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Le neurochirurgien Massimo Gandolfini clarifie pour Aleteia l’origine et les avatars de la très controversée théorie du genre.
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10/06/2014
Le « genre », notion désormais sur la place publique, est au centre des plus grands débats, aussi bien scientifiques que culturels. Nous avons demandé au professeur Massimo Gandolfini, neurochirurgien, directeur du département de neurosciences de la Fondazione Poliambulanza de Brescia, en Italie, et vice-président national de l’Association Scienza & Vita, de clarifier la signification et l’origine de cette idéologie. Il nous dit aussi ce que les avancées scientifiques sur le rôle du cerveau nous apprennent sur l’identité masculine et l’identité féminine au regard de la théorie du genre.
Professeur, pourriez-vous nous rappeler l’origine de la théorie du genre ?
D’un point de vue strictement historique, la notion de « genre » trouve sa plus lointaine origine dans une œuvre de Sigmund Freud, publiée en 1920, sous le titre “Psychogenèse d’un cas d’homosexualité chez la femme”, et dans laquelle, pour la première fois, le thème de la différence entre le rôle du genre et l’identité du genre est exposé. Sur le plan de l’émergence culturelle, l’idéologie du genre est apparue à partir des années 50/60 et a été caractérisée par trois grandes ‘vagues’, qui se sont succédé.
Première vague : la « théorie de la culture »
La théorie de la culture – « nurture theory » – également appelée théorie de la prévalence de la culture sur la nature, a été proposée par John Money, directeur du département de sexologie de l’Institut de Baltimore. Dans les années 60, il a commencé à suggérer l’idée que l’on devient homme ou femme, non pas par détermination biologique sexuelle, mais par l’’assimilation de multiples stéréotypes de genre. C’est-à-dire, un homme devient homme parce qu’il a été conditionné dans une certaine catégorie pédagogique et culturelle qui lui impose de tenir ce rôle social de l’homme (jouer au foot, jouer à la guerre, etc).
Cela vaut également pour la femme, qui a été conditionnée pour devenir femme. En modifiant cependant les stéréotypes de genre, l’on pourrait modifier l’évolution culturelle de la femme ou de l’homme. Et en complétant cette transformation avec des techniques médico-chirurgicales de « changement de sexe », l’évolution serait encore plus accomplie. C’est dans ce contexte qu’a émergé la tragique « expérimentation » menée par le docteur Money sur le petit Bruce, transformé en Brenda, et qui s’est conclue par le suicide du jeune, après une vie de malaises et d’indicibles souffrances.
(cf. Le docteur Money et les martyrs de la folie du gender édition italienne)
Deuxième vague : le mouvement féministe
La seconde « vague » est liée à l’histoire du mouvement féministe pour l’émancipation et l’égalité homme/femme, notamment à partir des années 70. Nous pouvons citer un nom qui résumerait tout : Simone de Beauvoir et sa lutte pour les droits au divorce, la liberté sexuelle réalisée à travers la contraception et le droit à l’avortement, afin de libérer la femme. En 1980, Adrienne Rich a publié un texte considéré aujourd’hui comme étant le manifeste des lesbiennes, en le proposant comme instrument pour la lutte de la libération de la femme. Elle a crée le « célèbre » sigle LGBT, en proposant quatre genres d’identités et d’orientations sexuelles.
Troisième vague : la « non identité »
On peut identifier cette troisième vague au début des années 90, avec Judith Butler, féministe lesbienne et auteure de « Gender Trouble », écrit fondamental du féminisme radical, dans lequel est proposée l’idéologie de la « non identité » au sein d’une société fluide et liquide, sans aucun point de référence, et qui ouvre la voie au « nomadisme » d’
Anne Sterling (1993). C’est dans ce contexte que le genre « queer » est né : étrange, variable, modifiable, qui va intégrer l’acronyme LGBTQ.
Y a-t-il une différence entre identité sexuelle et genre ?
Je voudrais préciser qu’il serait plus correct de parler d’identité « sexuée », plutôt que « sexuelle ». Par la première dénomination en effet, l’on souligne l’appartenance à un certain sexe – masculin ou féminin – et cela ne relève pas de notre propre choix, mais il s’agit d’une réalité biologique que nous avons en nous depuis notre naissance. Elle est inscrite dans notre corps entier, dans nos cellules, nos tissus, nos organes. Il s’agit là de la différence fondamentale entre identité sexuée et idéologie du genre : le premier terme est biologiquement défini, le second est un choix autonome et individuel.
Vous êtes neurochirurgien, le cerveau est-il mâle ou femelle ? Reste-t-il tel quel après une intervention chirurgicale, hormonale ou psychologique pour modifier le « genre » d’une personne ?
Au cours des vingt dernières années, nous avons acquis le principe que la sexuation dimorphisme (mâle/femelle) concerne notre organisme dans sa totalité, y compris le cerveau. Aujourd’hui, nous parlons de « cerveau sexué », et nous voulons sous-entendre ainsi que les hommes et les femmes sont différenciés également par leur structure anatomique et par le fonctionnement de leur cerveau. Depuis Léonard de Vinci, nous savons que le cerveau masculin est plus grand que celui de la femme (pardonnez la précision nécessaire pour éviter des débats divergents : la fonction n’est pas proportionnelle à la masse !), mais c’est seulement il y a une vingtaine d’années que nous avons compris que la différence est également d’ordre anatomique et fonctionnel.
Pour résumer, le cerveau masculin est caractérisé par une rigide « latéralisation » – les zones du langage sont, par exemple, strictement localisées dans l’hémisphère gauche ; en revanche, dans le cerveau féminin, elles sont également présentes dans le droit – et les connexions inter hémisphères – c’est-à-dire entre les deux hémisphères – sont plus nombreuses et développées dans le cerveau de la femme. Grâce à des recherches complexes sur le fonctionnement du cerveau, nous avons compris quelles sont les bases anatomofonctionelles qui permettent d’expliquer les données que la psychologie comportementaliste des années 50 proposait, et c’est ainsi que l’élaboration de la « pensée » masculine (dite « pensée linéaire ») a été identifiée comme étant différente de la pensée féminine (« pensée circulaire »). C’est d’ailleurs cette grande richesse de connexions entre les deux hémisphères qui rend la pensée féminine « multitâches ». La sexuation cérébrale est inscrite tellement profondément dans notre corps qu’il n’est pas possible de la modifier avec une thérapie hormonale qui est utilisée pour un changement de sexe : tout le corps est modifiable. Tout, excepté le cerveau.
La convention de Scienza & Vita, qui s’est déroulée en mai dernier à Rome, était intitulée « Amour et Vie. Questions de cœur et de raison. Réflexions vers un parcours formatif à l’affection et à la sexualité ». Affronter la « question du genre » est donc un défi éducatif ?
Nous avons choisi d’intituler notre dernière convention « Amour et Vie », pour affirmer le lien indissoluble qui doit exister entre l’amour et la vie, à tout âge et à toute époque. Le sous-titre a actualisé le thème, avec pour intention d’affronter toutes les questions que l’idéologie du genre implique, avec son omniprésence destructrice, du monde des sentiments au monde des relations affectives et sexuelles, jusqu’à la décomposition de la famille.
Le message d’accueil de monseigneur Galantino nous a montré deux lignes d’action très importantes. La première est que nous avons reçu un coup de pouce pour la pérennité de notre activité : la sage conjugaison de la science – mêlée de raison et de culture – avec la vie, un bien à défendre et à protéger.
La seconde indication concerne la méthode, la stratégie à suivre dans les différentes formes d’ « émergence anthropologique » que notre époque est en train de vivre, qui comprend l’idéologie du genre. L’indication est de garder le dialogue ouvert, sans préjugés, et de garder l’intention de trouver un terrain d’entente pour des actions communes culturelles, éducatives et politique. En mettant toujours la vie au centre de nos préoccupations. Il est très clair que tout cela ne signifie pas abandonner nos valeurs et principes fondamentaux, dans une recherche vide d’une humanité irénique. Il faut « construire des ponts, plutôt que de creuser des fossés », avec des hommes de bonne volonté, qui se nourrissent du monde de la culture et de la science. Et Scienza & Vita est née justement pour cette mission.
Traduit de l’édition italienne d’Aleteia par Mathilde Dehestru.