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Europe : relever la cathédrale effondrée

Le sigle de la Conférence des évêques européens)

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Philippe Oswald - publié le 23/05/14
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Face au marasme de la construction européenne, deux options se présentent : fermer le chantier ou repartir sur des bases nouvelles. L’Eglise opte clairement pour la seconde, et persiste à garder le cap de l'espérance.

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On entend souvent dire de l’Eglise qu’elle est en décalage avec son temps. Peut-être parce qu’elle est la dernière institution à tenir la vérité et le bien de l’homme pour des réalités supérieures aux humeurs du temps et aux consensus toujours évolutifs, provisoires et fragiles.


Le fait est qu’elle n’hésite pas, par la voix de ses pasteurs, à commencer par celle du Pape, à dire, suggérer, encourager et parfois à trancher, au risque de prendre l’opinion publique à rebrousse-poil, et quitte à mécontenter ou même à révolter une partie de ses fidèles.

Cela arriva par exemple au pape Benoît XV lorsqu’il tenta de stopper le « massacre inutile » de la Première Guerre Mondiale, « l’horrible boucherie qui déshonore l’Europe ». Clémenceau le traita de « pape boche » et le célèbre père Sertillanges, du haut de la  chaire de l’église de la Madeleine, n’hésita pas à se joindre au chœur des protestataires lors d’une cérémonie présidée par le cardinal archevêque de Paris. Quel aveuglement !
Tel fut aussi le sort, à propos cette fois de la morale sexuelle, du pape Paul VI qui affronta héroïquement une tempête mondiale lorsqu’il publia l’encyclique Humanae Vitae fort mal accueillie dans l’Eglise, surtout en Occident. Quel aveuglement ! Le pape Jean Paul II n’eut guère plus de succès avec Evangelium Vitae et se heurta, comme jadis Benoît XV, aux va-t’en guerre lorsqu’il multiplia les avertissements (« La guerre est une aventure sans retour ») au moment où se fomentait la première guerre du Golfe. Ses appels à la paix furent ostensiblement dédaignés par les Etats-Unis et leurs alliés, dont la France. Quel aveuglement !
On pourrait citer bien d’autres exemples, jusqu’au pape Benoît XVI dénonçant « l’apostasie de l’Europe », et au pape François dont les propos semblent davantage salués qu’écoutés et mis en pratique lorsqu’il presse toute l’Eglise de renouer avec la pauvreté évangélique pour se lancer généreusement et sans complexe à la conquête des « périphéries ».

Ne voit-on pas un semblable décalage à propos de l’Union européenne ? Certes, celle-ci garde de chauds partisans, majoritaires dans la classe politique, même s’ils conviennent quasiment tous qu’il faut refonder l’Europe. Mais l’attachement de l’Eglise à la construction européenne passe volontiers pour une aimable ou dangereuse utopie chez nombre de catholiques, français notamment. Sans doute ménageraient-ils les papes qui, depuis Pie XII, ont tous encouragé l’édification de cette « cathédrale », mais il ne faudrait pas les pousser beaucoup pour leur faire dire que les évêques européens se mettent le doigt dans l’œil lorsqu’ils persistent à relancer ce chantier chaotique et périlleux au motif qu’il est « inspiré par une vision noble de l’homme ».
En grossissant le trait pour résumer, on pourrait dire qu’à leurs yeux, les deux principes qui président, théoriquement, à cette construction européenne, la subsidiarité et la solidarité, sont l’un inopérant, l’autre laxiste, preuves selon eux que l’on ne fait pas de bonne politique avec de bons sentiments (bien que l’Histoire montre infailliblement que les pires désastres politiques sont le fruit de détestables sentiments).
Pour approcher de la vérité sur la situation actuelle, sans doute faut-il tenir à la fois que l’Europe paie au prix fort d’une décomposition générale son «apostasie» morale, politique et religieuse dans chacune des nations qui la composent, mais que l’Union européenne n’en est que plus facilement le bouc émissaire de tout ce qui ne fonctionne pas, les politiques se défaussant à qui mieux mieux sur le dos de la bête…y compris lorsqu’elle les fait vivre plutôt généreusement (les plus « forts en gueule » contre l’Europe étant des députés européens qui battent des records d’absentéisme à Strasbourg et à Bruxelles).

Le problème général de l’Europe, la clé de ses échecs et de son marasme actuel, ne serait-ce pas que la majorité de ses acteurs ont perdu la vision de l’homme et ont même cessé de s’interroger à son propos ? Pourquoi, pour qui, unir l’Europe si l’homme n’a plus de nature définie et si les contours de la société humaine sont modulables au gré des désirs individuels ? Sur quels fondements mettre en œuvre la subsidiarité et la solidarité si la dignité humaine et la fraternité ne sont que des mots creux, des concepts vides ? Comment enraciner l’Europe si ses acteurs tiennent ses racines judéo-chrétiennes pour un encombrant et même aliénant vestige du passé ?

A contrario, on comprend que « l’option préférentielle pour l’Europe » qui est celle de l’Eglise depuis plus d’un demi-siècle procède d’une vision de l’homme et du bien commun qu’elle a reconnue chez les pères fondateurs (plutôt chez Robert Schuman que chez son ami Jean Monnet). C’est pour retrouver leur élan fondateur au service de la paix et du bien commun de l’Europe qu’elle continue à encourager les bâtisseurs à ne pas déserter le chantier, alors même que celui-ci est chaotique et quand bien même la voûte de la cathédrale se serait-elle effondrée, telle jadis celle de Beauvais, trop hâtivement et ambitieusement lancée vers le ciel. Il n’aura pas fallu moins de 150 ans pour que son chantier soit achevé…

Conviction ou opportunisme, la majorité des partisans de l’Europe semble aujourd’hui s’accorder sur un diagnostic général : il faut refonder ou, à tout le moins, réformer en profondeur l’Union européenne pour qu’elle rencontre l’adhésion des peuples et les unisse au lieu de les diviser. L’Eglise, pour sa part, compte sur les chrétiens pour s’investir dans ce chantier qu’une poignée de ses fils a eu l’audace de lancer au lendemain de la Seconde guerre mondiale, afin de le reprendre de fond en comble sur la pierre d’angle rejetée par les bâtisseurs. Récidive dans l’utopie ? Mais l’Histoire -encore elle !- enseigne que pour le meilleur ou pour le pire, ce sont toujours des minorités agissantes qui raniment et entraînent peuples et nations aux heures de doute et d’apathie.

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