers de confiance» permettant de faire connaître sa volonté – ce qui, au demeurant, ne changerait pas la nature de l’acte que le rapporteur conseille de perpétrer contre lui).
Cette mort lente lui serait infligée contre la volonté formelle de ses parents ainsi que d’un frère et d’une sœur en conflit avec l’épouse et six autres frères et sœurs ainsi qu’un neveu de Vincent Lambert. Les 17 juges de cette « assemblée du contentieux » se sont donné jusqu’à mardi prochain, 17h, pour prononcer leur verdict. Il n’y aura plus d’autre recours devant une juridiction française : seule la Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH) pourrait suspendre l’application de ce jugement si elle était saisie (ce que feront sans doute ses parents).
Un « processus de fin de vie » avait été lancé à l’encontre de Vincent Lambert par le médecin chargé de le soigner au CHU de Reims, à la demande de l’épouse de celui-ci et des membres de la famille qui la soutiennent. Mais saisi par les parents ainsi que le frère et la sœur opposés à ce qu’il faut bien appeler un homicide, le Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne avait suspendu le 16 janvier ce « protocole de fin de vie » déjà entrepris par le CHU de Reims. (cf. Aleteia)
Le Conseil d’Etat avait alors demandé une nouvelle expertise médicale du patient à trois experts en neurosciences. Ceux-ci avaient conclu le 5 mai dernier à «l’irréversibilité de ses lésions» cérébrales, tout en émettant une timide mise en garde dans cette formule alambiquée : «Nous tenons à souligner que dans une telle situation (…) le degré de l’atteinte de la conscience ne saurait constituer le seul élément déterminant de la mise en route d’une réflexion concernant un éventuel arrêt de traitement» (cf. Le Figaro). En revanche, l’Académie nationale de médecine (ANM) sollicitée elle aussi par le Conseil d’Etat pour l’éclairer sur le cas Lambert, avait émis le 20 janvier un avis sans langue de bois, dans un rapport de 9 pages : « L’arrêt de vie, en réponse à une demande volontaire à mourir alors que la vie en elle-même n’est ni irrémédiablement parvenue à son terme, ni immédiatement menacée ne peut être assimilée à un acte médical. Sans équivoque, quand bien même il s’agirait «seulement» d’une aide au suicide, il n’est pas dans la mission du médecin de provoquer délibérément la mort ».
C’est donc en passant outre à cet avis, que le rapporteur public a proposé aujourd’hui qu’on fasse mourir de faim et de soif Vincent Lambert -dont l’agonie durerait « entre trois et cinq jours » selon un expert sollicité par Le Figaro, En effet, rappelle notre confrère, le patient « s’éveille, dort, sourit, pleure parfois et répond aux stimulations, sans que ses réactions n’aient de réponse ou de valeur «clinique objective». Il n’est relié à aucun branchement, il ne respire pas artificiellement, mais il a une gastrostomie, une sonde alimentaire qui le nourrit pour éviter «les fausses routes» et les difficultés de déglutition. »
Outre celui de Vincent Lambert, le sort de quelque 1500 patients dans le même état que lui dépend donc de la décision que prendra mardi prochain le Conseil d’Etat.
Sur le fond de l’affaire -celle-ci et toutes celles qui ne manqueront pas de suivre- rappelons l’avis très équilibré qu’émettait en janvier dernier (après le jugement du Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne), le docteur Xavier Mirabel, président d’Alliance VITA :
« … les prises de position suscitées par la situation de Vincent Lambert sont éclairantes sur le débat actuel concernant la fin de vie en France :
- Certains ont dit qu’il fallait « laisser mourir » Vincent Lambert ; or il n’est aucunement mourant, il est lourdement handicapé.
- Certains l’ont appelé « légume » ; or c’est un terme impropre et dangereux, car jamais un être humain ne perd sa nature humaine ni sa dignité.
- D’autres encore ont demandé l’arrêt de son alimentation sous prétexte qu’il ne vit pas un état de pleine conscience ; or de nombreuses personnes en France vivent aujourd’hui la même situation que lui, protégés par leurs proches et leurs soignants.
Ce débat fait donc apparaitre la violence de certains arguments qui me paraissent extrêmement graves. Nous devons tous être en état d’alerte par rapport à ces réactions qui risquent de nous faire basculer vers une société de la toute-puissance qui refuse la grande fragilité de certains de ses membres. C’est donc avec force que je lance un appel aux pouvoirs publics pour demander qu’un profond travail de pédagogie soit accompli, fondé sur cette réalité : la vie de chacun est précieuse pour tous. »
Ou, pour le dire comme la Fondation Lejeune qui déplore dans un communiqué la conclusion du rapporteur public, « le seul principe qui vaille », c’est que « la vie d’autrui ne nous appartient pas et doit être respectée sans condition. »